Fyctia
Chapitre 4 - Partie 2
C’était une journée de printemps comme une autre. Il faisait beau, les arbres fleurissaient et le jardin soigneusement entretenu par maman regorgeait de plantes aromatiques. Nous devions tout de même nous rendre au marché régulièrement pour ne manquer de rien, surtout que papa adorait le ragout de lapin aux épices et les délicieux gâteaux que nous lui préparions en son absence. Enfin, ce n’était pas que pour lui, bien sûr. Je prenais un grand plaisir à tout goûter pendant la préparation, juste histoire d’être certaine que c’était bon. C’était ce que je disais à maman en tout cas, et ça la faisait rire, alors je continuais.
Ce jour-là nous étions en train de préparer une tarte aux framboises. Elles ne poussaient pas encore à la Capitale en cette saison, du coup nous les achetions au marché et ce n’était pas donné d’après papa, même si ça ne semblait pas l’inquiéter. Il travaillait au Palais Divin en tant que Conseiller du roi, alors je supposais que l’argent n’était pas un problème. Nous vivions d’ailleurs dans une grande et jolie maison très confortable, juste après les remparts, où d’autres nobles et riches bourgeois étaient également logés. J’étais contente car tous mes amis vivaient proches de moi et je pouvais jouer avec eux tous les jours si je le voulais. Papa m’emmenait même au Palais deux après-midi par semaine pour voir Elosyne, ma meilleure amie, et recevoir les cours de son précepteur. D’après maman, c’était une vraie chance, car aucun autre enfant n’avait droit à ce traitement de faveur.
Ce matin-là maman m’avait acheté de nouveaux rubans et trois robes pour les fêtes qui n’allaient pas tarder à débuter. Je voulais être aussi jolie que mes copines alors elle n’avait pas regardé à la dépense. Ce qui me contrariait par contre, c’était que papa n’avait pas voulu que je vienne au Palais depuis plus d’une semaine sans me dire pourquoi. Elosyne me manquait. Tout comme Elkis, son frère jumeau qui n’arrêtait pas de nous embêter. Il me faisait rire et voulait bien jouer avec nous, même quand on lui faisait faire des choses qu’il n’aimait pas… Comme le coiffer ou l’habiller en princesse.
La nuit tomba et papa n’était toujours pas rentré. Le ragout et la tarte étaient prêts depuis longtemps, je m’ennuyais et j’avais faim, alors maman m’autorisa à manger quelques biscuits en attendant. Je voyais bien qu’elle était inquiète. Elle n’arrêtait pas de regarder par la fenêtre et ne faisait pas attention à moi quand je voulais lui montrer mes dessins. J’aurais bien voulu avoir un frère ou une sœur, moi aussi. Au moins je n’aurais pas été seule quand il était trop tard pour sortir jouer.
Papa rentra enfin après une une éternité, mais quelque chose n’allait pas. Il était affolé et criait à maman de prendre des affaires pour partir. Elle obéit aussitôt sans poser de question, l’air terrifiée. Sauf que moi je ne voulais pas partir ! Pour aller où ? Tous mes amis étaient ici, j’avais une bonne école et nous étions heureux. Alors quand papa voulu m’attraper pour me faire mettre ma cape, je courus me réfugier dans la cuisine. Il me suivit, mais alors que ses bras se refermaient sur moi, un grand fracas retentit depuis l’entrée, suivi d’un hurlement de maman qui me figea de peur.
— Cache-toi ! m’ordonna-t-il à voix basse, si effrayé que je ne protestai pas.
Je n’avais pas le temps de monter dans ma chambre. Des bruits de pas lourds et inquiétants résonnaient dans le couloir et mon cœur tambourinait dans ma poitrine. Je me jetai alors sous le foyer, où nous stockions le bois, et me roulai en boule tout au fond. Heureusement que papa n’en avait pas encore rentré ce soir, car c’était le seul endroit possible pour me cacher.
Quatre hommes déboulèrent dans la cuisine à peine une seconde plus tard et je plaquai une main sur ma bouche pour ne pas hurler de terreur. Deux d’entre eux tenaient maman et elle saignait au visage. Papa dégaina son épée mais l’un des hommes fut plus rapide et le désarma sans effort. C’est alors que je remarquai qu’ils portaient tous l’uniforme de la garde royale, avec l’écusson caractéristique de la reine brodé sur leur cape. C’étaient des gentils, ils étaient là pour nous protéger, alors pourquoi ils faisaient peur à papa et maman ?
— Où est-elle ? demanda l’un des hommes qui tenait maman.
Il approcha un couteau de sa gorge et elle se mit à pleurer. Papa tomba à genoux en secouant la tête.
— Chez ma sœur, dans une ville côtière.
Sa voix tremblait de peur et il mentait. Papa n’avait pas de sœur. Mais pourquoi mentir aux gardes de la reine ? Que se passait-il ?
— Des témoins affirment l’avoir vue au marché pas plus tard que ce matin, en sa compagnie, déclara le garde en désignant maman. Pour la dernière fois, où est-elle ? Répondez ou j’égorge votre ignoble femme. Vous pensiez vraiment pouvoir cacher sa nature éternellement ? Vous connaissez la loi. Nous voulons aussi sa progéniture.
Papa ne trouva pas quoi répondre et maman pleurait de plus en plus. C’était moi qu’ils cherchaient ? Il fallait que je sorte de ma cachette. Que j’aide mes parents !
Un autre garde entra dans la pièce et je sentis aussitôt un immense pouvoir émaner de lui, pas aussi grand que celui de la famille royale cela dit. Son regard d’un vert, presque surnaturel, se porta aussitôt sur moi.
« Ne bouge pas, ferme les yeux, bouche-toi les oreilles. Ne fais pas le moindre bruit. »
J’avais entendu cette voix masculine dans ma tête, mais elle était tellement autoritaire que je pressai aussi fort que possible mes mains sur mes oreilles tout en retenant mes sanglots. Peut-être qu’il allait aider papa et maman ?
Il n’en fit rien. Au lieu de quoi, il vint se placer devant le foyer sous lequel il faisait si chaud que je transpirais à grosses gouttes. Ses jambes et sa longue cape m’empêchaient de voir ce qu’il se passait, mais ça me cachait aussi des autres gardes.
« Ferme. Les. Yeux. »
J’obéis aussitôt et les hurlements de douleur commencèrent, si forts que je les entendis même en appuyant plus fort sur mes oreilles.
— Nyx ! Réveille-toi ! Tu fais un cauchemar !
Mais les hurlements continuèrent, jusqu’à ce que je m’aperçoive que c’était moi, qui hurlais. Je n’étais plus sous le foyer pendant que mes parents se faisaient massacrer, mais je pleurais et tremblais autant que ce jour-là. Les bras d’Auris m’entouraient et à son visage aussi inquiet que compatissant, il avait dû entendre davantage que des cris. La honte et la colère s’emparèrent soudain de moi et je me dégageai avec fermeté de son étreinte, pourtant réconfortante, pour me rhabiller aussi vite que possible. Je n’aurais jamais dû m'assoupir ici, de toute façon. Nous n’étions pas le genre à dormir ensemble après avoir pris du bon temps.
— Nyx…
— Fous-moi la paix, Auris.
Je sortis de sa chambre sans autre forme de procès. Je ne voulais pas de sa pitié. Nous avions tous des histoires tragiques, ici, et la mienne n’avait rien d’exceptionnelle. Mais surtout… Je ne voulais pas en parler.
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