Fyctia
19. Bilan de situation 4/5
Un fin gémissement s’évade de ma bouche à l’instant où sa langue intensifie notre baiser. D’abord sur la pointe des pieds, je me retrouve je ne sais comment soulevée par ses bras. Je rigole contre ses lèvres. M’appuie de mes mains sur les épaules d’Ashley pour m’éloigner de lui de quelques centimètres, croiser ses yeux avant de replonger à l’assaut. Le surprenant à mon tour par mon audace, il me dépose sur le sol, avant de mordiller ma lèvre inférieure.
Et de finir par me relâcher dans un soupir de quiétude.
— Merde alors ! Stella… Ce n’était pas ce à quoi je m’attendais.
— Vraiment ? »
— Stella ? Tu viens ? me demande Ashley tout en me tendant la main.
Quand est-ce qu’il a eu le temps de faire le tour de son bureau ? Il a enfilé sa veste ? Bordel… j’étais complétement ailleurs, à une autre époque et pourtant, je me sens bien. Je n’étais plus du tout soucieuse ni même inquiète du retour de Crève-cœur dans ma vie. Au contraire, j’étais presque contente, joyeuse, sur un nuage duquel je ne serais jamais descendue. Alors quand mon regard tombe sur sa main qui m’invite à le suivre : je l’attrape.
Entrelace mes doigts aux siens dans un sourire entendu.
Puis comme des enfants, nous partons vers la cafétéria du deuxième étage. Sous les regards des plus curieux mais surtout sous nos rires enfantins. Un moment de légèreté qui m’avait manqué, un instant comme ceux de notre adolescence, unique, frais et impulsif. Pourtant, il y a cette voix qui murmure à mon oreille, cette méfiance qui malgré moi reste en éveil, prête au pire. Et les souvenirs de notre histoire encore trop vifs dans ma mémoire ne m’aident pas à trancher entre la tristesse qui a pesée sur mes épaules pendant des années ou le bonheur qu’il avait fait entrer et qui pouvait s’apparenter à un feu d’artifices.
Essoufflés, nous arrivons face aux portes de l’ascenseur. Elles s’ouvrent sur nous, et nous rions de plus belle, surpris que notre timing colle à la perfection avec cette ouverture. Drôle de hasard. Mais nous n’y tenons pas compte, et fonçons dans la boîte de métal. Personne n’ose nous suivre, nous offrons probablement un spectacle étonnant, détonnant. Et les visages furieux de mes collègues les pimbêches ne sont en rien là pour me rassurer sur ma situation.
— Merde ! Elles vont me bouffer, marmonné-je au moment où les parois métalliques se referment.
— Crois-moi, il n’y pas qu’elles qui voudraient te croquer. Je goûterais bien un morceau.
— Ashl…
— Arrête avec mon prénom, s’il te plaît. Ta bouche a beau être délicieuse, ce fichu mot gâche toute la beauté de ta voix. Et puis… je préfèrerais t’entendre le prononcer d’une toute autre manière, souffle-t-il contre mon oreille.
Bordel ! Je bondis sur le côté, je n’avais même pas remarqué qu’il était si proche. Que nos bras se frôlent, que nos mains sont toujours l’une dans l’autre. Et ce satané frisson qui n’arrête pas de naviguer entre la base de ma nuque et le creux de mes reins, je n’arrive plus à le supporter. Ash prend possession de mon corps sans avoir à le toucher, seul son souffle sur moi suffit à m’électriser… jusqu’à m’exciter.
Non, non et non !
Cass respire, reprends-toi !
Ce n’est qu’une pause, un déjeuner, un ascenseur dans lequel je suis seule avec l’unique garçon qui m’a toujours fait de l’effet. Ce même gars auquel j’ai comparé tous mes ex ! Ce putain de Crève-cœur qui hante mes rêves les plus inavouables. Cet adolescent qui a été à la fois mon premier amour et ma plus terrible rupture, un brise cœur, un arrache cœur, MON crève-cœur. Alors mon sourire s’efface, mes doigts relâchent leur prise et d’un pas, mon corps tout entier se détache de cet homme qu’il est devenu.
Cette fois, je ne joue plus.
Me demandant pourquoi j’ai lancé cette idée de dessert ensemble. M’interrogant sur ce que nous faisons vraiment avec ce calendrier de l’avent. Le temps d’un instant, je clos mes paupières et laisse l’image de ce soir-là me percuter. De fins tremblements prennent place au centre de mes paumes, et se diffusent jusqu’au bout de mes doigts tandis que je revois chaque détail de son dos, de ses épaules rentrées et de ses soubresauts qu’il avait contenus en prononçant les mots de non-retour. Notre point de rupture, mon seul rempart contre lui : aujourd’hui.
Pourtant…
— Stella, ne fais pas ça. Laisse-nous au moins ce rendez-vous quotidien. Tu me l’as promis, soupire Ashley en comprenant mes gestes, en lisant comme toujours en moi.
— Je tiens mes promesses.
— Je sais. Alors allons ouvrir cette troisième case. Tu auras tout le temps de réfléchir plus tard. Je… merde ! Stella, tu ne m’aides pas. J’ai conscience que cette situation-là est étrange pour toi. Elle l’est aussi pour moi. Mais profitons juste de l’instant. Et puis, c’est toi qui m’as offert Rodolf, je te rappelle ! Il sera triste d’apprendre que tu ne veux plus goûter ses bons trésors avec moi.
— Sérieux ? Le coup du renne qui parle ? demandé-je en haussant un sourcil, curieuse de sa réponse.
— Oui ! Comprends-le, il est tout content de pouvoir t’offrir la moitié de ses chocolats, surtout qu’il passe la plupart de son temps à t’observer. Il serait dommage de ta part de laisser ton prétendant poilu sur le côté.
— Tu es pire qu’Éric !
Mais comment il fait ? En quelques mots, il parvient à perdre son sérieux et rebondir jusqu’à me tirer un rire à gorge déployée. D’ailleurs le sourire victorieux qu’il affiche est la preuve que son plan a fonctionné. Détourner mon attention pour mieux me piéger, mais ce stratagème est si chaleureux, si doux, si drôle que je ne peux pas répliquer. Je me contente d’accepter, de laisser mes doutes de côté et de profiter. Après tout, ce n’est qu’un déjeuner et un pas de plus vers ce que j’appelle ma mission Noël.
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