Fyctia
13. Préparations 2/4
D’un pas rageux, j’ouvre la porte et lui fonce dessus. Je le frappe sur le torse et le contourne pour filer dans le salon. Cole quant à lui s’active déjà à installer les guirlandes lumineuses aux quatre coins de la pièce. Une autour de chaque montant de porte, une plus courte et unie sur le meuble de la télévision, une autre sur la banquette en bois incrustée devant la fenêtre. Et bientôt, je l’accompagne pour transformer notre appartement contemporain en une véritable maison du Père-Noël.
Très vite ou plutôt trois heures plus tard, nous nous jetons tous les trois autour de l’ilot de la cuisine ouverte sur le reste de la pièce à vivre pour en admirer notre œuvre. Ici et là, des lumières multicolores qui clignotent dans des cadences similaires. Un peu plus loin, sur un mur d’habitude entièrement nu, nous avons accroché une cordelette en lin sur laquelle pend trois grosses chaussettes rouges portant nos prénoms.
Et bien sûr, quand on se tourne vers la droite de la pièce, nous tombons sur notre majestueux sapin. De deux mètres de haut, il touche le plafond ne nous laissant pas l’occasion d’y accrocher une étoile. Mais nous n’en avons pas besoin. Les boules argentés, bleues ciel et blanches qui prolifèrent à travers le duvet vert des branches suffisent à donner l’impression que la neige est tombée. Le tout est bien entendu éclairé par une longue guirlande étoilée dont cette fois, la lumière est fixe.
Descendant ainsi de la pointe de l’arbre jusqu’à son pied dans des nuances de bleu, vert, rouge et jaune. Et le clou du spectacle ? D’épaisses guirlandes d’argent et de blanc qui glissent autour du sapin l’habillant et le rendant que plus étincelant. Satisfaite, je tape dans mes mains puis frappe l’épaule de Cole suivi de près par celle d’Eliott. Puis, ni une ni deux, je me redresse et fonce sur notre machine à café.
— Un chocolat, ça vous dit ? leur demandé-je gaiement.
— Carrément !
Ils me répondent en même temps. Et nous profitons tous les trois du reste de notre journée enfoncés les fesses dans le sofa devant de bons vieux classiques de Noël. Les heures défilent, et un nœud grandit au creux de mon estomac. Il me tord les tripes tant j’appréhende la soirée à venir. Au fond, ne me jetais-je pas toute seule dans les mailles du filet ? Je renifle face au dernier générique qui défile. Une histoire d’un père qui revit la même journée en boucle jusqu’à ce qu’enfin il comprenne que l’amour est la solution pour qu'elle s’achève.
Si seulement c’était si simple.
Dix-huit heures, c’est le moment pour moi de m’éclipser dans ma chambre et de choisir ma tenue. Mais alors que mes pas me guident jusqu’à ma chambre, j’entends dans mon dos ceux de mes deux compères. Mes mousquetaires inséparables. Et bien que je n’aie pas vraiment besoin d’eux, je les laisse agir. S’immiscer dans ma chambre, se jeter sur mon lit et m’examiner du coin de l’œil.
En haussant les épaules quant au spectacle qu’ils m’offrent, j’ouvre en grand les portes de mon placard. D’un côté les étagères qui cachent mes jeans et divers pantalons, de l’autre mes robes, jupes et chemisiers. Sceptique quant à la tenue à enfiler, mes doigts se glissent vers ma nuque avant d’être stoppés net par l’intervention d’Eliott.
— Cass ! Tu vas finir par t’arracher les cheveux si tu continues ! Mets une robe, après tout, c’est samedi soir. Qui sait, tu passeras peut-être une soirée de folie.
— Folie, mes fesses ! J’ouvre cette case et je me barre.
— Ne fais pas ta rabat-joie. Tu meurs d’impatience de le voir ton bel étalon blond. D’ailleurs, j’y pense ! On pourrait t’accompagner ?
Quoi ? Non ! Hors de question ! Et pourquoi d’abord ? Ils s’attendent à quoi ? A ce que je cède ? Non, non, non. Ce n’est pas mon intention. Je veux juste tenir ma promesse. Ouvrir la case numéro un et m’enfuir, pour m’enfermer dans l’appartement en pyjama, sous la couette. Alors c’est ce que je vais faire… je crois. A moins que… peut-être que nous pourrions en profiter pour descendre à l’étage inférieur du Loch Ness.
Après tout, je n’ai jamais vraiment eu l’occasion de jeter un œil au décor en pleine soirée. La boîte un samedi doit être bondée. S’il le faut, je me faufilerais entre les gens pour y perdre Ashley. Le dos tourné face à mes mousquetaires, ils ne remarquent pas le sourire malicieux qui s’impose sur mon visage. Par contre, ils perçoivent sans mal le gloussement qui m’échappe.
Merde !
— Sœurette ?
— Eh bien… une robe me semble une bonne idée. Mais j’hésite. Vous pensez qu’il réagira comment si je débarque avec la vermeille ? Vous savez, celle avec les épaules dégagées par la dentelle blanche et qui vient se perdre ensuite au-dessus de mes genoux avec le même motif ?
— T’es sérieuse ? Tu veux sortir la mère-noël ?
— Hors de question !
Les paroles de El et de Cole fusent à la vitesse de l’éclair. L’un semble excité à l’idée que je provoque une fois de plus Ash alors que le second sort de ses gonds, prêt à se jeter sur moi. Pourtant, quand je me retourne vers eux, le nez froncé, j’hérite de rires joyeux et puissants. Décidément, nous formons un drôle de trio. Et ce ne sont pas les deux hommes allongés de tout leur long sur mon lit qui diront le contraire.
Le duo infernal porte d’ailleurs son attention sur moi quand d’un mouvement, je hoche la tête pour signifier à mon frère que quoiqu’il en pense, je vais suivre le conseil d’El. Après tout, qu’est-ce que je risque de plus ? Rien. J’espère. La robe en main, je prends tout de même conscience que le tissu est fin et ne me portera pas chaud. A cette constatation, je grommelle, marmonne, ronchonne et balance la tenue sur Cole.
— Il me faut des collants, une veste, une écharpe. Je vais avoir froid ? Et si je dois passer la soirée avec lui ? Vous pensez qu’on va danser ? J’en ai envie d’ailleurs de danser avec lui ? Et puis, s’il me pose un lapin ? Si c’était encore un piège ? D’après vous, il serait capable de me planter un poignard dans le dos comme ce soir-là ? Non, impossible. C’est vrai quoi ? Nous ne sommes plus du tout dans la même situation, notre relation est différente. Hein ? Je fais quoi ? Dites-moi ! Je… je…
— Calme-toi. Viens-là. Respire, ce sera un bon début. Ensuite, Cole ici présent va attraper son portable est envoyé un message sur le groupe avec les filles. Et nous te suivrons. S’il y a le moindre souci, si Crève-cœur ne se pointe pas, alors tu ne seras pas seule. Et on noiera ta tristesse en profitant de l’ambiance de la boîte. C’est compris ?
0 commentaire