Sandra MALMERA 24 jours, un chocolat 20. Souvenirs 3/4

20. Souvenirs 3/4

Ou presque…


« Dans un sursaut, je me retourne comme je peux sur ce satané canapé. Tente de trouver une meilleure position avant de me rendre compte que quelqu’un a étalé sur moi, un plaid. Il est doux, petit et surtout… Chaud, TROP chaud. D’un geste vif, je me contorsionne, défait les boutons de ma chemise avant de m’arrêter à mi-chemin. J’observe d’un œil hagard d’un côté puis de l’autre : personne. Pas un bruit, pas un ronflement. Tant mieux, au moins ça me laisse le champ libre pour faire tomber ma chemise.

En un mouvement large, je la jette au sol, et gigote pour me réinstaller, tout en remontant légèrement la couverture. Juste assez pour me couvrir un minimum. Je profite d’un bâillement pour venir frotter mes yeux qui me démangent. Quand mon poing vient dessiner des cercles sur mes paupières, je me fige, surpris. Merde ! J’ai recommencé… Foutu cauchemar. Je souffle, laisse mes mains remontaient jusque dans mes cheveux pour les tirer en arrière à m’en faire mal. Mais j’en ai besoin.


— Putain…


Je grogne, puis lâche prise. Expire avant de prendre une grande inspiration. Un hoquet me coupe la respiration quand une odeur que je reconnais me parvient. Un doux mélange de vanille et de cerises. De douceur et de sucré. Stella. Elle est venue. Et j’ignore pourquoi mais d’en prendre conscience me fait un choc. Un rappel du passé, d’une promesse qu’elle tient alors que j’ai pris la fuite. Une larme m’échappe, réminiscence du passé, réconfort du présent. »


Merde alors… Même dans les pires moments, Stella arrive encore à me surprendre, à laisser une trace de son passage et panser mes blessures. Soulager les cicatrices qui ne veulent pas se fermer et restent à vif. Et samedi n’est pas une exception. Loin de là… C’est d’ailleurs un drôle d’écho à notre histoire, à ses idées folles et ses astuces pour me permettre de garder mes passions, de continuer à m’exercer, de rendre ma vie plus lumineuse.

Je me demande si…

Mes pensées fusent dans tous les sens, me perdant entre les flashs de samedi soir et ceux de notre adolescence. Puis plus je me rapproche de la porte du loft, plus je me questionne sur ce qui se cache encore dans les cartons que j’ai planqué dans ma chambre d’ami. Ou plutôt mon « foutoir » comme l’appelle Éric. Est-ce que je les ai gardés ? Sont-ils tous là ? Et mes outils ? Mes feuilles, mes fusains, mes feutres, mes aquarelles ? Comment j’ai pu faire pour les oublier pendant tant d’années ?

Bordel ! Ma mère a autant t’influence que ÇA sur ma vie ? Apparemment… Et cela me frustre. Je grogne en essayant de fourrer ma clé dans la serrure de ma porte pour entrer chez moi. Je bataille pendant deux minutes, soudain pressé de fouiller dans des cartons pleins de souvenirs. Certains sont à éviter, d’autres sont ceux que je veux trouver. Mes pochettes à dessin doivent bien se cacher derrière cette montagne de cartons.

La porte claque enfin dans mon dos, je lance mon manteau dans un coin, lâche Rodolf sur ma table au passage et fonce tête baissée vers le fond de l’appartement. J’ouvre en grand, et soupire devant le carnage qui s’offre à moi. Un lit est posé au milieu de la pièce, seul meuble de cette chambre. Les étagères encastrées sont vides, mais on ne peut pas y accéder. Mes cartons sont là, les uns sur les autres, formant des tours bancales, parfois cabossés d’autres déchirés. Le spectacle devant moi fait peur à voir.

Pourtant, je souris en apercevant l’objet de mes recherches. Sous la fenêtre, calée contre le mur, tachée de noir et de rouge, se dresse ma pochette. Celle dans laquelle j’ai planqué mes plus précieux dessins. Des croquis, des esquisses mais pas seulement. Il y a aussi des peintures, des aquarelles… Et le plus important dans ces compositions n’est pas tant la technique que j’ai employée. Je dirais même qu’elle importe peu. Tout ce que je recherchais, que je recherche aujourd’hui, c’est le sujet de toutes ses représentations.

Stella.


« Laisse-moi voir ton oreille, dis-je à Cassie alors que je la pousse dans ma salle de bain, les mains tremblantes, inquiet.

— Ash, ce n’est rien. Je vais bien.

— Non ! Bien sûr que non, ça ne va pas. Putain ! Tu saignes ! C’est moi qui t’ai fait ça… Merde ! Comment peux-tu rester aussi calme ? hurlé-je en ouvrant le placard à droite de mon lavabo et fouillant d’un geste rageux les étagères à la recherche d’un désinfectant et de pansement.


A travers le miroir à ma gauche, je remarque son sourire. Elle fixe son regard dans le mien avant de poser ses fesses sur la chaise que je laisse dans cette pièce pour y mettre mes affaires quand je file à la douche. Putain… cette fille est tarée ! Elle rit en remarquant que je passe ma main dans mes cheveux et très vite, sans que je ne sache comment, toute la tension que j’ai accumulée aujourd’hui, entre l’intervention de ma mère et mon altercation avec Arnaud, s’évapore.

Trouvant enfin ce qui m’intéresse, je me retourne vers Stella. Avant de m’approcher d’elle, hésitant. Je prends une respiration, puis deux et d’un mouvement délicat tend mes doigts vers ses boucles. Je dégage sa nuque, et lui demande de les maintenir en place sur le côté de son cou, le temps que je nettoie sa plaie. Un croissant de lune se dessine et bien que la situation ne s’y prête pas, je souris. Étrange, non ? Une étoile qui porte la marque de la lune.


— Pourquoi tu t’arrêtes, me demande Stella curieuse. C’est si grave que ça ?

— Non. Enfin… tu risques d’en garder la cicatrice mais tu n’as pas besoin de points. Je crois.

— Oh. D’accord.


C’est tout ? Elle acquiesce et se laisse faire. Penche même la tête pour me donner un meilleur accès à la coupure qui court sur l’arrière de son oreille. Elle frisonne au moment où je tapote un coton imbibé de désinfectant sur sa plaie. Mais elle serre les dents, ne se plaint pas, patiente jusqu’à ce que je termine la manœuvre. Ensuite, je la vois qui m’observe du coin de l’œil, attentive à tous mes gestes. Elle souffle quand elle entend le papier du pansement se déchirer, et relâche sa respiration quand enfin je le colle contre sa peau.

Sauf que je ne peux me résoudre à retirer mes doigts de sa nuque. Trace, inconsciemment, des arabesques autour de ce point devenu sensible par ma faute. Perdu dans le vague, je repense à l’instant où ma colère est retombée, où j’ai posé mon regard sur elle au milieu des éclats de cette bouteille que j’avais jetée. Merde… J’ai vraiment pété un plomb et Stella en a payé le prix. Un frisson grimpe de mon dos à mon crâne, me faisant reculer pour plonger dans l’océan cristallin de Cassie. Et avant que je n’ouvre la bouche pour m’excuser une nouvelle fois, elle lève la main pour saisir mes doigts entre les siens.


— Raconte-moi. Qu’est-ce qui t’a mis dans cet état ?

— Ma mère.

— Mais encore ? me questionne-t-elle.





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