Fyctia
18. Un rituel ? 4/4
— Je devrais vous laisser maintenant, annoncé-je en marmonnant.
Elle fronce les sourcils. Le pli que je lui connais s’invite entre eux.
— J’ai… je… ce que je veux dire, c’est : merci. A vous trois. Grâce à vous, j’ai hérité d’un hématome, d’un mal de crâne et de courbatures. Mais j’ai aussi eu la possibilité de goûter, au moins un fois, aux pancakes de mon enfance. Alors ouais… Merci.
— C’était difficile à cracher, hein ?
— Cole ! le réprimande Cassie à mi-chemin entre nous, les trois hommes qui occupent l’espace autour d’elle.
— Quoi ? Tu vois bien qu’il grince des dents ! Remercier les autres n’est pas dans ses habitudes. Je constate, c’est tout. Au fait, Crève-cœur, en partant n’oublie pas ton cadeau. Les rennes du merveilleux pays de Noël seraient tristes de ne pas pouvoir te suivre.
J’ignore comment on en est arrivé là, mais il a suffi de quelques paroles sarcastiques de la part de Cole pour que tout le quatuor rit aux éclats. Envolées les mauvaises pensées. A la place, les gloussements chaleureux de Stella se sont incrustés dans mon crâne. Un son harmonieux, doux et qui sans le savoir me réconforte. Comme à l’époque où nous étions un « nous », ensemble. Très vite les deux compères se calment, nous contournent avant de s’affaler les fesses dans les cousins du canapé, le tout en allumant la télévision.
— Encore un satané téléfilm de Noël ! Sérieux, les gars…
— Eh ! C’est toi qui t’incruste alors ferme-là, tu veux ! grogne Cole en me poussant d’une main ferme.
— D’accord, d’accord. J’ai compris. Le message est clair.
D’un air entendu adressé à Eliott, je rejoins le comptoir de la cuisine. Attrape Rodolf, ne sachant plus vraiment comment ce calendrier a terminé son chemin ici, et me retourne pour me diriger vers la porte d’entrée. J’enfile mes chaussures qui trainent au pied d’un placard sur ma gauche et alors que je pose les doigts sur la poignée pour ouvrir la paroi de bois qui me sépare du monde extérieur, une main vient se poser sur la mienne.
Oh… Stella.
Ne rend donc pas la situation plus difficile qu’elle ne l’est déjà. Mon cœur me hurle de m’arrêter, de ne pas faire de mouvements de plus, de ne pas l’éloigner de Cassie alors qu’il vient à peine de la retrouver mais ma tête… Ma tête, elle, sait que je l’ai fait souffrir, que si Cole réagit au quart de tour à chaque fois que je m’accroche trop près de Stella, c’est pour une bonne raison. Je lui ai brisé le cœur, en mille morceaux, autant que j’en ai fait pour le mien. Autant que je nous ai détruit l’un et l’autre ce jour-là.
Alors quand mes yeux tombent sur les siens, incertains, un soupire m’échappe. Je suis soulagé, confus et en même temps, j’avais cet espoir fou qu’elle oserait me retenir. Rien qu’une fois, comme quand je m’énervais et qu’elle était la seule à pouvoir calmer mes pulsions. Sa tête brune se penche sur le côté, elle sourit malicieuse, dans l’attente d’une parole qui ne vient jamais. Au fond, j’ignore ce qu’elle veut, pourquoi elle me retient. Ou pourquoi soudain, la savoir dans ma vie au quotidien bouleverse mes certitudes, mes habitudes de connards, et même mon calendrier de l’avent pourtant déjà rôdé.
Le silence entre nous devient pesant, et ce n’est pas le bruit en arrière-plan qui va suffire à combler le blanc. Surtout quand en jetant un coup d’œil par-dessus le crâne de Cassie, je tombe sur deux têtes curieuses, qui nous analysent l’un l’autre. Et merde… décidément, je ne vais pas réussir à sortir de là sans encombre. Un clin d’œil de la part d’Eliott me confirme que je suis dans le pétrin. Un sacré pétrin, si j’en crois le geste de Cole qui doit avoir regarder trop de films, et de ses deux doigts me montre ses yeux avant de les pointer vers moi.
D’accord…
Un gloussement m’échappe et actionne une drôle de réaction en chaine. Cassie se retourne, croise les bras et, j’en suis sûr, d’un regard furieux hurle sur les deux mousquetaires qui lui servent de colocataires. Puis, avant que je n’aie le temps de dire un mot ou même d’esquisser un mouvement pour partir, elle me rattrape par le bras et pose sa paume sur mon torse. Si elle voulait attirer mon attention, elle a gagné.
— On pourrait faire ça tous les dimanches. Comme avant. Enfin… si tu veux.
Quoi ? J’ai bien entendu ? Apparemment oui ! Puisque tous les regards sont de nouveau braqués sur moi. Le premier menaçant, l’autre rieur tandis que le troisième et le plus important semble analyser chacune de mes réactions. Et quelles sensations ? Un frisson, une chaleur qui part de sa main et traverse le tissu de ma chemise pour venir glisser sur mon épiderme et réchauffer ce cœur meurtri qui se cache dans ma poitrine.
D’une invitation, Stella lance sa poussière d’étoile pour combler les fissures de ce membre qui palpite à vive allure à présent. Alors c’est sans hésiter que je me penche vers elle, pour lui chuchoter ma réponse à l’oreille :
— Avec plaisir, jolie étoile.
Puis profitant de sa surprise et de ses joues qui rougissent sous l’effet de mes mots, je dépose une légère bise sur sa pommette. La dernière image qu’elle m’offre au moment où la porte se referme sur moi est magnifique. Seule la main de Stella a bougé, venant toucher la partie de son visage que mes lèvres ont caressé. C’était doux, juste un effleurement mais je ne fais que trois pas avant de me caler contre le mur du hall et de retrouver une respiration normale.
Merde alors…
— Avec plaisir ? Vraiment ? Alors… on reprend notre rituel, soufflé-je en me passant les doigts dans les cheveux.
Tout ça parce que je n’ai pas su gérer ma colère.
Elle l’avait pourtant dit.
« Je serais toujours ton étoile, Ashley. Quoique tu en penses, peu importe le nombre de fois où tu essaieras de me repousser, moi, je n’abandonnerais jamais. Tu mérites qu’on s’inquiète pour toi. Alors s’il te plaît, ne me dis plus de partir quand tu es énervé. Je saurais gérer. Après tout, on a tous une bonne étoile pour veiller sur soi. »
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