Fyctia
Chapitre 1 - Partie 2
Gwen était une jolie femme aux longs cheveux roux, d’une trentaine d’années en apparence, mais je savais qu’elle en avait au moins le double. Comme tous ceux qui possédaient un accès direct à la Source, elle bénéficiait d’une longévité accrue proportionnelle à la puissance de ses pouvoirs. D’après le mien, qui consistait notamment à sentir la proximité d’un être doté de magie et à évaluer sa force, je plaçais Gwen à cinq sur mon échelle de un à dix. C’était bien plus que la majorité les gens du peuple. La noblesse, et la famille royale en particulier, étaient nettement plus puissants. Les gardes, quant à eux, oscillaient entre deux et six, et le personnel qui travaillait ici ne dépassait jamais trois.
Celle-ci avait néanmoins un désavantage de par sa nature de guérisseuse au sein d’une Académie. L‘usage intensif et répété qu’elle faisait de son lien avec la Source avait un impact sur sa longévité, mais également sur son apparence. Un niveau cinq pouvait espérer vivre environ deux siècles et voir ses premières rides apparaitre très tardivement. Mais alors que j’observais Gwen travailler, totalement concentrée sur sa tâche, je constatai qu’elle en arborait déjà quelques-unes autour de ses yeux et sur son front.
Malheureusement, nous trouvions chaque jour un moyen ou un autre de nous blesser. Les entraînements au combat étaient intenses et nous en ressortions rarement indemnes, mais nous avions beaucoup de respect pour Gwen et évitions autant que possible de la déranger pour des bobos. Nous avions cependant tous appris à nos dépens que laisser une blessure sans soins ne faisait qu’empirer les choses alors… Pour son bien et le notre, nous avions fini par accepter de la consulter à la moindre alerte.
J’étais donc maintenant allongée sur le lit de l’une des petites pièces austères dédiées aux examens, à moitié nue et grelottante, dans l'attente de son verdict. Je savais que je n’avais pas grand-chose mais elle tenait à m’examiner sous toutes les coutures et je ne pouvais pas vraiment m’y opposer. C’eut été comme tenter d’éteindre un incendie en soufflant dessus. En outre, elle s’assurait certainement que je n’avais aucune fracture que j’aurais choisi de taire — ce qui était déjà arrivé — car je sentais son don couler dans chaque fibre de mon être, s’arrêter, reprendre son chemin ou faire demi-tour. C’était une sensation très étrange. Comme si des milliers de fourmis couraient à toute allure dans mes veines à la recherche de quelque chose.
— Tu as quelques contusions sans gravité un peu partout sur le corps, mais rien d’inquiétant, déclara-t-elle finalement. Pour ton cou en revanche… Les dégâts auraient pu être considérables. Tu as eu de la chance ma petite. Je vais opérer ma magie sur toi et tu seras comme neuve.
J’esquissai un sourire dans sa direction. Emerik avait fait un usage interdit de son pouvoir sur moi et je ne doutais pas qu’il serait puni en conséquence.
— Tu devrais voir l’autre, répondis-je d’une voix encore rauque.
Elle rit doucement.
— Oh mais je l’ai vu ! Il n’a eu que ce qu’il méritait. Ce garçon est une brute.
Voilà pourquoi Gwen était l’une des rares personnes que j’appréciais ici. Elle disait ce qu’elle pensait et sa petite taille ou son apparence frêle ne retirait rien au respect qu’elle imposait à chaque étudiant. Qui s'y frotte s'y pique, comme on dit. Je n'avais pas fait exception.
— J’hésite à laisser son nez de travers. Ça lui apprendrait les bonnes manières, reprit-elle après un instant de réflexion.
Je ris une seconde avant de me mettre à tousser, la gorge tant irritée que je souffrais rien qu’en déglutissant.
— Tu aurais des problèmes si tu faisais ça.
Elle me tendit un verre d’eau que je descendis d’une traite, faisant fi de la douleur tandis qu’elle soupirait.
— Malheureusement…
Nous n’ajoutâmes rien car elle venait de poser ses doigts frais sur mon cou. Les picotements que j’éprouvais maintenant étaient différents des précédents. Plus actifs, comme si les fourmis éclaireuses s’étaient mises au boulot pour reconstruire ce qui avait été endommagé, me soulageant de seconde en seconde. Je me sentais si bien entre les mains se Gwen que mon esprit se mit à dériver, ce qui était fréquent lors de ses soins. Je repensais au combat avec Emerik, aux erreurs que j’avais commises durant celui-ci, à mes ambitions que je devais absolument maîtriser… Je devais simplement me montrer patiente. J’avais un plan et il n’était pas question de m’en écarter.
— J’imagine que tu as hâte de quitter ce trou ?
La voix de Gwen me sortit brutalement de mes réflexions et je m’aperçus qu’elle avait terminé. Depuis combien de temps… Je n’en avais aucune idée. Je me sentais requinquée et une tunique propre avait été posée sur la chaise qu’avait occupé la guérisseuse jusqu’à présent. Elle me tournait dorénavant le dos un peu plus loin pour boire, mais le léger tremblement de ses mains ne m’échappa pas. Dire qu’elle allait encore devoir s’occuper d’Emerik… Je ne comprenais pas pourquoi elle était la seule guérisseuse pour toute l’Académie. Ça n’avait pourtant pas toujours été le cas.
— Ça fait longtemps que je n’ai pas revu la Capitale, admis-je sans qu’aucune douleur ne vienne plus me gêner.
J’enfilai rapidement la tunique et me levai pour rejoindre Gwen, sans toutefois laisser la moindre compassion transparaître. Elle ne supportait pas ça et je le respectais.
Elle hocha la tête.
— Je serai du voyage pour pouvoir m’occuper de vous après chaque épreuve. Ils n’auront pas besoin de moi ici durant cette période alors autant en profiter.
De toute évidence, elle avait également besoin de changer d’air. L’Académie était un fort conçu au sommet d’une montagne, non loin de la frontière nord du royaume. Il y faisait quasi toujours froid et humide, et il n’y avait pas un village à moins de cinq jours de marche. La Sélection était une bénédiction à bien des égards.
— Ton besoin de veiller sur nous est maladif, tu en as conscience ? la taquinai-je.
Elle esquissa un sourire narquois.
— Certains ont effectivement besoin de beaucoup d’attention. À croire qu’ils le font exprès.
— Ah oui ? Je ne savais pas qu’Emerik venait si souvent. Je pense qu’il en pince pour toi.
Elle éclata franchement de rire en secouant la tête.
— Petite maligne va ! Tu ferais mieux d’aller te laver avant que le repas ne soit servi. Mon travail avec toi est terminé pour aujourd’hui.
Je souris plus largement et la remerciai de s’être occupée de moi. Elle avait raison. Les heures de repas étaient fixes et si j’arrivais en retard, je me coucherais le ventre vide. Comme je préférais éviter, je me hâtai jusqu’à la porte mais avant de l’ouvrir, je sentis un grand pouvoir émaner du couloir. Je savais évidemment de qui il s’agissait. Il était le seul ici à posséder ce type de don… Et cette force. Il n’y avait qu’un seul niveau sept à l’Académie. Ce fut donc sans surprise que je tombai sur un regard vert acéré lorsque j’ouvris enfin la porte.
45 commentaires
Oona Rose
-
Il y a 3 ans
Nelyne
-
Il y a 3 ans
Feline Grey
-
Il y a 3 ans
Feline Grey
-
Il y a 3 ans
Feline Grey
-
Il y a 3 ans
Feline Grey
-
Il y a 3 ans
Feline Grey
-
Il y a 3 ans
Nelyne
-
Il y a 3 ans
Nelyne
-
Il y a 3 ans
Nelyne
-
Il y a 3 ans