Fyctia
18. Un rituel ? 1/4
Samedi 02 décembre — CASSIE
Mes mains sont calées autour de ma tasse, se chauffent autant que mes joues qui prennent une teinte écarlate quand je me remémore notre partage de chocolat d’hier. Mon regard dans le vide, perdu dans la contemplation du liquide sucré, je nous revois plus jeunes cette fois. Malory hurlant à la porte du sous-sol pour nous faire remonter, appâtés par cette fameuse boisson et ses pancakes aussi ronds que moelleux. Je ne compte même plus les dimanches matin où elle nous retrouvait tous les deux entrelacés sur le canapé, la télévision encore allumée tandis que nous dormions à point fermé.
Et je me souviens surtout de ce matin-là, de ce pas que nous avons franchi alors que jusqu’alors nous n’étions que des amis. Une amitié si forte qu’elle ne pouvait pas se contenter d’être simple. D’ailleurs… ce jour-là, Malory n’avait trouvé personne au sous-sol. Juste les restes de notre soirée. Et l’indice que nous n’étions pas si loin que ça. Juste deux étages au-dessus. Dans une chambre que j’avais appris à connaître autant que ce sous-sol aménagé.
« Ce soir, Ashley a décidé que nous devions délaisser la salle de jeux pour monter à l’étage. Chose qui ne nous arrivait jamais, en tout cas pas en soirée. Alors curieuse, je le suis, mes doigts enlacés aux siens. Nous passons dans la cuisine, la pièce qui leur sert de salle à manger pour foncer vers l’escalier du grand hall. Arrivés là, Ash vérifie que je suis ses mouvements avec un sourire complice, et il monte les marches deux par deux. Me faisant presque perdre le rythme. D’ailleurs une fois en haut, il me retient en posant une main sur ma taille.
— Attention Stella. Ne tombe pas.
— Jamais, si tu me retiens.
Nous nous sourions l’un l’autre, et avec une bise chaleureuse sur la joue, il repart en direction de sa chambre. L’aile droite lui est dédiée. Salle de bain personnelle, et surtout une chambre qui fait deux fois la taille de la mienne. Mais il ne s’en vante pas, reste humble et pour un adolescent, c’est rare. J’admire même sa façon de penser, cette envie de toujours partager la chance qu’il a, au grand dam de sa mère. Et puis, c’est sa manière de sortir de l’enfer. Je le sais, je l’ai compris une semaine après notre discussion sur les marches.
A deux pas de sa porte, nous entendons le claquement des talons de la vipère qui grimpe les escaliers que nous venons de quitter. Il ne faut pas plus que ce son pour qu’Ashley m’entraîne d’un geste vif à l’intérieur de sa chambre. Claquant la porte dans mon dos et m’y plaquant. Son nez venant par la suite se glisser dans le creux de ma nuque au milieu de mes boucles brunes. Un frisson s’empare de mon cou, glissant jusqu’au creux de mes reins.
— Ashley… soupiré-je.
— Restons comme ça quelques instants. S’il te plait.
Sa demande me surprend, et pourtant je ne le repousse pas, le laisse faire quand sa main encore libre parcourt ma hanche pour poursuivre son chemin et se caler sur ma joue. Son pouce venant ainsi dessiner des cercles sur ma pommette rougie par notre ascension. Son nez toujours enfoui contre ma nuque explore quant à lui chaque centimètre de celle-ci. Les papillons à présent logés dans mon ventre, s’agitent, se transforment en une valeur qui m’est étrangère.
Et alors que j’amorce un mouvement, tentant de comprendre ce qu’Ash cherche à faire. Ce qu’il cherche à me montrer à travers ses gestes, il s’éloigne de moi. Son visage laisse un vide que j’ai tout à coup envie de combler. Mes doigts qui étaient encore enlacés aux siens se libèrent. Une seconde plus tard, mes bras sont autour du cou d’Ashley, mes yeux se perdent dans ses émeraudes si particulières. Je les examine, les apprends par cœur, analyse chaque étincelle d’or qui s’y cachent.
Et sans plus retenir ce désir que j’ai en moi depuis le premier soir, j’ose.
— Stella, Qu’est-ce que…
— Chut. Embrasse-moi.
Pendant une seconde, je crains de le faire fuir. Mais l’instant d’après, ses deux mains se plaquent sur mes joues et attirent mon visage vers le sien. Mon corps tout entier lui répond. Je me hisse sur la pointe des pieds au moment même où nos lèvres se scellent. Au début, c’est léger presque comme une caresse avant de prendre une nouvelle intensité. Il se fait plus avide, plus gourmand aussi. Et dans un gémissement, il glisse ses doigts dans mes cheveux, pousse sur ma tête pour augmenter encore la puissance de notre baiser.
Bientôt, j’ai oublié ce qui nous entoure. Je suis focalisée sur mes sensations, ses réactions, sur ce sentiment d’être à ma place. Un doux soupir nous échappe quand on se sépare pour reprendre notre respiration. Mais il ne me laisse pas bouger, ne me permet pas de dire un mot que déjà sa bouche revient à la charge. M’électrisant des pieds à la tête, jusqu’à ce qu’à mon tour, je perde le contrôle.
Avide de plus.
Dans un demi-sourire, je lui mordille la lèvre, le cherche du bout de la langue avant de finalement m’écarter de son corps. Nous avons tout notre temps. Et ce soir, n’est que le premier pas de notre histoire. D’ailleurs quand ses yeux fouillent mon océan, il semble comprendre. Se détache de moi, me tourne le dos pour deux pas plus loin s’arrêter. Moi, je n’ai pas esquissé un mouvement, dans l’attente. Comme si j’attendais son retour. Un indice pour me signifier que pour lui aussi c’était unique, beau, NOUS tout simplement.
Un instant.
Une inspiration lui suffit pour me surprendre.
Là où la minute d’avant nous étions séparés, à présent nos corps s’enlacent, se mêlent dans un accord qui leur ressemble. Ses lèvres s’emparent des miennes, s’en imprègnent. Ses doigts dessinent le contour de ma mâchoire, appréhendent chaque détail à sa disposition. Et moi, fébrile, je m’ancre à Ash. Attache mes mains derrière sa nuque, ferme les yeux et savoure chaque sensation, chaque toucher, chaque odeur. Une odeur de miel. Une odeur à la hauteur des battements de mon cœur.
Et dans un dernier soupir, nous nous détachons l’un de l’autre. Nos bouches à quelques millimètres de distance, nos souffles courts, erratiques. Mes paupières s’ouvrent en même temps que les siennes, du moins je crois, et dans un mouvement à l’unisson nous posons nos fronts l’un contre l’autre. Mes doigts ne se détachent pas de leur point d’ancrage tandis que ceux d’Ashley viennent apprivoiser mes joues. Et c’est d’un même murmure que nous nous l’avouons enfin :
— Je t’aime. »
Une larme roule sur ma joue au moment où je reprends le fil de la réalité. Ce souvenir est l’un de ceux que je préfère et pourtant, il me fait autant de bien que de mal. Je ne sais pas vraiment pourquoi il vient s’inviter aujourd’hui, mais je suis sûre que ça a un lien avec la présence d’Ashley ici, à mes côtés. Peut-être qu’il était encore dans un coin de ma mémoire, le tiroir de mes souvenirs ouvert sur mes moments heureux avec lui. Mon premier amour, mes premiers baisers, mes premiers « je t’aime », ma première fois. Nous avons partagé plus qu’une amourette, vécu une histoire que je croyais unique.
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