Sandra MALMERA 24 jours, un chocolat 12. Une invitation ? 2/3

12. Une invitation ? 2/3

— Il n’y a pas de comment avec moi, ma pauvre fille ! Vous pensiez vraiment que mon fils resterait avec vous ? Pauvre chose fragile ! Une roturière qui plus est. Faites-moi rire ! Mon fils n’a pas besoin d’une fille comme vous dans sa vie. Il a bien fait de se débarrasser de son jouet du moment. Il en trouvera bien d’autres des comme vous. Belles, jeunes, naïves. Il en brisera d’autres des cœurs. Alors rentrez chez vous. Vous me faites pitié. Du vent !

— Pardon ?

— Oh, vous ne comprenez pas. Attendez, je vais vous dire cela avec des mots plus simples pour vous. Le seul rempart qui m’empêchait encore de prendre le contrôle de mon merdeux de fils était son père. Et ce pauvre vieux est mort, tombé raide le soir de l’anniversaire de son tout petit chéri. Ironique non ? Une aubaine pour moi ! Et cette chère Malory ? Au placard ! Il ne restait que vous. Petite chose, jouet éphémère. D’ailleurs, je le félicite ! Il vous a mené à la baguette, vous êtes totalement sous son emprise. Mais ma petite, vous ne toucherez jamais à sa fortune. Oh non, croyez-moi ! La seule qui a les pleins pouvoirs, c’est moi. Jeanne De Cœur. Alors, du vent, vous n’êtes qu’un détritus de plus sur la route. »

Le son distinctif de l’ouverture des portes de l’ascenseur me rappelle dans le monde réel. Mon corps entier est pris de tremblements, sous les regards curieux de mes collègues une larme glisse sur mon visage. Ce souvenir… il est horrible, il dépeint la noirceur de cette femme, de cette vipère qui voyant que je ne voulais pas quitter le seuil de sa barraque a finit par appeler les flics. Inventant une histoire à dormir debout qu’ils ont cru.


Ce jour-là, j’ai appris les raisons de notre rupture, le départ de Malory, le décès de Richard Terrence… Et là-dessus, j’ai appris qu’une journée en garde à vue sur un dossier scolaire parfait était la fin d’un avenir. Une descente en enfer ni plus ni moins. Mais ce n’est pas tout, sinon je ne serais pas là, à tanguer d’un pied à l’autre, avançant d’un pas décidé vers les parois vitrées de son bureau. J’ai aussi appris que si Ash m’a brisé, c’est parce que son cœur à lui était enseveli sous une tonne de sentiments contradictoires.


Et surtout, il s’est laissé happé par des ténèbres que j’aperçois sans mal dans son regard quand il fonce sur moi alors que je toque d’une main hésitante sur sa porte. Une prison de verre, une cage dorée derrière laquelle je n’observe plus l’homme d’affaire propre sur lui et tiré à quatre épingles qui fait tourner des têtes. Non… celui que j’examine, c’est l’adolescent rageux et ombrageux que j’ai découvert un soir, isolé en haut d’un escalier, un verre à la main.

Seule lumière au milieu de ses ombres, la vodka Sunrise.

Cocktail qu’il semble ne jamais avoir quitté.


*

ASHLEY


Mais qu’est-ce qu’elle fait ? J’aurais dû me douter qu’elle allait me fuir comme la peste mais à ce point-là ? Non, il doit y avoir une explication. Surtout que notre rendez-vous concerne le boulot, elle est sérieuse donc, elle devrait revenir. Et puis son sourire malicieux quand les portes de l’ascenseur se sont fermées sur elle, il ne me dit rien qui vaille. En attendant, je grommelle, martèle mon clavier en répondant à des mails encore en retard, et je finis par observer l’horloge numérique toutes les minutes.


D’abord une, puis deux et bientôt plus de dix minutes se sont écoulées et toujours aucun signe de la belle brune. Alors quand dans un regard contrarié vers le couloir, j’aperçois sa silhouette et sa main prête à frapper sur la paroi de verre qu’est ma porte, je saute sur mes pieds.

Je lui fonce littéralement dessus, ouvrant d’un geste vif la porte de mon bureau sous son regard à la fois sceptique et curieux. Merde ! Je suis dingue, cette femme prend possession de moi et je ne fais rien pour résister à son influence. D’ailleurs, je ne suis même pas sûr de le pouvoir. Je souffle, râle, marmonne avant de me pousser pour la laisser entrer.


Stella hésite, puis amorce un pas. Elle pénètre dans mon antre comme si elle craignait mes réactions. Pourtant quand son corps me dépasse, je remarque que l’une de ses mains tient un paquet. Un emballage qui semble la rendre nerveuse. Ses doigts se serrent d’ailleurs un peu plus autour de la cordelette, qui sert de maintien au sac, quand elle remarque que ma tête est focalisée sur cet objet.


— Tu voulais me voir ? me demande-t-elle en s’installant dans l’un des fauteuils face à mon bureau.

— Oui. Pour faire le point sur les deux heures que j’ai manqué ce matin.

— Ouais. Deux heures et la boîte ne tournait plus rond. Tu sais que c’est urgent que tes équipes arrivent à prendre des décisions sans toi ? Non, mais tu te rends compte qu’une employée du deuxième à appeler pour une histoire de bourrage de papier dans la photocopieuse? Crois-moi, elle m’a entendu celle-là. Elle ne rappellera surement pas pour une broutille de ce genre.


Je ne peux m’empêcher de rire face à cette remarque. C’est du Stella tout craché. Elle ne se rend même pas compte que cette femme, c’est Laure, le plan cul adoré d’Éric. Et je dois dire que l’intervention de Cassie est la bien venue sur ce coup. Au moins, Laure ne cherchera plus à mettre le grapin sur mon corps. Sérieux, elle pensait vraiment que j’allais lui passer dessus après Éric ? Hors de question !


— Qu’est-ce qu’il y a de si drôle ? m’interrompt Cassie en tournant la tête vers moi.

— Rien, rien. Tu ne veux pas savoir.


Elle fronce les sourcils mais ne dit rien pour autant. J’en profite pour contourner mon bureau et m’installer à mon tour. L’analysant au passage pour essayer de comprendre ce qu’elle cache dans son précieux sac en papier. Elle finit par hausser les épaules, puis me fait un bilan des deux heures que j’ai loupé. En gros, les projets avancent, des clients ont demandé de nouveaux rendez-vous et ma mère l’a harcelé. Comme c’est étonnant. Son clapet a tout de même été fermé par notre très cher gaffeur. Ça, c’est un point pour lui.


Pour la peine, ce soir, je lui offre un verre.

Le silence s’installe un instant et je détecte le toc si singulier de Stella. Sa main se glisse à la naissance de ses cheveux et vient attraper l’une de ses mèches pour l’enrouler autour de son index. Qu’est-ce qu’elle a tout à coup ? Me redressant pour l’examiner plus en détails, je remarque aussi que l’une des ses jambes tape le sol de manière frénétique. Elle stresse et quand c’est le cas, c’est qu’elle hésite entre me parler ou ne rien dire.

Mais elle le sait, je ne la laisserais pas se murer dans le silence.


— Accouche, Stella, grogné-je d’une voix rauque.


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