Fyctia
Chapitre 1 - Partie 1
Esquive, parade, blocage, riposte, bond en arrière, roulade au sol, balayette… Toutes les techniques de combat au corps à corps acquises ces dernières années y passaient et pourtant le combat s’éternisait.
Mon adversaire était certes plus grand et plus fort, mais j’étais plus rapide et agile, sans compter que ce n’était pas la première fois que j’affrontais Emerik, loin de là. Il n’était pas mauvais, sans être exceptionnel non plus, et je l’avais déjà battu un nombre incalculable de fois. Mais aujourd’hui je ne parvenais pas à me concentrer. J’avais l’esprit ailleurs : à la Capitale, où les épreuves qui allaient définir le cours de ma vie m’attendaient. J’allais soit me rapprocher de mon but ultime, soit m’en éloigner. Je ne pouvais pas envisager cette seconde option.
Il était donc crucial que je les passe avec succès et même bien plus encore. Je devais me distinguer, montrer ma valeur aux nobles afin d’être choisie au sein de leur garde. Et si Emerik se contenterait de n’importe quel poste, ceux-ci étant prestigieux par nature, moi je visais plus haut. Plus loin. Je voulais devenir Bouclier, un membre de la garde rapprochée de l’un de ces nobles. J’avais d’ailleurs une préférence concernant l’identité de mes employeurs potentiels, mais le choix ne m’appartenait pas. Tout ce que je pouvais faire, c’était donner le meilleur de moi-même. Être la meilleure. Jusqu’ici, je ne m’en sortais pas trop mal.
Une douleur sourde fusa soudain dans ma mâchoire et le goût du cuivre explosa dans ma bouche tandis que je perdais l’équilibre. Le sol entama les paumes de mes mains lorsqu’elles amortirent ma chute et je sus d’emblée que j’allais encore passer des heures à retirer chaque gravillon de sous ma peau. Mais ce n’était pas le moment d’y penser.
Je reportai toute mon attention sur Emerik, qui arborait un sourire supérieur. Presque victorieux. Il aurait pourtant dû savoir que nous n’en avions pas terminé. Et au regard haineux que je lui envoyai, il le comprit certainement car il tenta de pousser son avantage. Trop tard.
Je roulai sur le côté, esquivai son coup de pieds, me relevai puis enchaînai les attaques rapides qui mêlaient plusieurs enchaînements revisités à ma sauce. Mes muscles endoloris protestaient, je dégoulinais de sueur mais j’avais au moins la satisfaction de voir qu’Emerik aussi. Il devenait d’ailleurs encore plus lent que d’habitude et s’épuisait. J’en profitai pour bloquer un nouveau coup censé m’atteindre aux côtes, empoignai son avant-bras et inversai nos positions pour le désorienter. La technique fonctionna, même s’il allait rapidement se reprendre. Je n’attendis pas qu’il réalise ce qui venait de se passer et lui assenai un violent coup de pieds à l’arrière du genou, ce qui fit suffisamment fléchir celui-ci pour m’ouvrir sa défense. Une seconde plus tard, mon coude rencontra son nez dans un affreux craquement. Emerik hurla de douleur et de rage. Ses yeux étincelèrent de son pouvoir de feu tandis que le sang inondait son visage déformé par la colère, puis une onde de chaleur me traversa. Ou plutôt me brûla suffisamment pour me déstabiliser et m’aveugler. Une de ses grandes mains m’attrapa quant à elle par le cou avant que je n’aie eu le temps de réagir.
Je tentai de me dégager mais je sentais déjà les cloques se former sur ma peau et la douleur irradier jusque dans mes os. Alors je fis la seule chose qui s’imposait dans telle situation. J’enfonçai mes pouces dans ses yeux tout en remontant brutalement mon genou entre ses jambes.
Il grogna de douleur et je sentis sa prise faiblir, mais il ne lâcha pas sa prise. Je pouvais au moins lui accorder ça : il était aussi déterminé que moi.
— Ça suffit ! s’époumona l’instructeur Varok. Emerik ! J’ai dit ça suffit !
Mon adversaire me lâcha enfin et je m’aperçus que de la sueur qui coulait déjà le long de mon dos détrempait maintenant mon pourpoint d’entrainement. Mes poumons cherchaient quant à eux désespérément de l’air frais et j’avais un besoin urgent d’eau. Je titubai jusqu’aux bassines sans prêter attention aux provocations d’Emerik dans mon dos et plongeai directement ma tête dans l’une d’elles pour boire abondamment, accueillant avec grâce la morsure du froid sur ma plaie brûlante. Heureusement que notre guérisseuse faisait des miracles, sans quoi j’étais certaine qu’il m’aurait marquée à vie. Mais j’allais m’en remettre. Physiquement du moins. Mon orgueil, c’était autre chose.
On me saisit soudain par le col pour me sortir de l’étreinte glacée de l’eau et le visage furibond de Varok se retrouva à quelques centimètres du mien.
— C’était quoi, ça, Nyx ? hurla-t-il sous mon nez, me faisant profiter de son manque d’hygiène dentaire.
— Un duel au corps à corps, comme vous l’avez exigé monsieur, répondis-je difficilement mais avec une pointe d’insolence dans la voix qui allait sûrement me valoir une semaine de corvées supplémentaires.
Il m’évalua quelques secondes du regard. Je ne pris pas la peine de repousser les mèches égarées de ma longue tresse noire qui me collaient au visage. Je me fichais de son avis et encore plus de mon apparence.
— Où étais-tu pendant l’entraînement ? demanda-t-il enfin à peine plus calmement.
— Ici, vous ne m’avez pas vue ?
— Arrête de jouer à la plus maligne. Tu avais la tête ailleurs. Tu rêves de grandeurs peut-être ?
Je n’allais certainement pas admettre que je me voyais effectivement remporter les épreuves de la Sélection et être choisie pour devenir apprentie Bouclier.
Face à mon silence, Varok ricana.
— Il va falloir faire mieux que ça si tu veux sortir du lot à la Capitale. Toutes les Académies du royaume envoient leurs meilleurs éléments. Tu es l’un des nôtres, mais ça ne suffira pas. Ton pouvoir est au mieux passable. Tes aptitudes au combat sont ta seule chance de te démarquer, et d’après ce que j’ai vu aujourd’hui, tu finiras à la surveillance des portes d’une bourgade sans intérêt. Réveille-toi !
Il n’attendit pas de réponse pour me tourner le dos et s’éloigner vers Emerik qui patientait plus loin. Varok n’avait visiblement pas terminé de gueuler mais je ne m’intéressais déjà plus à eux.
Mon regard chercha instinctivement la silhouette d’un homme, que je repérai sur les remparts. Il me fixait si intensément que j’eus l’impression d’être transpercée par sa désapprobation. Mon cœur se serra. Je l’avais déçu et il ne laissa aucune place au doute à ce sujet lorsqu’il se détourna de moi pour regarder au-delà des murs.
Même s’il m’était difficile de quitter le terrain d’entraînement sans aller voir mon mentor, je savais que c’était ce qu’il y avait de mieux à faire dans l’immédiat. Nous discuterions de tout cela, mais plus tard. Pour l’heure, je devais surtout aller voir Gwen, notre guérisseuse, si je ne voulais pas conserver de séquelle de ce duel aussi décevant pour mes formateurs que pour moi.
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