Fyctia
Chapitre 2 - Partie 2
Je n’étais pas sûre d’avoir envie qu’Auris me tienne compagnie, surtout alors que l’étreinte de la culpabilité se faisait toujours aussi étouffante. Et puis j’étais du genre solitaire. Mais d’un autre côté, le don de contrôler le vent qu’il possédait était une véritable bénédiction à la chasse. Je pouvais très bien le laisser venir sans pour autant lui parler, ni apprécier sa proximité. Ce n’était pas comme si son sourire lumineux et ses yeux noisette pétillants dégageaient un charme fou. Ou comme s’il avait la capacité de me faire sourire… Ce qui était d’ailleurs très agaçant.
— Bien. Mais tu te concentres et tu la boucles, finis-je par répondre alors que j’atteignais l’une des petites portes cachées du fort.
Il m’avait déjà rejointe, équipé et prêt à passer la journée en forêt à en juger le gros sac probablement rempli de provisions qu’il avait emporté. Soit il avait fait vraiment vite, soit j’étais restée perdue dans mes pensées plus longtemps que je l’avais imaginé.
— À vos ordres patronne !
Je soupirai mais n’ajoutai rien.
***
Après deux heures de marche en silence durant lesquelles nous ne repérâmes aucun gibier intéressant, nous décidâmes de faire une petite pause à l’orée d’une clairière lumineuse.
Sauter le petit-déjeuner n’était pas une bonne idée lorsqu’on prévoyait de fournir des efforts sur une longue durée, mais je n’avais pas prémédité cette sortie. Mon impulsivité m’avait poussée à m’éloigner le plus loin et le plus vite possible de Kester, et je n’avais pas eu de meilleure idée que la chasse. De toute façon, nous n’avions pas grand-chose d’autre à faire dans le coin en dehors des entrainements. Il y avait bien une heure par jour consacrée aux loisirs durant laquelle nous pouvions jouer entre autres aux cartes et aux dés, mais je la passais pour ma part généralement dans la bibliothèque. J’aimais le calme que ce lieu conférait et surtout, j’adorais m’évader en lisant les aventures mythiques de grands héros du passé. Chasser me procurait le même genre d’apaisement. Du moins, quand j’étais seule.
— Tu vas me dire ce qui ne va pas ? demanda Auris en sortant une miche de pain de son sac et du fromage bien emballé.
Il me prépara une portion un peu trop copieuse mais ne la refusai pas lorsqu’il me la tendit, comme s’il n’y avait rien de plus naturel. Je le remerciai du bout des lèvres pendant qu’il se préparait sa propre portion et mordis à pleines dents dans le pain frais. Bon sang, que ça faisait du bien !
— Je ne vois pas de quoi tu parles.
— Je t’ai vue avec Kester tout à l’heure et… T’as l’air fatiguée sans vouloir te vexer. Il te pousse trop fort ?
Je secouai la tête.
— Pas beaucoup plus que d’habitude. C’est juste que…
Je m’interrompis. Auris était plus ou moins ce que je pouvais qualifier d’un ami. Nous nous connaissions depuis l’enfance, avions grandi ensemble au fort, nous étions entrainés côte à côte, affrontés de nombreuses fois, collaboré… Mais nous ne nous confions pas l’un à l’autre.
— Attends, comment ça j’ai l’air fatiguée ? Tu veux dire que j’ai une sale tronche ? repris-je pour noyer le poisson.
Auris afficha un air amusé et me lança un regard entendu tout en poursuivant son repas.
— Même couverte de boue et de sueur tu restes la plus belle fille qui soit, si ça peut te rassurer.
— Ça se voit que tu ne mets pas les pieds en dehors de l’Académie.
Il ricana et m’envoya une boulette de pain dans les cheveux.
— Hey ! protestai-je vivement.
— Quoi ?
Il m’en lança une deuxième et je me levai, laissant le reste de ma nourriture posée sur une des étoffes que je gardais sur moi en cas de besoin. Auris m’imita, un air bravache sur le visage. Il était clairement en train de me provoquer pour me changer les idées, et je devais admettre que ça fonctionnait plutôt pas mal. Je commençais même à m’amuser, ce qu’Auris décela probablement car il releva le menton dans une attitude de défi.
— Qu’est-ce que tu vas faire, hein ?
Je lui souris d’un air narquois une seconde avant de sauter à ses côtés pour lui balayer les jambes. Il anticipa néanmoins mon geste et fit un bond pour éviter mon attaque puis nous nous lançâmes dans une lutte au corps à corps qui n’avait rien de sérieuse. Celle-ci se termina au sol, tous deux couverts de terre et de mauvaises herbes alors que nous riions sans aucune discrétion. S’il y avait du gibier dans le coin, nous pouvions être certains que ce n’était plus le cas dorénavant. Mais ça n’avait aucune importance.
Allongés sur un tapis de mousse, le ciel dégagé perçant entre la cime des arbres, nous reprenions notre souffle sans nous préoccuper de ce qui nous attendrait à notre retour au fort.
Me sentant observée, je tournai la tête vers lui et rencontrai ses yeux noisette au éclats dorés à quelques centimètres de mon visage. Mon cœur, ce sale traitre, accéléra dans ma poitrine au moment où Auris me sourit, une de ses mains venant effleurer ma joue.
— Ces moments vont me manquer, me confia-t-il à voix basse.
Je devais admettre qu’à moi aussi. Je n’allais pas regretter grand-chose à l’Académie et j’avais même plutôt hâte de passer à l’étape suivante de mon plan, mais Auris était de ceux qui avaient rendu ces dernières années supportables. Voire agréables.
— Tu es le meilleur après moi. Je suis certaine que tu trouveras une excellente position qui te fera oublier l’Académie.
Il rit doucement.
— Tu penses vraiment être meilleure que moi ? Ok admettons. Je ne voudrais pas froisser ton ego aussi démesuré que fragile, me taquina-t-il.
Sa caresse aussi légère qu’une plume descendit dans mon cou et je sentis ma peau frissonner sous ses doigts. Une douce chaleur se répandit quant à elle dans tout mon corps et son regard se fit plus intense.
— Est-ce que tu oublieras ça, toi ? demanda-t-il une seconde avant de m’embrasser avec délicatesse.
Mon sang s’embrasa et j’appuyai instinctivement le baiser tout en glissant une de mes mains dans ses boucles folles. Auris me saisit quant à lui par la taille et me rapprocha de lui, ne laissant plus aucun espace entre nos corps. Si nous avions été dans sa chambre ou la mienne, les choses auraient rapidement dégénéré, comme ça arrivait occasionnellement depuis deux ans maintenant. Mais ici, en pleine nature et par ces températures… Il nous faudrait faire plus attention si nous voulions aller plus loin.
Toutefois, alors que ses mains exploraient mon corps par-dessus mes vêtements et que je m’abandonnais aux sensations qu’il me faisait éprouver, un craquement retentit non loin, nous alertant l’un comme l’autre. À bout de souffle, nous nous dévisageâmes une seconde.
— Tu as entendu ? demandai-je, haletante.
Il hocha simplement la tête et nous nous écartâmes l’un de l’autre pour nous saisir de nos armes. Lui ses deux dagues, moi mon arc et mes flèches.
Au même instant, une ombre anormalement grande se détacha du feuillage et un grondement menaçant nous parvint.
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