Fyctia
23. Complot 4/5
— NON MAIS VOUS AVEZ FINI ? hurlé-je de plus belle.
— Purée, je ne voulais pas les croire. C’est pourtant vrai ! La petite sirène est une furie hors de l’eau. Agressive et sexyyyyy ! Pardon, pardon, je m’emballe. Pourtant… ouais, je comprends ce que te trouves Ash. Tu es lumineuse, Cassie.
— Hein ?
— Quoi ? Je peux bien utiliser ton prénom, moi aussi. Enfin, là n’est pas la question n’est-ce pas ? Ce que tu voulais savoir c’est pourquoi je suis chez vous ? Tout simplement parce que je suis ton héros !
Je soupire, perdue face aux aveux théâtraux d’Éric. Puis, nous finissons tous les quatre par nous affaler dans le canapé et le fauteuil pour notre gaffeur professionnel. Le silence devient vite pesant, alors dans un soupire, je m’apprête à rendre les armes, à craquer pour leur demander si oui ou non, ils ont pu mettre en place ce que je leur ai demandé plus tôt dans la journée. Au début, ils se taisent, m’observent avec des regards navrés avant d’exploser la minute suivante. De rire bien entendu, mais surtout parce qu’ils ont hâte de voir la réaction d’Ash, demain matin.
— Je l’imagine, les sourcils froncés à chercher d’où vient l’embrouille. Sérieux, la petite sirène, je ne t’aurais jamais pensé si folle. Il va péter les plombs ! rit Éric tout en attrapant la bouteille de bière que lui tend Cole.
— En même temps, je ne comprends pas comment c’est possible que personne n’ait eu cette idée avant. Dans tous les films de Noël, ou presque, on voit ça. Dire que vous avez soudoyé le mec de la maintenance pour pouvoir mettre votre grain de sel dans la playlist de l’ascenseur. Je m’en délecte déjà, dis-je satisfaite de savoir qu’ils ont assuré la mission.
— Quand même… Tu ne crois pas que tu y vas un peu fort ? Tu sais qu’il est du genre colérique, tu n’as pas peur que toute cette histoire dégénère ? Je dis ça pour toi sœurette… Tu as bien conscience que cette période est difficile pour lui et, je veux dire, c’est normal qu’il la déteste.
Bien sûr que je le sais, comment l’ignorer alors que quelques nuits plus tôt, Ash hurlait, pleurait dans son sommeil en appelant son père. En le suppliant d’ouvrir les yeux, de ne pas le laisser seul, de ne pas l’abandonner. Mais… autant j’ai conscience qu’il souffre de cette mort autant, je sais, que rester dans le passé ne l’aidera pas à avancer. Onze ans se sont écoulées, et si sa mère a pris le contrôle de ses relations avec les femmes, c’est uniquement parce qu’il a sombré dans les ténèbres.
Alors oui, je suis certaine de mes choix. Qu’il me hurle dessus, s’énerve, explose, je m’en fiche et à vrai dire, je n’attends que ça. Parce qu’il a su m’ouvrir la porte. Nos baisers, notre rituel quotidien de partager un chocolat, notre jeu du chat et de la souris, ça représente beaucoup. Je l’ai vu dans son regard, dans ce voile émeraude qui laisse peu à peu filtrer les paillettes de dorées qui le rendent si lumineux.
— Il en a besoin, déclaré-je en plantant mes yeux dans ceux de mon frère. J’en ai besoin.
— Juste… Putain, Cass, tu ne me rends pas la vie facile. Je suis ton grand frère, tu pourrais faire un effort. Tu sais que tu ne peux pas sauver tout le monde. Et, je veux dire…
— Quoi ?
— S’il ne veut pas être sauvé même avec tout ta bonne volonté, tu n’y parviendras pas.
Qu’est-ce qu’il en sait ? C’était peut-être le cas quand on était adolescents, mais aujourd’hui, c’est différent. Nous avons mûri, grandi, et surtout nous nous sommes retrouvés. Et je ne laisserais pas passer cette seconde chance. Sinon quel intérêt d’offrir à Ashley, un calendrier de l’avent ? Pourquoi me donner tant de mal, pourquoi baisser les barrières qui protègent mon cœur si c’est pour abandonner au moindre obstacle. Et puis, j’ai cette certitude au fond de moi, ce sentiment que…
— Il le veut. Tu m’entends ? Vous comprenez ? Peu importe comment il a vécu ses onze dernières années, aujourd’hui, je suis revenue. Je n’abandonnerai pas. Cette fois, je me battrais jusqu’à détrôner la reine De Cœur ! Est-ce que c’est assez clair pour vous ?
— Mais merde à la fin ! Tu crois que ça m’amuse de te ramasser à la petite cuillère ? De rester avec toi dans le lit alors que tu verses toutes les larmes de ton corps ? De devoir te trainer dans la salle de bain pour te forcer à te doucher et avoir un semblant de vie ? Tu crois que ça nous fait plaisir de voir cette PUTAIN de porte close ? MERDE ! Tu crois que ça m’a fait quoi de te voir au fond du gouffre ? Perdue, sans avenir, sans possibilités de faire les écoles dans lesquelles tu rêvais d’entrer, tout ça parce qu’une mégère comme madame DE CŒUR a lancé des vautours au-dessus de toi ?
— Cole… tente Eliott pour calmer mon frère.
Mais rien n’y fait.
Et sa main tendue vers mon atelier est comme un coup de poignard. Lui comme El sait ce qui s’y cachent. Mais Éric qui est spectateur de ce changement d’ambiance, n’en est qu’intrigué, curieux de comprendre où les choses ont dérapé et pourquoi Cole prend la situation tant à cœur. Moi, je suis incapable de faire le moindre mouvement. Je reste muette, ma main plongée dans mes cheveux sous les paroles de Cole qui affluent sans arrêt.
— Il n’y a pas de Cole ! Cette bonne femme est une vipère ! Elle a détruit ses chances d’aller dans les écoles d’arts. Et pourquoi ? Parce qu’elle était amoureuse d’un gosse de riche ? Merde quoi ! Ashley lui a tourné le dos, le lendemain du soir de Noël !
— SON PERE VENAIT DE MOURIR DEVANT SES YEUX ! hurlé-je n’en pouvant plus. Bordel, Cole ! Comment tu aurais réagi toi, si l’un de tes seuls repères dans la vie venait à mourir à Noël, le soir de ton anniversaire ? Hein ? Tu m’expliques ? Lui, il était seul ! IL ETAIT SEUL ! OK ! Il n’avait plus personne pour le soutenir chez lui. Tu sais ce que sa mère lui a fait pendant sa petite enfance, alors pourquoi tu t’acharnes encore ? Pourquoi tu cherches à me faire peur ? N’est-ce pas toi qui m’a montré l’annonce pour le poste d’assistante ?
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