Fyctia
24. Confrontation 3/4
Je n’ai pas le temps d’ouvrir la bouche que déjà des doigts fermes encerclent mon poignet et me tirent en avant. Déséquilibrée, je trébuche, le corps musclé de Crève-cœur me rattrape. Ses yeux tombent sur moi une seconde, et ce que j’y lis me donne des sueurs froides. D’ailleurs, la seconde suivante, il crispe les mâchoires, souffle à travers ses narines qui se contractent et grogne sur son ami. Ne lui laissant pas la chance de s’incruster entre nous.
— Pas. Maintenant.
— Mais mec, tout va bien ?
— LA FERME ! Putain. Laisse-nous, tu veux. Pour une fois, tu attendras comme les autres, hurle de plus belle, Ashley.
Sa poitrine se soulevant cette fois de manière effrénée. Ses pectoraux montant et descendant contre ma poitrine. Je l’examine, ne prête pas attention à Éric qui malgré le ton de Crève-cœur essaie de désamorcer la bombe, lui sortant les mêmes explications que moi quelques minutes plus tôt. Mais rien n’y fait. Ash n’en démord pas. D’ailleurs, leur discussion tourne en rond. L’un tentant des blagues douteuses et l’autre, grognant et hurlant des insultes à tout va. Superbe image pour un directeur d’entreprise. Mais je crois qu’à ce stade, Ash s’en fout.
Des gloussements me parviennent au-delà de leur dispute. Les MONIQUE ! Merde, elles ont eu le temps d’arriver et de récolter les miettes de cet échange. Bien entendu, je suis au centre de la tourmente ! Bravo, Cass, tu cumules ! Manquerait plus que madame De Cœur débarque ! Bordel, le combo final, le K.O parfait. Il faut que j’agisse, que je calme la tempête. Et vite, sinon Éric risque de déchanter.
— Ashley. Calme-toi. Viens, on va parler.
— Ne. Me. Dis. Pas. De. Me. Calmer, articule-t-il en prenant mes pommettes entre ses mains.
— Petite sirène ?
La voix d’Éric est parée d’inquiétude. Alors sans me décrocher d’Ash, je hoche la tête. Tout ce que doit apercevoir notre gaffeur en chef se sont mes boucles qui vacillent de haut en bas. Mais cela semble suffisant. Je l’entends se racler la gorge, ronchonner avant d’annoncer à voix haute qu’au moindre soucis, il débarque avec du renfort. Un simple OK sort d’entre mes lèvres, et plongeant mon océan dans les émeraudes étincelantes de Crève-cœur, je l’incite à me lâcher.
Cette fois, il se détache complétement de mon corps. Et malgré la tension qu’il y exerçait, sa chaleur me rassurait. Sauf qu’à présent, elle s’efface pour laisser place à un froid glacial. Avant que je ne me réanime pour suivre le diable qu’a pris possession d’Ash, je jette un coup d’œil en arrière. Lisse ma jupe et observe le corps affaissé d’Éric qui nous tourne le dos. Il est déjà à quelques pas des pimbêches qui m’analysent.
Quel enfer !
— Vous n’avez pas du boulot les commères ? s’invective Éric. Dégagez le passage ! Du vent, je vous dis !
Je ricane intérieurement en percevant les mots du gaffeur. Puis, je finis par entrer dans le bureau, ferme la porte derrière moi et actionne l’interrupteur qui nous permet d’avoir une certaine intimité. Respire, Cass, ça ne peut pas être si terrible. Et bien si ! Quand je me retourne vers l’objet de mes inquiétudes, il est crispé. Les bras tendus en appuient sur le dessus de son bureau, la tête penchée en avant, elle se balance entre ses coudes. Et il…
— Grogne ?
— Quoi ? sursaute-t-il en faisant volteface pour emprisonner mon regard dans le sien. Merde, Stella ! Tu ne me facilites pas les choses.
Il marmonne en s’approchant de moi. Puis, il vient s’emparer de mes mains, entrelacent nos doigts sous un œil patient et il m’attire à lui. Encore. Il me plaque contre son torse, nos mains pendant de chaque côté de nous. Liées. Mais à quoi il joue ? Je ne comprends plus rien. Je suis dans un flou total. Ashley me perturbant à passer du chaud au froid en deux secondes. Sauf qu’au fond, je le vois, il n’est pas calme. Il tente seulement de se contenir. De se retenir de peur de me faire fuir.
Il inspire avec force, hausse les épaules et me surprends en appuyant son menton au creux de ma clavicule avec douceur. Il pose son front sur le haut de mon épaule et je sens ses paupières papillonner. Son souffler forme un cercle chaud à travers les mailles de mon pull. Je frissonne, mes poils se hérissent dans une sensation agréable. Trop réconfortante dans la situation actuelle. Mais je ne peux retenir un gémissement de satisfaction quand enfin ses lèvres se déposent sur la peau sensible de mon cou.
— Je sais qui tu es, déclare-t-il en se détachant de ma nuque.
Je ne dis rien, ne répond pas, trop peureuse de comprendre où il veut en venir. Et mon manque de réaction l’agace. J’en ai conscience sauf que je ne fais rien pour changer ça. Alors il me lâche. S’éloigne un instant. Puis il me tend un bout de papier tout froissé. D’abord sceptique, je ne bouge pas, mais il insiste. Attrape ma main, la retourne, ouvre mes doigts et pose ce qui semble être un mot au centre de ma paume. Merde ! NON !
— Explique-moi. Pourquoi ?
Je fronce les sourcils. Fais l’idiote dans un dernier espoir qu’il doute de sa certitude. Cependant, je le sais, il ne laissera pas tomber. Parce que lui comme moi, nous nous connaissons et mes tocs nerveux qui reviennent, comme une rafale de vent en plein visage, ne me trahissent que plus encore. Ma main libre venant s’amuser à enrouler l’une de mes mèches autour de mon index. Dans un geste répétitif. Incontrôlable.
Jusqu’à ce que… Ashley.
— Arrête ça, tu veux. Tes cheveux ne t’ont rien fait.
Il s’est radouci. Mais pour combien de temps ?
— Parle.
Ma bouche reste close.
— Parle-moi.
Mes lèvres sont toujours fermement collées l’une à l’autre.
— Stella…
Même mon surnom n’y change rien.
— Merde ! Mais c’est qu’elle va me faire disjoncter ! grogne-t-il.
Cette fois, je me mors la lèvre inférieure.
Retenant mes paroles.
— CASSIE ! PARLE ! Je t’en supplie… PUTAIN !
Il hurle, et s’il s’était contenté de sa supplique, j’aurais peut-être répondu avec calme mais son injure me sort de mes gonds. Je n’en peux plus de ses réactions. De sa tension. De cette électricité dans l’air qui nous oppresse tous les deux. Je suffoque. Je sens mes joues chauffer, se teinter d’un rouge cramoisi. Mes poings se serrent, mes jointures j’en suis certaine blanchissent. Il veut comprendre. Très bien !
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