Fyctia
12. Une invitation ? 3/3
L’utilisation de son surnom la surprend. Elle n’a plus l’habitude que je l’emploi. Et je dois avouer que le prononcer à voix haute, pour elle après tant d’années, me semble à la fois étrange et naturel. Ce qui est en soit, totalement paradoxal. Mais ça a le mérite de lui faire lever le menton pour me faire face. Elle prend une respiration, puis une seconde. L’attente me rend dingue. Elle va parler, oui ?
— Le graphiste. Il m’a demandé de te dire que… enfin qu’il arrête les recherches concernant l’artiste que tu veux employer pour le musée. Apparemment, la personne que tu tentes de trouver est… C’est… Il l’a qualifié de…
— De ? insisté-je la voyant pagayer dans le vent.
— Fantôme. Personne ne connait son identité et c’est lui qui prend contact, pas l’inverse.
— Merde ! Putain ! Il me faut cet artiste !
Je hurle mais c’est plus fort que moi. Ce peintre, je le recherche depuis des semaines, non, des mois et je n’arrive toujours pas à mettre la main dessus. Le seul indice que j’ai c’est ce nom d’auteur qui me rappelait sans cesse… Stella ? Un Stella avec une étoile ? Non, je débloque… Totalement. Ça ne peut pas être, elle. Si ? Je penche la tête, un pli se forme entre mes sourcils alors que je plonge mon regard dans le sien qui se fait fuyant.
Non ! Ce serait du délire.
Je ne sais pas si elle lit dans mes pensées, ni même si elle devine le cheminement de mes idées mais elle profite de ce moment d’hésitation pour soulever le paquet et le poser sur la surface en bois qui nous sépare. Quoi encore ? Elle le pousse vers moi avec un sourire en coin. Dans ses yeux, une étincelle de malice s’éclaire, furtive. Merde ! Qu’est-ce qu’elle mijote encore ?
— Un cadeau. Pour toi, m’annonce-t-elle avec trop peu de mots.
Sceptique, j’observe le papier. L’emballage ne donne aucune information sur ce qu’il cache. Mais je le sais par avance, les présents de Stella sont toujours des putains de pièges pour moi. Alors je peux m’attendre à tout. Surtout après les quatre premiers jours que nous venons de passer entre pull affreux et nœuds tentateurs, elle s’en donne à cœur joie.
En marmonnant, j’attrape le paquet quand elle le pousse un peu plus vers moi. Je l’ouvre sans en regarder le contenu trop perturbé par la lèvre qu’elle mordille. Cette même lèvre que je me ferais un plaisir de goûter. Ash ! Ce n’est pas le moment ! C’est une blague ? Cette fois, je perds mon sang froid, mes traits détendus se crispent à l’instant où je découvre le cadeau si spécial de Stella.
— Tu te fous de moi ! Encore ce satané renne ! Sérieux, Stella, tu n’as rien trouvé de mieux ? Et c’est quoi au juste ?
— Un calendrier de l’Avent. Tu ne l’aimes pas ? Pourtant Éric a assuré à El que tu raffoles de ce truc-là, énonce-t-elle d’une voix innocente.
— Je vais le tuer !
Je cris. Hurle et crache mon venin sur mon gaffeur d’ami qui doit avoir les oreilles qui sifflent. Mais en même temps, pourquoi est-il allé leur raconter ça ? Il avait qu’à balancer mon défi annuel tant qu’il y était, ce crétin ! Quoique… ça aurait été une mauvaise idée. Et au lieu d’un hideux calendrier de l’Avent, j’aurais eu le droit à une magnifique lettre de démission de la belle étoile qui se tient devant moi, tendue.
D’un œil mauvais, j’inspecte l’objet sous toutes ses coutures. Le décor en arrière-plan, le traineau mais je suis vite de retour sur ce foutu renne qui semble se moquer de moi sans vergogne. Décidément, elle souffle le chaud et le froid sans mal. Et je me demande, si ce calendrier n’aurait pas au fond une autre signification. Une invitation peut-être ? A quoi ? Baiser ? Ça m’étonnerait ! Ash, espèce de pervers !
— Que me vaut l’honneur de cette horreur ? grincé-je entre mes dents serrées.
— Décembre commence demain. Alors… je trouve un moyen de t’apporter Noël dans ton quotidien même si tu ne veux pas le voir sur les murs ni l’entendre ni le… fêter. C’est juste un calendrier, Ashley.
— Tu es sûre de toi, Cassie ?
Merde ! A quoi je joue ? C’est un jeu dangereux. Mais comme elle l’a souligné, décembre débute demain. Et l’ouverture de la première case annonce le top départ de ma mission annuelle. De ces vingt-quatre jours qu’il va me rester pour séduire cette femme et enfin, pouvoir ressentir son corps contre le mien, parcourir sa peau douce, connecter mon épiderme à ses frissons. Et surtout, retrouver des sensations qu’elle seule avait fait naître. Il n’y a eu qu’elle pour faire apparaître la lumière, alors mon calendrier de l’Avent pourra peut-être me permettre de décrocher une étoile. Cette étoile. MA STELLA.
— Je crois. Tu ne veux pas déguster de bons chocolats ?
Elle me tente, sourit en biais d’un air coquin que je lui reconnais bien là. Elle coince même sa lèvre inférieure entre ses dents et la mord. Son doigt lâche la mèche qu’elle tenait, elle pose ses mains sur ses genoux et se penche en avant. Puis dans un murmure, elle ose me provoquer d’autant plus. Me narguer, me promettre presque que les dés sont lancés, que la partie ne fait que commencer.
— Ne me dit pas que tu n’as jamais sucé ces carrés de chocolats ? Tu sais, pour faire durer le plaisir. N’en louper aucune saveur, en apprécier chaque centimètre, se délecter de cette douceur à la fois sucrée et amère. De cette force de goût en bouche. Le sentir glisser sur ta langue avant de n’en faire qu’une bouchée. Tu vois ce que je veux dire ?
— C’est une invitation, Stella ?
— Qui sait ?
— Alors je l’accepte à une seule condition, déclaré-je mon corps se penchant vers elle pour lui susurrer ma dernière phrase. Tu devras ouvrir chaque case avec moi. Promets-le-moi.
— D’accord. C’est promis, Ashley.
Je rêve ? Elle a acquiescé ? Elle écarquille les yeux en même temps que je prends conscience de sa réponse. Notre échange était d’un naturel déconcertant, et je ne veux pas qu’elle change d’avis, pas maintenant que je la tiens. Pas alors qu’elle est tombée dans son propre piège. Son air aguicheur s’efface pour donner place à une incertitude, une confusion quant aux mots que nous avons échangés. Mais je saute sur l’occasion pour lancer une invitation qu’elle ne pourra pas refuser.
— Une dernière chose. Rendez-vous demain soir au Loch Ness pour l’ouverture de la première porte. Et pas d’excuses bidons, Stella. Tu seras là, une promesse et une promesse. N’est-ce pas toi qui m’as dit un jour que tu tiens toujours tes serments ?
— Si. Mais ? elle souffle. Ok. Tu as gagné, je serais là, Crève-cœur.
Elle insiste sur mon surnom mais je n’en ai que faire. Elle va venir ! Elle a accepté ! Merde, je n’aurais jamais cru qu’un fichu calendrier de l’Avent en carton m’apporterait autant. Un vulgaire truc en carton qui renferme vingt-quatre gourmandises vient de me permettre d’avancer pour réussir ma mission. Cette journée s’annonce finalement bien meilleure que ce qu’elle n’avait commencé.
En route pour :
Vingt-quatre jours, un chocolat.
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