Fyctia
15. La chute 1/5
- Samedi 1er décembre — ASHLEY
Quoi ? Qu’est-ce qu’il vient de se passer ? Pantois, mes doigts viennent toucher mes lèvres gonflées par… nos baisers. Nos PUTAINS de baisers langoureux, passionnés. Addictifs même ! Des baisers que je reconnaitrais entre mille. Et perdu dans l’euphorie du moment, je me suis laissé bercer par l’illusion que je ne lui avais jamais tourné le dos. Jusqu’à ce que… jusqu’à ce qu’elle prenne la fuite et se réfugie dans les bras de son frère.
Merde ! Non, non, non !
Hésitant, la main encore sur ma bouche, mon regard tombe sur celui de Cole. Si des yeux pouvaient tuer, je suis certain que je serais déjà un amas de cendres sur le sol. Des cendres qu’il se ferait un malin plaisir de disperser ou… de jeter dans une poubelle, tel le détritus que j’ai l’impression d’être à cet instant. C’est fou comme d’une seconde à l’autre, je passe d’un sentiment de bien-être à un poids immense sur les épaules.
Une culpabilité dont je n’arrive décidément pas à me débarrasser. Pourtant, le temps d’un instant, j’ai cru que les nuages d’orage laissaient place à la lumière, SA chaleur réconfortante. Dire que j’étais sur le point de lui dire… Ces mots que je retiens, cette phrase que j’aurais dû prononcer depuis tant d’années : « Je suis désolé ». C’est si simple et si difficile à la fois. Comme s’il nous était impossible de trouver notre équilibre.
Merde ! Mais je ne voulais pas… ce soir, je n’avais pas l’intention de la blesser. D’ailleurs, ça n’a jamais été mon but. JAMAIS ! Alors, peu importe le regard de son frère, peu importe que les têtes de ses amis se braquent sur moi dans un mélange d’incompréhension et de colère, je ne peux plus la laisser tomber. Elle est mon étoile, je me dois de me montrer à la hauteur, surtout quand ses larmes me transpercent le cœur comme maintenant.
Avalant une dernière gorgée de ma boisson, je prends mon courage à deux mains et soupire avant de me lever. Mes yeux se plantent dans ceux de Cole qui tient toujours Cassie dans ses bras. Ses sourcils ont beau se froncer et se vouloir menaçants, je n’abandonnerai pas. Hors de question ! Et au fond, ce n’était qu’un baiser. Vraiment ? Non… mais je n’ai pas envie d’y penser… ni même d’y réfléchir pour l’instant.
Ou peut-être que si ? Sinon, pourquoi ce désir si ardent de l’avoir entre mes bras ? Pourquoi cette envie folle de dégager tout le monde de son corps pour l’enlacer et faire partir cette tristesse qui se dessine sur son visage ? Je suis atteint. Depuis longtemps… tellement d’années pendant lesquelles je n’ai fait que me voiler la face. Alors c’est d’un pas décidé que je m’élance vers le groupe accoudé au comptoir.
Mais c’était sans compter sur…
— Vince ! Mais merde, lâche-moi ! qu’est-ce que…
— Ferme-là ! Tu t’attends à quoi ? À être accueilli à bras ouverts ? Regarde-les. Non ! Écoute-moi et observe-les vraiment. Tu ne vois donc pas qu’ils sont perdus ? Eliott est dans tous ses états, ne semble même pas savoir comment réagir tandis que Cole, lui, est furieux contre toi. Mais en même temps, son amie, la jolie brune paraît triste et te jette des regards presque compatissants. Je ne crois pas qu’ils sachent vraiment ce qui arrive à Cassie.
— Et alors ? Moi, je le sais peut-être ? Laisse-moi y aller ! Je… je déteste la voir dans cet état, me lamenté-je en baissant la tête, vaincue par mes sentiments et l’évidence qui me frappe en plein cœur.
Bordel ! Je l’ai dans la peau. Encrée sur ma poitrine, preuve de l’impact qu’elle a eu sur ma vie. Qu’elle aura certainement toujours. Alors non ! Vince ne peut tout simplement pas me forcer à poser mon cul dans ce fauteuil que je viens de quitter. Ou bien… si ? Et merde ! Si, et il y parvient en plus. Je suis d’un pathétique ! Respire Ash. Cassie ne s’est pas envolée, elle est là, en face de moi, ses larmes ne coulent plus.
Mais son visage me hurle qu’elle est perdue. Ses yeux cristallins sont dans le vague, ils naviguent dans des eaux lointaines, entre passé et présent. D’ailleurs me mordant la lèvre, je cherche un indice qui me permettrait de comprendre son changement d’humeur, cette réaction violente que je n’explique pas.
Que personne ne semble… Comprendre ?
— Ils ne savent pas ?
— Non, acquiesce Vince. Tout ce qu’ils ont vu, c’est votre baiser langoureux et sensuel avant qu’elle ne s’éloigne de toi d’un coup et s’enfuie en courant. Et pleurant. Alors, si tu pouvais éviter de créer plus de tensions, ça m’arrangerait. Je n’ai pas envie de devoir me justifier auprès de Sara si je rentre avec un œil au beurre noir par ta faute.
— Eh !
— Rien ! Sérieux ? Tu pensais à quoi en la provoquant ? Tu la connais, non ? N’est-ce pas pour cette raison que tu es tombé amoureux d’elle la première fois ?
— Vince ! Merde ! Tais-toi…
— J’ai touché un point sensible, peut-être, rit-il en buvant une gorgée de la bière dont je prends seulement conscience de la présence.
Oui. Il a visé dans le mille. Cassie, Stella ou peu importe le nom avec lequel je l’appelle, elle reste celle qui avait rendu mes journées joyeuses alors qu’elles étaient ternes. Celle qui a fait battre mon cœur, là où les autres se sont contentées de frotter leur cul rebondi contre ma queue. Elle est la seule à me briser le cœur sans même avoir à parler. Et ce soir ne fait pas exception. Pourtant ça partait d’une simple provocation. Un chocolat tout droit sorti de la première case de ce fichu calendrier de l’avent qu’elle m’a glissé entre les pattes.
En tombant sur Rodolf, je ne peux empêcher un fou rire nerveux. Mes doigts se tendent vers l’affreux décor aux traits de Noël, je caresse les contours du renne d’un air distrait. Très vite, ma tête se dresse vers le groupe qui s’amasse encore autour du corps fin de Stella. Elle est à présent accoudée au bar, sa boisson dans une main et l’autre triturant la rondelle de citron fixé sur le rebord de son verre.
Purée… J’ai besoin d’aller la voir. Si elle est hantée par un mauvais souvenir, ça ne peut être qu’en lien avec Jeanne. Ma mère. Toujours à me mettre des bâtons dans les roues, même quand elle n’est pas là physiquement. Elle s’insinue, se faufile entre les mailles du filet pour mieux nous susurrer ses mots cinglants dans le creux de l’oreille. Madame De Cœur est douée quand il s’agit de manipuler les gens, surtout quand ceux-ci se transforment en menace pour son quotidien « paisible ».
— J’y vais ! Tant pis… Je ne peux pas, ne veux pas la laisser dans un tel état. Ses épaules tremblent, grogné-je entre mes dents. Putain, c’était juste un jeu. Une simple provocation. Je ne pensais pas qu’elle s’enfuirait.
— Cinq minutes !
— Quoi ?
— Tu as tenu cinq minutes ! C’est un miracle ! J’étais certain que tu allais me balancer le reste de ton verre à la figure et foncer la voir. Mais non, tu t’es assis et as réfléchi pendant cinq petites minutes avant de te décider à foncer tête baissée. Tu m’étonnes, dit Vince en me tapotant sur l’épaule.
J’observe mon ami le temps d’un instant, et le sourire qui me répond est mon top départ.
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