Fyctia
Chapitre 4 - Partie 1
Ma discussion avec Kester tournait en boucle dans ma tête alors que je me dirigeais vers la chambre d’Auris, située dans une aile plus éloignée de la mienne. Il y avait plusieurs points qui demeuraient mystérieux et ça soulevait beaucoup de questions. Est-ce que ma rencontre fortuite avec cette chose qui nous avait attaqués avait un lien avec le retour des Spectres ? Était-ce un signe supplémentaire que la Prophétie était en marche ? L’apparition de l’étincelle de pouvoir inédite que j’avais utilisé pile à ce moment était-elle un simple hasard ? Et puis, en quoi consistait ce pouvoir, au juste ? J’avais apparemment pu soigner mon ami sans la présence d’un guérisseur à proximité pour reproduire son don, donc quoi ? Est-ce que j’avais en quelques sortes conservé en mémoire cette capacité ? Je n’avais aucune réponse mais je me doutais que Kester en savait davantage qu’il ne voulait bien le dire.
Ce dernier partirait le lendemain matin, dès les premières lueurs de l’aube. Je n’étais pas spécialement inquiète, il était mon mentor et je connaissais mieux que personne ses capacités. S’il y avait bien une personne qui pouvait effectuer ce voyage jusqu’à la Capital avec un cheval et ses armes pour seuls compagnons, c’était bien lui. Le contexte particulier n’y changeait rien.
Si je devais m’en faire pour quelque chose, c’était pour cette histoire de Prophétie. Tous les humains en avaient entendu parler à un moment ou un autre. Pour ma part, ce fut à l’occasion d’un cours d’Histoire quelques années auparavant.
Six siècles plus tôt, le monde était gouverné par des faes cruels et sanguinaires pour qui les humains ne valaient guère mieux que des esclaves, quand ils ne servaient pas tout simplement de nourriture aux vampyrs, goules, chiens de l’enfer et autres laquais affamés de chair humaine.
Le roi Harlan, père de notre souverain actuel, fut le premier à oser tenter d’améliorer la condition humaine. Il avait levé une armée en toute discrétion et la grande révolte avait débuté. Bien sûr, les créatures qu’ils combattaient étaient plus fortes, plus féroces et dotées de grands pouvoirs, aussi la victoire de ces dernières fut presque assurée avant même que la guerre ne commence réellement. Ils allèrent jusqu’à enlever la jeune épouse du roi, dont il était éperdument amoureux, afin de lui faire subir les pires sévices. Violée, battue et exhibée, elle devait servir d’exemple aux partisans de notre sauveur afin de les décourager de s’élever contre l’ordre établi.
Lorsqu’elle finit par mourir après de longs mois d’agonie, le roi Harlan, fou de colère et de chagrin, pria les déesses primordiales d’interférer en sa faveur. Émue par les évènements, l’une d’elles répondit à son appel et lui accorda un vœu. Naturellement, il demanda le retour de sa bien-aimée et il l’obtenu, mais elle revint changée. Bénie par la grâce divine, elle portait en elle la capacité de créer un monde meilleur, mais aussi de le détruire.
Kester m’avait longuement reparlé de la suite, car il estimait que le parallèle avec ma situation émotionnelle pourrait certainement m’atteindre. Ce ne fut pas le cas, mais toujours est-il que la jeune femme, corrompue par le désir de vengeance de son époux, choisit d’annihiler le monde des faes grâce aux Spectres. Leur espèce, ainsi que celle de toutes les créatures à leur service, disparut de la surface de la Terre. Ce ne fut néanmoins pas sans conséquences car un tel déferlement de magie, aussi puissante que celle de la Création, éveilla des pouvoirs au sein même de la population humaine. Ces derniers devinrent des Sanctifiés, des êtres magiques humains touchés par la grâce divine, et se mirent au service de leur puissante souveraine et de son époux. D’après l’Histoire, nous étions leurs descendants. Leurs héritiers. Notre destin était de protéger la noblesse et la famille royale afin que celle-ci puisse continuer à faire prospérer l’humanité, libérée du joug des faes.
La déesse primordiale n’apprécia néanmoins pas l’utilisation que le couple fit de son cadeau. En choisissant de se venger plutôt que d’apporter l’harmonie entre toutes les espèces, de détruire pour reconstruire sur les cendres de leurs ennemis, ils avaient commis un sacrilège. Elle prophétisa alors qu’un jour le cycle recommencerait. Que si le règne des humains ne s’avérait pas aussi irréprochable qu’ils prétendaient le vouloir, un nouveau Destructeur de mondes émergerait et abattrait sa colère vengeresse sur eux, jusqu’à ce qu’il ne reste plus rien à rebâtir. Et cet avènement serait précédé du retour des Spectres, une armée non vivante que seul le pouvoir du Destructeur pouvait contrôler.
Je ne savais pas si Kester croyait en ces histoires, mais pour moi il ne s’agissait que de contes et légendes, du moins en grande majorité. Quant à la petite morale concernant la vengeance, elle me passait bien au-dessus de la tête. En l’absence de justice, que restait-il d’autre ? La résignation ? Très peu pour moi. Je préférais me concentrer sur les faits. En l’occurrence, si les Spectres étaient réels, alors peut-être que le Destructeur aussi. Si tel était le cas, nous allions devoir nous rassembler pour le trouver et le combattre. J’espérais juste que ce rebondissement ne mettrait pas mon plan en péril.
J’allais me mettre à ruminer ce sujet lorsqu’une porte s’ouvrit à quelques mètres de moi, me faisant sursauter sur place. Je n’avais même pas remarqué que j’étais arrivée jusqu’à l’aile des combattants masculins, même si nous n’étions que quatre représentantes de la gent féminine dans la nôtre. Je m’étais arrêtée près d’une fenêtre et mon regard s’était perdu dans les étoiles qui nous surplombaient, mais j’avais été trop perdue dans mes pensées pour y faire attention. Contrairement à celui qui venait d’apparaître et qui disposait de toutes les qualités pour la retenir.
— Qu’est-ce que tu fais là ? s’enquit Auris en me détaillant de la tête aux pieds, aussi ravi que surpris de ma présence.
Je m’approchai alors lentement de lui en souriant, jusqu’à pouvoir poser mes mains sur son torse musclé, et le repoussai dans sa chambre sans rencontrer la moindre résistance de sa part. J’avais besoin de me vider l’esprit et de ne plus penser à toutes ces foutaises. Ce n’était que physique entre nous, mais le futur auquel nous nous destinions ne laissait aucune place aux sentiments, et encore moins à une famille. Ce que nous avions me convenait parfaitement, et cesserait bientôt. Autant profiter du temps qu’il nous restait.
— Je venais voir à quel point tu étais remis de tes blessures.
Son sourire répondit au mien et je l’embrassai soudain sans douceur, avide de distraction et de quelques instants de plaisir. Auris ne se fit pas prier pour répondre à mon appel silencieux et alors que nos mains exploraient le corps de l’autre, que nos vêtements disparaissaient et que nous nous abandonnions à nos instincts primaires, je trouvai enfin l’oubli tant recherché.
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