Fyctia
Chapitre 5 - Partie 2
Les semaines étaient passées en un clin d’œil et le printemps avait cédé sa place à l’été, bien que la différence ne fût pas flagrante à l’Académie. Entre les entrainements de plus en plus intenses, les cours, mon temps passé avec Auris et les punitions reçues par l’instructeur Varok pour mon insolence… J’avais eu un emploi du temps des plus chargés. Ce qui m’avait arrangée, il fallait bien l’admettre. Cela avait évité à mon esprit de vagabonder dans les zones les plus sombres de mon âme et m’avait permis de rester concentrée sur mes objectifs journaliers.
Emerik n’était plus parvenu à me battre, par exemple. Ni personne d’autre d’ailleurs, à l’exception d’Auris. Et à deux reprises, rien que cela ! Heureusement, il avait la victoire modeste et m’avait indiqué gentiment les failles qu’il avait pu exploiter afin que je ne risque pas d’en souffrir durant la Sélection. J’en avais toujours fait autant pour lui, évidemment.
Le jour des adieux, le tour fut vite fait pour moi. J’étais passée voir Metsy et les autres gamins d’environ son âge, personne d’autre. En tout, nous étions six à partir, escortés de gardes expérimentés et de notre guérisseuse. J’avais fini par apprendre qu’elle ne comptait pas revenir et qu’elle serait remplacée par d’autres personnes dès que Kester aurait fait son choix. Du moins, s’il trouvait des volontaires. Ce don, sans être rare, était généralement trop faible pour convenir à une Académie et les conditions de vie n’étaient pas faites pour tout le monde. Je comprenais que Gwen choisisse de passer à autre chose, après y avoir consacré vingt-cinq ans de sa vie.
Nous étions maintenant en route pour notre destinée, marchant d’un bon pas derrière les gardes. J’avais passé ma dernière nuit avec Auris, du moins pendant un petit moment, et je sentis mon cœur se serrer à l’idée que ce pan de ma vie était terminé. Je ne le regrettais pas et j’avais conscience que je reviendrais certainement un jour ou l’autre, si tout se passait bien pour moi, mais pour l’heure… La peur de l’inconnue mêlée d’une pointe de nostalgie me gagnait.
Je tournai donc une dernière fois la tête vers l’édifice fortifié tandis que nous nous éloignions, me permettant d’admirer à loisir le flanc de montagne sur lequel il avait été bâti. Cet endroit, tout de pierres épaisses et d’un gris si déprimant que même le soleil d’été ne pouvait le réchauffer, m’avait abrité pendant dix ans. Les bons souvenirs que j’y avais accumulés resteraient dans un coin de ma mémoire mais il était temps de tourner cette page afin d’en écrire une nouvelle. Une suite que j’espérais bien voir se dérouler comme je l’entendais.
Notre voyage s’avéra plus intéressant que je n’aurais pu l’anticiper. Nous traversâmes, des plaines luxuriantes, de nombreux villages, des forêts débordantes de vie, des cités hautes en couleur et rencontrâmes beaucoup de nouveaux visages. Nous ne portions aucun élément distinctif, principalement pour notre sécurité, mais cela n’empêchait pas les habitants de la route vers la Capitale de deviner qui nous étions, où nous allions et surtout pourquoi. Leurs encouragements m’avaient surprise mais après tout, pour eux, nous étions leurs champions. Nos victoires et nos défaites avaient étrangement un impact sur l’économie de la région, comme si sa valeur dépendait de celle des gardes qui y étaient formés.
— Vous pensez qu’ils vont nous servir quel genre d’épreuves, cette année ?
C’était Zoryn qui avait pris la parole tandis que nous dinions tous autour d’un feu de camp, à quelques jours de notre destination maintenant. Elle était la seule autre fille assez âgée pour participer à la Sélection et n’était pas mauvaise, sans faire d’étincelles non plus. Petite mais rapide, la peau aussi foncée qu’une nuit sans étoiles, elle était très jolie et douée dans de nombreux domaines. Mais ses talents à l’épée et au corps à corps laissaient à désirer. Heureusement, elle excellait dans le tir à l’arc et l’élaboration de stratégies originales.
— Sûrement les mêmes conneries que d’habitude. Honneur, loyauté et bravoure donc… Joutes, épreuve d’endurance, duels, ce genre de trucs absurdes, répondit Pax. De toute façon ils vont tous nous embaucher, alors autant qu’ils nous testent rapidement et qu’on en parle plus. Cette manie de faire tout un événement de pas grand-chose chez les riches…
Auris éclata de rire suite aux paroles de son ami et je souris légèrement. J’appréciais énormément le franc parlé de Pax mais je n’étais pas certaine qu’il sache se contenir à la Capitale, ce qui ralentirait à coup sûr ses ambitions. Il n’avait pas tort, cela dit. Dès lors que nous sortions d’une Académie, et si nous avions terminé le cursus, nous étions certains d’obtenir un bon emploi. Seulement, il y avait « bon » et « excellent ». Devenir Bouclier entrait dans cette seconde catégorie.
La conversation suivit son cours après cela et Auris se pencha vers moi pour me parler à voix basse.
— Un peu de compagnie te ferait plaisir, ce soir ? demanda-t-il d’une voix suave, alors que ses doigts jouaient avec la pointe de mes cheveux dans le bas de mon dos.
Je lui adressai un petit sourire moqueur.
— Tu es déjà en manque ? D’habitude tu le vis bien quand on met en pause nos… Activités.
Son souffle caressa ma joue et je frissonnai, une douce chaleur se répandant du sommet de mon crâne jusque dans mes orteils.
— C’est vrai mais… Il nous reste très peu de temps. Nous sommes proches de la Capitale maintenant.
— Où tu auras l’embarras du choix.
— Vrai aussi.
— Ça te changera de l’Académie. Et de moi, ton seul choix possible.
— Serais-tu jalouse, Nyx ? Non parce qu’il y avait Zoryn aussi, sinon, hein.
J’éclatai de rire, si fort que tous les regards se tournèrent vers nous. Je me calmai alors bien vite et baissai encore la voix d’un cran. Mieux valait que personne n’entende ce genre d’absurdité.
— Et Gwen. Et toutes les servantes.
— Exactement. Mais je t’ai choisie.
Je ne savais que penser de cette affirmation. Tout le monde savait que les jeunes gardes masculins passaient la première année de leur carrière avec très peu d’heures de sommeil et d’innombrables conquêtes. Est-ce que ça me dérangeait d’imaginer Auris avec une autre ? Non. Oui. Peut-être. Disons que c’était compliqué. Il avait été mon premier et unique partenaire, Gwen nous avait fourni les contraceptifs, mais il était seulement un… Ami, à défaut de trouver meilleur qualificatif. Ou du moins, il n’était censé être que cela. Je ne pouvais pas me permettre de m’attacher davantage. Sa proposition, bien que tentante, était donc une mauvaise idée. Je préférais ne pas retourner le couteau dans la plaie. Ce que j’éprouvais était suffisamment contradictoire.
— Eh bien, tu auras d’autres options dorénavant. Moi, je vais me coucher. Seule. On a de la route, demain.
Il rit doucement mais n’ajouta rien au sujet, se contentant de me souhaiter une agréable nuit tandis que je m’éloignais du groupe pour rejoindre la tente que je partageais avec Zoryn et Gwen.
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