Fyctia
13. Préparations 1/4
Samedi 1er décembre — CASSIE
J’ignore ce qu’il m’est passé par la tête. Sérieux ! Pourquoi j’ai accepté ? Mieux, pourquoi je lui ai promis qu’on ouvrirait toutes les cases de ce fichu calendrier ensemble ? A présent, je suis bloquée, prise au piège de mon propre jeu. Et pourtant, il y a cette flamme en moi, cette chaleur qui prend naissance au creux de ma poitrine, un feu qui s’anime pour recoller des morceaux trop longtemps éparpillés.
Au fond… ce n’est qu’un prétexte pour me rapprocher d’Ashley. Et c’est douloureux de se l’avouer. En fermant les yeux, je revois son visage qui s'est illuminé quand il a compris que mes paroles sont sorties plus vite que mes pensées. Mon cœur prenant le pas sur ma volonté sans même que je puisse le contrer. De toute façon, j’en suis persuadée, j’aurais fini par céder. Juste pour le jeu. Juste pour mieux faire entrer Noël dans sa vie. Mais aussi…
Pour retrouver cet adolescent que j’aimais, que je voulais sauver.
— Cassis ? tu comptes sortir de ta planque ? C’est toi qui voulais qu’on décore l’appart aujourd’hui ! hurle El depuis le salon.
Merde ! Comment je vais leur expliquer qu’Ash a réussi à retourner le calendrier contre moi ? Comment, je vais pouvoir leur expliquer que je me suis retrouvée avec ce satané serre-tête sur le crâne alors que Crève-cœur en était le destinataire initial ? Je n’ai pas su résister, pas quand ses émeraudes ont brillé d’une lueur vicieuse, presque trop joueuses. C’était un appel à la débauche, un défi que je me devais de relever.
Un challenge, une confrontation qui m’a ramené en arrière, durant nos années de relation. Entre provocations et retrouvailles, mélangent de cris et d’embrassades. Une recette bien à nous que l’espace d’un instant, j’ai cru retrouver. Alors, j’ai sauté sur l’occasion. Mais je me suis enfoncée toute seule dans la merde. Et maintenant ? Je vais devoir assumer. Ce ne sont que vingt quatre jours. Comme je l’ai dit à Léa : vingt-quatre jours, un Noël.
Donc aujourd’hui, c’est la première case et s’il veut qu’on l’ouvre ensemble, Ashley va être servi. Dans un soupir, je repousse la couette de mon corps, sort de la chaleur qui m’entourait et enfile ma veste avant de quitter de ma tanière. Sous les cris de mon frère et Eliott qui me hurlent de me bouger le cul sans quoi, ils vont m’en tirer la peau pour m'obliger à venir les aider.
— Je suis là ! C’est bon ! J’ai le droit à un chocolat ? demandé-je avec une grimace pour le dernier mot qui m’échappe.
— Nope. Pas tant que tu ne nous auras pas raconté la réaction de Crève-cœur face à notre cadeau.
— Sérieux, Cass, ne nous laisse pas dans le flou ! Déjà que tu es rentrée avec ce machin sur le crâne !
Cole. Je penche la tête sous son intervention. Fronce les sourcils avant de remarquer l’objet qu’il tient entre ses doigts. Les sapins sur ressort… Génial ! Je pensais être passé inaperçue mais c’était impossible avec cet ornement de l’enfer sur moi. Je me force à leur sourire, me dirige vers le canapé et m’y affale avant de tout leur dépiter sans les laisser en placer une. C’est déjà assez humiliant comme ça !
Calme toi, Cassie.
J’ai à peine le temps d’avoir cette pensée, que mon frère grogne. Il balance le serre-tête à travers la pièce tandis qu’Eliott, lui, vient se poser à mes côtés. Ok, ça n’annonce rien de bon. Rien du tout même. Surtout quand l’instant qui suit, le corps massif de Cole nous rejoint. Les trois mousquetaires sont réunis et le silence les accompagnent. Enfin… jusqu’à une énième explosion de Cole.
— Tu lui as fait une promesse ? Je n’arrive pas à y croire ! Cassie, tu n’as donc rien appris de la première fois ?
— Cole, je t’en prie. Tu te répètes et tu ne m’aides pas. Je fais quoi pour ce soir ? ronchonné-je en observant l’écran noir de la télévision éteinte. Je me regarderais bien une tonne de films de Noël sous un plaid pour me planquer. Mais…
— Tu vas y aller. On n’en doute pas. Cass. On te connait. Une promesse ne peut être rompue…
— Et moi, je vous propose d’y réfléchir plus tard. C’est encore le début de l’après-midi et nous avons prévu de décorer chaleureusement notre colocation. Alors, je monte le sapin, Cole s’occupe d’installer les guirlandes lumineuses un peu partout dans la pièce et toi, tu mets ta touche de magie sur les branches vertes. Croyez-moi, la déprime ne nous fera pas avancer plus vite.
Eliott ! Parfois, il nous surprend. Mais une seconde lui suffit à changer l’ambiance. Il se jette sur moi, m’attaque de chatouilles alors que je tente par tous les moyens de me dégager de là. Surtout que je suis encore en pyjama-short et que je voudrais me changer avant d’attaquer la mise en place de nos décorations. Rien qu’à cette idée le nuage orageux de mes pensées s’éloigne pour laisser la lumière du soleil m’éclairer.
Nous rions en chœur quand Cole essaie de m’emprisonner les jambes alors que j’arrive enfin à me dégager de l’emprise de mon meilleur ami. Je cours loin d’eux. Un large sourire s’élargissant sur mon visage. Ils sont mes lutins de Noël ! Des magiciens qui chaque fois savent comment me faire changer d’humeur. Du moins, jusqu’à ce que l’image d’un blond à la musculature sculptée s’invite dans ma tête.
Merde ! Pourquoi il apparaît toujours à ce moment-là ? Cet instant où je me sens heureuse, où d’un coup, je me revois à seize ans… et notre second Noël ensemble. Lui, dans son costume bleu roi, et moi, dans ma robe vaporeuse. En parfait accord l’un avec l’autre, dans une nuance de cyan électrique qui m’a marqué. C’était aussi mon premier Noël avec ses parents… un réveillon unique, dans une famille peu ordinaire.
Les Terrence.
Je me racle la gorge à l’idée de cette soirée hors du commun. Ce repas à la fois merveilleux et cauchemardesque. Mais avant que je n’y replonge, je suis happée par la réalité et le tambourinement d’un poing sur la porte de ma chambre. Décidément, on ne peut pas être seule dans cet appartement ! Quoique… je remercie déjà celui qui vient d’interrompre un plongeon que je ne suis pas encore prête à faire.
— Cass ? Le sapin, à gauche ou à droite de la télé ? Cole pense que c’est mieux à gauche, mais il y a la porte de ton atelier et ta bibliothèque de ce côté.
— Quoi ? Eh ! A droite ! On a dit qu’il serait mieux dans le coin de la pièce. Au moins, on le voit en entrant et dans la journée, il sera aussi illuminé par la lumière extérieure. Celle qui passe par la fenêtre ! Tu rigoles ? El !
— Désolé, Cassis. Mais c’était trop tentant.
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