Fyctia
Chapitre 3 - Partie 1
La bête qui apparut n’avait rien de classique. De deux fois ma taille et trois fois plus large, toute en muscles, dotée de griffes acérées et d’un long museau qui laissait percevoir de longs crocs pointus, elle arborait également des cornes recourbées et un pelage argenté qui faisait davantage penser à des épines qu’à une douce fourrure, la couvrant de la tête jusqu’au bout de sa queue. Je n’avais encore jamais rien vu de tel mais ce qui était certain, c’est que ce monstre était particulièrement agressif. Il allait falloir agir, et vite.
Auris et moi échangeâmes un rapide regard qui nous servi de signal d’attaque. Je décochai aussitôt une flèche, n’écoutant que mon instinct de survie et ignorant ma peur, alors que mon ami se jetait sur le côté pour attirer l’attention de cette chose. Des bourrasques s’élevèrent dans le même temps et envoyèrent de la terre dans ses yeux, signe qu’Auris faisait usage de son pouvoir. La bête poussa un rugissement à glacer le sang lorsque ma flèche l’atteignit au flanc et sembla vouloir me charger, mais le déplacement d’Auris ne lui avait pas échappé malgré son aveuglement passager. Son hésitation me laissa cependant le temps de la blesser une nouvelle fois, à l’abdomen cette fois, et il n’en fallut pas davantage pour qu’elle se rue dans ma direction.
Je l’esquivai au dernier moment en tournant sur moi-même mais ne pus éviter un coup de griffe qui m’entailla profondément la cuisse. La douleur fusa aussitôt dans toutes les fibres de mon être alors qu’Auris passait à l’action dans le dos de la bête. Ses dagues dansaient à vive allure tandis qu’il visait les points faibles les plus évidents : Les articulations et les tendons. Il prit néanmoins garde à ne pas toucher au pelage d’épines mais sa position rapprochée représentait un véritable danger pour lui.
Je décochai une nouvelle flèche après m’être suffisamment éloignée, atteignant ma cible au cou. Malheureusement, bien qu’entaillée et transpercée, elle semblait surtout plus furieuse que jamais. Auris s’écarta de justesse lorsque le monstre tenta de lui griffer le torse mais se fit faucher par la queue de l’animal, l’envoyant s’écraser contre un arbre à proximité. Voyant mon ami en difficulté, elle choisit de rester concentrée sur lui et je redoublai d’efforts pour attirer son attention, affolée pour Auris mais sans céder à la panique. Si je perdais mon sang froid, nous étions morts. J’encochai donc cette fois trois flèches d’un coup, bandai mon arc au maximum et lâchai la corde. Deux d’entre elles touchèrent la bête, ce qui fut suffisant pour qu’elle se précipite à nouveau vers moi, tous crocs dehors.
Mon souffle se coupa lorsqu’elle me percuta sans que je ne puisse rien faire pour l’éviter, et ma tête cogna durement le sol au moment où un violent courant d’air tentait de renverser la chose, sans succès. J’avais à peine eu le temps de me saisir d’une lame courte pour la lui enfoncer dans sa gueule grande ouverte, au moment même où Auris revenait à la charge de son côté. Il planta une de ses dagues dans la tempe de la bête et l’égorgea de l’autre. Le sang gicla aussitôt abondamment sur moi, chaud et visqueux, avant qu’elle ne s’affaisse, inerte et m’écrasant de tout son poids.
Auris, dont la carrure de guerrier n’avait rien à envier à cette chose pour un humain, s’empressa de me dégager de sous son corps pour m’aider à me relever puis nous évaluâmes les dégâts. Il n’avait pas grand-chose en apparence mais sa respiration légèrement sifflante ainsi que sa posture penchée sur le côté me firent comprendre qu’il devait avoir au moins une côte cassée. Peut-être que ses poumons avaient été touchés ou qu’il avait une hémorragie interne… Dans tous les cas, ça me semblait assez sérieux.
— Il faut qu’on rentre ! m’exclamai-je en posant une main sur ses côtes.
Il grimaça de douleur et je maudis mon don de ne rien pouvoir faire pour lui. Là… J’étais juste impuissante et je ne supportais pas ça.
— J’allais le dire. Tu saignes énormément. Je vais te faire un garrot, indiqua mon ami.
Je secouai aussitôt la tête avant de l’aider à s’asseoir et lui tendis la gourde.
— Je m’occupe de moi et ensuite je te ramène. Pas de discussion.
Il me connaissait suffisamment pour savoir qu’il était inutile d’argumenter. Je me saisis donc de deux de mes étoffes, les nouai ensemble puis me bandai la cuisse aussi serré que possible sans que cela n’arrête le sang de dégouliner jusqu’au sol.
J’observai au passage la bête du coin de l’œil, m’assurant qu’il n’y avait plus aucun mouvement de son côté mais fus vite rassurée en constatant que ce n’était pas le cas. Je me demandais tout de même ce que ça pouvait bien être. Les créatures de ce genre n’existaient plus. Pas à Lumes en tout cas, notre royaume. Le roi et ses chasseurs s’étaient assurés d’éliminer toutes les menaces provenant de créatures dîtes « magiques » après la guerre qu’il avait remporté contre les Faes, deux siècles plus tôt. D’un autre côté, nous étions bien loin des terres couvertes par les chasseurs ici… Et suffisamment proches de la frontière nord pour que cette chose ait pu venir du royaume d’Alchos. Le royaume des ombres, comme on l’appelait.
D’après les rumeurs, il regorgeait de monstres tous plus horribles les uns que les autres. À commencer par leur roi, aussi sanguinaire que cruel. S’il avait envoyé cette bête… Non. Je ne devais pas me perdre en conjectures. Ce n’était pas mon boulot. Mon boulot, pour l’instant, c’était de veiller sur Auris et le ramener en vie pour que Gwen puisse le soigner. Kester s’occuperait du reste.
— Prêt ? demandai-je une fois difficilement remise debout.
Auris hocha la tête. Il était blême, mais comme tous les combattants de l’Académie, il était plus que capable de se dépasser pour atteindre son objectif. De toute évidence, il était aussi inquiet pour moi que je pouvais l’être pour lui. Il allait donc tout donner pour que nous arrivions à destination. Je passai néanmoins un de ses bras sur mes épaules pour qu’il puisse s’accrocher à moi, ignorant une nouvelle fois la douleur qui palpitait dans ma cuisse et me faisait boiter.
— T’as sérieusement besoin d’un bain, remarqua-t-il de son ton malicieux habituel.
Sa voix restait malgré tout empreinte d’une douleur qui me mettait les nerfs à vif et, après avoir ramassé nos armes et la gourde mais laissé tout le reste sur place, nous nous mîmes en route.
— Si tu survis, tu auras le droit de le partager avec moi, tentai-je de plaisanter.
Il lâcha un petit rire qui se transforma en une toux inquiétante mais il acquiesça.
— Tu sais comment motiver un homme.
— Oui enfin… Je suis privée d’eau chaude alors je ne suis pas sûre de te faire un cadeau.
— Raison de plus ! On se réchauffera l’un l’autre.
Je ris sans pouvoir m’en empêcher et je lui aurais volontiers mis une bourrade s’il n’avait pas été aussi amoché. À ce stade, j’espérais surtout atteindre le fort à temps. Plus rien d’autre n’avait d’importance.
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