Fyctia
Chapitre 8 - Partie 1
Nous y étions enfin. La cité Divine, comme aimait la qualifier notre bon roi, était aussi belle qu’impressionnante. J’étais époustouflée, aussi bien par les grandes rues pavées que les habitants foulaient tranquillement en petits groupes en nous observant avec joie, que par les bâtiments à l’architecture complexe. Je savais, pour avoir vécu dans l’une d’elles, que les maisons les plus grandes et remarquables se trouvaient aux pieds des remparts du Palais. Plus l’on s’en éloignait, moins les richesses étaient évidentes, mais ici, tout le monde était bien loti. Ceux qui vivaient dans les petits immeubles de deux ou trois étages en bordure de ville étaient généralement des artistes, des marchands peu fortunés ou des serviteurs, mais ils jouissaient de tout le confort que cet endroit pouvait leur conférer.
Les innovations ainsi que la magie permettaient à chaque foyer d’accéder à de l’eau pure et chaude si souhaité et les étals du marché étaient toujours remplis et à des prix abordables. On trouvait également des cabarets ou des tavernes à chaque coin de rue, la culture était développée grâce à l’immense bibliothèque accessible à chacun, mais surtout, la sécurité était si élevée qu’aucune femme n’avait à craindre pour sa vie en sortant de nuit. Quant aux boutiques, elles vendaient tout ce que l’on pouvait désirer : Des bijoux si onéreux qu’une vie ne me suffirait pas pour en acheter un, des étoffes si délicates qu’elles semblaient imprégnées de magie, des épices rares, des fruits exotiques importés d’autres contrées, et même des inventions farfelues créées par les meilleurs ingénieurs du royaume. Cet endroit était conçu comme une vitrine, afin de prouver au monde entier à quel point le couple royal était bon et juste. Que grâce à eux, Lumes prospérait mieux que jamais.
D’après ce que j’en savais, la stratégie fonctionnait plutôt bien. D’autant que les ambassadeurs ne quittaient que rarement ces murs durant leurs visites officielles. Mais la réalité était toute autre dès lors que nous franchissions les grandes portes de la ville. Les villageois payaient trop de taxes pour subsister convenablement. Il y avait aussi le problème de la famine qui progressait près des frontières, et des maladies qui se développaient trop rapidement pour les guérisseurs de bas niveaux qui y vivaient.
Cependant, je devais bien admettre que la Capitale était aussi accueillante que spectaculaire. Ce n’était pas pour rien que tous les étudiants des Académies donnaient tout pour obtenir une bonne place. Cette vie, si différente de ce que la plupart d’entre nous avions connu, en faisait rêver plus d’un. Évidemment, pour moi c’était un retour aux sources. Ou presque. Je n’étais pas la jeune femme noble de dix-huit ans que j’aurais dû devenir, celle qui se serait extasiée devant les bons partis lors des bals organisés fréquemment au Palais. Je ne risquais pas non plus de tomber en pamoison devant un joli minois. Rien que cette idée me donnait envie de rire.
Ce qui m’amusait moins, en revanche, c’était de penser aux perspectives d’avenir de Wren, la petite fille que j’avais dégagé des décombres quelques jours plus tôt. Je l’avais discrètement soignée pendant que je la portais puis, lorsqu’elle avait repris conscience, j’avais fait mon possible pour lui expliquer où nous allions et pourquoi. Elle avait pleuré des heures en comprenant qu’elle ne reverrait plus ses parents et je m’étais trouvée si désemparée qu’Auris m’était venu en aide. Il avait un tel don avec les enfants qu’il était rapidement parvenu à lui changer les idées, et même à la faire rire. J’en étais toujours stupéfaite.
— C’est beau ! s’exclama justement la petite en pointant un édifice du doigt, toujours dans mes bras.
Je suivis des yeux la direction qu’elle indiquait et souris légèrement. Elle désignait le Palais, et je ne pouvais être on ne peut plus d’accord avec elle. Il surplombait la ville entière, tout de marbre blanc et d’un cristal aussi résistant que l’acier. Il scintillant de mille feux au soleil, sous différentes déclinaisons de couleurs selon l’heure de la journée. Une tour à la pointe étincelante s’élevait en son centre, si haute qu’on aurait dit qu’elle fusionnait avec le ciel. D’autres, plus petites, encadraient les différentes ailes du bâtiment octogonal, le tout entouré d’une épaisse muraille infranchissable mais non moins magnifique. Je savais pour y avoir été un nombre incalculable de fois, que le plus beau des jardins se trouvait caché derrière ces murs. Et nous y étions attendus.
— Ça te plairait d’aller voir à quoi ça ressemble de plus près ?
La fillette hocha si vigoureusement la tête que plusieurs mèches de ses cheveux me fouettèrent le visage, m’arrachant un petit rire. Je captai alors le regard amusé d’Auris posé sur nous tandis qu’il marchait à mes côtés.
— Vous êtes trop mignonnes toutes les deux. On dirait la petite sœur que tu n’as jamais eu.
— Ni voulu, marmonnai-je dans sa direction.
Wren était trop occupée à admirer notre environnement pour écouter, aussi, Auris en profita pour continuer sur sa lancée.
— Arrête un peu, tu aurais adoré. Encore que je ne sois pas certain que le monde aurait été prêt pour une deuxième Nyx.
— Je ne vois pas ce qui te fait dire ça. Je suis très charmante. Parfois. Quand je le veux. Enfin, je pourrais l’être, dans l’absolu.
Il ricana et je déplaçai subtilement mon pied pour le faire trébucher. Il lâcha un juron en manquant s’étaler et j’éclatai de rire.
— Si tu ne sais même pas marcher, tu n’es pas près de remporter la Sélection, remarqua durement Astor.
Auris coula un regard désabusé dans ma direction et je gloussai discrètement.
— Très charmante oui, je confirme, ironisa-t-il en reprenant contenance.
Après quelques instants de silence, il reprit à voix basse :
— Tu penses qu’ils vont en faire quoi ?
Son regard se posa une seconde sur Wren et je compris de quoi il parlait.
— Rien, répondis-je un peu trop sèchement. Je vais voir ça avec Kester.
— Elle n’a pas de pouvoirs, Nyx… Elle ne pourra pas…
— Auris. Pour ton bien, ne termine pas cette phrase.
Il m’observa quelques secondes avec compassion alors que je luttais pour ne pas déverser ma colère sur lui. Oui je savais que Wren ne pouvait pas intégrer une Académie. Oui le monde était injuste, tout comme l’était la vie. Mais Kester trouverait une solution. Il en trouvait toujours une. Et quand on parlait du loup… Je repérai ses yeux émeraudes à l’entrée des remparts, aux côtés d’un officier supérieur et d’autres gardes chargés de nous escorter.
— Halte ! nous ordonna Astor.
Il se dirigea ensuite vers eux et leur adressa quelques mots que nous n’entendîmes pas puis le regard de mon mentor se porta sur moi. Lorsqu’il me fit signe de le rejoindre, ce qui enfreignait hautement le protocole, je lâchai un petit soupir. J’espérais que j’avais raison, parce que dans le cas contraire, je sentais que j’allais exploser sur place.
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Babsoje
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