Fyctia
Chapitre 7
Idéalement, il aurait fallu que nous nous reposions quelques jours pour nous remettre pleinement de l’attaque, mais nous ne disposions pas de ce temps. Gwen s’était donc épuisée à la tâche pour guérir tout le monde, à l’exception d’Auris dont j’avais pris soin moi-même dans le plus grand silence. Je ne savais pas s’il m’en voulait de lui avoir caché des informations aussi cruciales à mon sujet, mais il était clair qu’il avait besoin de temps pour les assimiler. Nous subissions également tous le contrecoup des récents évènements, et le décès d’Edrun avait laissé des traces. Il avait été l’un de nos instructeurs, nous le connaissions depuis des années et il était l’un des rares que nous appréciions réellement. Toujours calme, patient et à l’écoute, il s’était efforcé de nous transmettre ses connaissances sans jamais nous brusquer ou nous rabaisser. Tout l’opposé de Varok.
Nous avions profité des quelques heures durant lesquels la guérisseuse s’était reposée pour envelopper la dépouille du garde dans un linceul improvisé. Personne dans le groupe n’avait pu se résigner à l’enterrer au milieu de nulle-part, et nous n’étions plus très loin de la Capitale, maintenant. Il y aurait droit à de véritables funérailles, lesquelles loueraient ses exploits et son sacrifice. Il n’existait pas plus grand honneur pour un guerrier Sanctifié et nous étions déterminé à le lui accorder.
Un cheval avait charrié notre matériel jusqu’à présent. Dorénavant, il transportait le corps sans vie d’Edrun et nous nous étions réparti le reste. Lorsque vint l’heure du départ, Astor soutint également Gwen, qui montrait des signes d’épuisement alarmants. J’étais inquiète pour elle, car même si son don était plus puissant que la norme, elle n’avait jamais eu à l’utiliser de manière aussi intensive. Ses traits étaient tirés par la fatigue et des cernes violacées entouraient ses yeux.
Une pointe de culpabilité se fit sentir dans mes entrailles. J’aurais pu l’aider davantage, la soulager en prenant sur moi et m’occuper d’une partie des blessés. Cependant, une peur primaire persistait dès lors qu’il s’agissait de révéler mon secret. Mon instinct me soufflait de le garder pour moi et me mettait en garde contre un danger que je ne pouvais identifier. Je me sentais d’ailleurs bien assez agitée comme ça, à l’idée que deux autres personnes en avaient désormais connaissance.
Il ne fallut pas plus d’une heure de marche avant que nous n’ayons l’occasion de découvrir par où les Spectres étaient passés durant la nuit. D’après les légendes, ils étaient naturellement attirés par la magie, nous avions donc pensé qu’ils s’étaient manifestés uniquement pour nous. Après tout, notre groupe possédait une forte concentration de pouvoirs.
Nos suppositions furent balayées à l’instant où nos yeux se posèrent sur un village en ruines, légèrement en contrebas de notre route. Les décombres étaient encore fumants. Plus aucune chaumière ne tenait debout et des corps… Des corps d’hommes, de femmes et d’enfants étaient éparpillés dans la rue principale, certains déchiquetés, d’autres carrément démembrés. Le sol de terre apparaissait rouge de chair et de sang. Le spectacle de désolation qui s’offrait à nous était d’une atrocité sans nom. Les villageois s’étaient faits purement et simplement massacrer.
L’odeur nauséabonde ambiante me donnait des nausées, et j’entendis quelqu’un vomir à l’arrière alors que nous approchions du village. Nous aurions pu le contourner, mais il était de notre devoir en tant que futurs protecteurs du royaume de chercher des indices, même si nous n’avions aucun doute concernant la cause de ce carnage. Auris se tenait près de moi, juste derrière Astor, en tête de peloton. Il était aussi tendu que moi mais son visage ne trahissait aucune émotion. Je n’étais pas habituée à voir mon ami arborer une telle expression. Je me serais attendue à de la peine, de la compassion, de la colère… Mais c’était comme si des remparts s’étaient érigés autour de lui. Je tendis alors à peine ma main vers la sienne, juste assez pour effleurer le bout de ses doigts en guise de soutien. Je voulais, par ce geste, lui rappeler qu’il n’était pas seul. Que j’étais là, quels que soient les démons auxquels cette scène le forçait à faire face. Au bref regard qu’il me lança, je compris que le message était passé.
Une fois sur place, Astor nous ordonna de fouiller les décombres. Nous nous exécutâmes dans un silence pesant, chacun de notre côté, et j’examinai plusieurs cadavres en passant. Ils portaient les mêmes griffures que nous avions reçues, bordées d’engelures caractéristiques. Les humains avaient tenté de fuir la menace invisible mais aucun n’en n’avait réchappé. C’était du moins ce que je croyais, jusqu’à ce que je dégage les dépouilles d’un homme et d’une femme sur lesquels une poutre était tombée. Ce que je découvris alors me glaça d’effroi.
Une fillette d’environ cinq ans se tenait allongée là, couverte de sang et de débris. Son petit corps était vêtu d’une chemise de nuit en lambeaux et je distinguai quelques entailles superficielles sur sa peau. Elle était inconsciente, mais elle respirait encore faiblement. Je retirai alors ma cape et me penchai sur elle afin de l’y envelopper, puis la soulevai délicatement dans mes bras, refoulant des larmes de soulagement. Ses parents l’avaient protégée jusqu’au bout et elle avait survécu. Il m’était quasiment impossible de contenir l’émotion qui me submergeait en cet instant tandis que je repoussais quelques mèches collées à son visage, serrant doucement la petite contre moi.
— Qu’as-tu trouvé ?
Je me tournai vers Astor, qui arborait un air toujours aussi grave. Moi, je ne pouvais m’empêcher de sourire malgré la situation, le cœur débordant d’émotions contradictoires.
Il avisa la fillette avec circonspection puis reporta son attention sur moi.
— Est-ce une Sanctifiée ?
Je secouai la tête, n’ayant senti aucune magie en elle.
— C’est certainement ce qui l’a sauvée. Ça, et ses parents.
Astor hocha la tête et réfléchit quelques secondes.
— Est-elle blessée ?
— Rien de grave à première vue.
— Gwen ne pourra pas l’examiner aujourd’hui.
— Je sais, mais on ne peut pas la laisser ici, Astor. Gwen a des onguents, ça suffira pour ce qu’elle a.
Ses yeux passèrent de la fillette à moi plusieurs fois avant qu’il ne lâche un soupir.
— Bien. On va la ramener avec nous. Occupe-toi d’elle jusqu’à notre arrivée.
Il n’attendit pas de réponse pour faire demi-tour et s’éloigner puis ajouta assez fort pour être entendu de tous :
— Regroupez-vous ! On en a assez vu. On repart.
Apparemment, il n’y avait aucun autre survivant, ce qui soulevait des interrogations. Les Spectres attaquaient les humains, se repaissaient de leurs âmes, mais ils étaient particulièrement attirés par la puissance magique. Ce village était-il habité par plusieurs Sanctifiés avant d’être détruit ? Il s’agissait de l’option la plus probable, mais seuls les spécialistes de la Capitale auraient la réponse.
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