Fyctia
14. Première case 3/4
Corps qui se colle au mien, sa cuisse contre la mienne, son bras qui frôle le tissu fin de ma chemise et… sa main qui n’a pas lâcher la mienne depuis qu’elle m’a arrimé à sa suite. Ses doigts dessinent des arabesques sur la peau sensible de ma paume, une douce envie se faufile, des sensations qui électrisent mon épiderme. Si elle ne s’arrête pas de suite, je suis prêt à lui sauter dessus, dévorer sa bouche et redécouvrir son corps pulpeux. Merde ! Son toucher me manque. Elle me manque depuis onze ans.
Mon cœur douloureux et ma main libre qui vient se placer sur ma poitrine en sont la preuve. Mais… même avec la plus grande des volontés, je crains que mon défi ne soit déjà voué à l’échec surtout quand d’un sursaut, Stella rompt tout contact et se racle la gorge après avoir avalé d’une gorgée le shot de vodka. Son verre qui claque sur la table et le signal pour moi, d’engloutir ma boisson. Une seconde plus tard, je dépose le gobelet retourné sous le regard attentif de Stella. Quand celui-ci tinte contre le sien, il agit comme un interrupteur qui lui indique le démarrage et sa phrase refroidit le peu de chance que j’avais de la faire succomber ce soir.
— Bon. On l’ouvre cette case ?
*
CASSIE
Mon intervention semble perturber Ashley. Pourtant nous sommes là pour ça, ouvrir cette fameuse case. Ce numéro un qui annonce le début d’une longue aventure ensemble. Ou du moins… un calendrier de vingt-quatre jours. Des jours qui vont me semblaient bien long s’il ne s’active pas un peu pour planter son doigt dans le carton et arracher le papier qui nous cache le précieux chocolat. Une gourmandise dans laquelle j’ai hâte de croquer. Parce que s’il croit que je suis venue pour l’observer sans rien y gagner, Ashley se met les doigts dans le nez.
D’ailleurs, qu’est-ce qu’il attend ? Le déluge ? Que cette pauvre fille s’invite une seconde fois ? Ou alors que nos amis adossés au comptoir s’incrustent sans notre accord ? Le regard sévère de Cole sur moi m’indique qu’il est prêt à sauter au cou d’Ashley si celui-ci fait un pas de travers. Et Eliott ? Il rit à gorge déployée avec Éric. Je le savais ! Ces deux gaffeurs se sont trouvés en un rien de temps.
Quant aux filles ? Sandy dévore le corps élancé d’Éric de ses yeux de biche tandis que Léa, elle discute tranquillement avec Vince. Ainsi nos amis s’allient les uns aux autres, leur attention plus ou moins posée sur nous. Et j’avoue que de les voir tous ensemble fait naître une chaleur que j’avais presque effacée au fond de mon cœur. J’ai l’impression que de les examiner, de les analyser un après l’autre est naturel, comme une évidence. Un coup du destin qui nous hurle à Ash et moi que nos routes devaient se croiser, dans le passé comme aujourd’hui.
— Stella ?
— Crève-cœur ? rétorqué-je à l’entente de mon surnom.
— On ouvre la porte ?
Je hoche la tête pour acquiescer. Souris et sens mes joues rougir d’une excitation enfantine. De ce plaisir coupable de découvrir ce qui se cache sous la case numéro un. De son index, Ashley appuie sur les pointillés qui craquent sous la pression. Puis, il glisse son ongle sur le bord du carton détaché et tire dessus pour nous laisser tout le loisir de fixer notre premier chocolat. Je penche la tête, tente d’en comprendre le motif quand Ash le dégage de sa cachette.
— Merde ! crache Ash en retournant la gourmandise vers nous.
Un sapin miniature ? Vraiment ? Le destin se joue de nous, et je ne peux pas retenir plus longtemps un gloussement. Attirant ainsi son regard d’émeraude sur moi. Au moment où il se plante dans le mien, ma respiration se coupe. Putain, il est canon ! Magnifique même avec cette lueur de malice que je retrouve sans en connaître l’origine. Serait-ce mon rire qui illumine son visage ? Ou est-ce un effet de l’éclairage ?
Je n’ai pas de réponse à ma question, et n’en n’aurais surement jamais. D’autant plus qu’alors que je m’apprête à ouvrir la bouche, le corps du barman s’incruste dans le paysage périphérique de notre table. Ash, tout comme moi, lâche un grognement de frustration. Le temps d’un instant, nous avions oublié le lieu dans lequel nous nous trouvons. D’ailleurs, Joe affiche un air désolé avant de poser devant nous, deux verres à cocktail.
Un cadeau d’Éric et Eliott. Notre boisson ! Je vais en attraper un pour assommer l’autre ! Mais alors que je sens mes sourcils se froncer sous la colère qui naît de leur blague, Ash me surprend en haussant les épaules. Vaincu par les bêtises de nos amis. Décidément ce soir, il me mène à la baguette, faisant passer mes émotions de la joie à la colère en une seconde et vice versa.
Sauf qu’alors que je baisse les armes pour me détendre et profiter de quelques gorgées de ma vodka Sunrise pour faire redescendre la pression, Ashley ouvre les lèvres et s’apprête à jeter le chocolat dans sa bouche. Quoi ? Non ! Qu’est-ce qu’il croit ? Hors de question ! Mon verre claque sur la table comme le verre de shot avant lui, et mon corps pivote vers Crève-cœur. Ma main s’élance vers la sienne et j’arrête son mouvement juste à temps.
— Eh ! Tu comptes le manger tout seul ?
J’ignore si c’est l’instinct ou seulement ma peau qui reconnait la sienne, mais mon pouce bouge de lui-même, dessinant des arabesques vers le creux de sa paume que j’enserre. Et dès ce moment, je le sais, mes mots prennent une toute autre définition que celle qu’ils avaient initialement. Les émeraudes de Crève-cœur m’indiquent d’ailleurs qu’Ashley n’est plus rieur mais joueur. Souriant de toutes ses dents, il me détaille du haut du crâne jusqu’en bas du buste.
Analyse chaque millimètre de ma peau, de ma tenue. Son regard devient perçant, vicieux, presque pervers. Oh oui, pervers ! Il a cette étincelle d’ocre qui brille quand une idée salace transverse son esprit. C’est toujours la même, même après toutes ses années. Et si l’appréhension s’installe dans un coin de mon cerveau, c’est avant tout la curiosité et l’envie qui me poussent à rapprocher mon corps du torse musclé de Crève-cœur.
Merde, à quoi tu joues, Cass ?
Seulement… ce soir, j’ai cette impression de retrouver celui que je connaissais. Ce Ashley que j’aimais, celui-là même qui d’un regard arrive à m’enflammer, à exacerber mes sens et me donner cette impression d’être unique à ses yeux. Alors c’est tout naturellement que mes doigts relâchent la pression qu’ils exerçaient et que mon corps se met en pause, dans l’attente d’une action de sa part. Et la chaleur qui se répand au bas de mes reins ne fait qu’accélérer les battements de cœur, mon esprit étant tout aussi excité que mes terminaisons nerveuses.
— Tu veux qu’on partage ?
— Qu’on partage, quoi ? demandé-je pendant que mes joues trahissent les pensées qui m’assaillent.
— Le chocolat, Stella.
0 commentaire