Fyctia
11. Contrecoup 3/3
D’ailleurs, j’ai à peine posé le combiné que celui-ci hurle de plus belles. Je ne vais pas y arriver ce matin, pas si Ash s’obstine à être aux abonnés absents ! Il est où ? Un nœud se forme dans ma gorge quand je l’imagine enroulé dans les draps d’une femme avec qui il aurait passé la nuit après la soirée d’hier. Soirée que j’ai fui sans un regard en arrière, pourtant, j’aurais juré apercevoir sa silhouette en embrassant les deux joues de Léa avant de la quitter.
Tu rêves ma pauvre !
— Bureau de M. Terence que puis-je pour vous ?
— Encore vous ? Passez-moi mon fils ! Ce petit ingrat vient de me raccrocher au nez et ignore mes appels, je dois lui parler. Notre conversation n’était pas terminée.
Encore elle ? Sérieux ? Elle ne comprend pas le message ? Son fils vient de lui raccrocher au nez, et le premier réflexe qu’elle a c’est d’insister… Cette femme m’étonnera toujours par sa persistance et son acharnement. De mauvaises habitudes que je serais ravie de lui faire perdre. Au lieu de ça, je soupire et m’apprête à lui répondre quand apparaît devant moi, Éric tout sourire.
Je fronce les sourcils ne comprenant pas ce qu’il veut. Mais lui s’amuse de ma réaction, me fait un clin d’œil avant de m’arracher le téléphone des mains et de le coller à son oreille. Surprise, j’observe son manège, tout en restant perplexe quant à la suite des événements et ce ne sont pas les portes de l’ascenseur qui s’ouvrent sur un Crève-cœur en costume saillant qui me feront dire le contraire.
— Jeanne ! Quelle joie de vous entendre ! Votre fils ? Non, je ne l’ai pas vu. Dites-moi, le salon de thé avec ma mère, ce dimanche vous conviendrez ? Non ! Oh… Vous m’en voyez vexé. Elle sera très triste d’apprendre que la Duchesse ne daigne s’intéresser à son nouveau jouet. Ah bon? Très bien, faites donc. Au plaisir, très chère ! conclut notre gaffeur préféré avant de se tourner vers celui qui nous rejoint enfin. Ta mère est d’un agréable, c’est… rafraîchissant comme toujours.
— Sale vipère, craché-je entre mes dents.
— Bien envoyé, petite sirène ! hurle Éric en me tapant l’épaule.
Et merde… J’aurais mieux fait de me taire ! Tourner sept fois la langue dans sa bouche avant de parler, Cassie, c’est la base ! Mais non, il faut toujours que mes mots dépassent les barrières de mon esprit. D’ailleurs alors que je m’attends à subir les foudres d’Ashley, je suis surprise par le son rauque et chaud de son rire. Il se moque de moi ? Vraiment !
Un gloussement, un reniflement, il essuie de sa main le coin de son œil tant il est hilare. Je n’y crois pas ! Il arrive en retard et en plus, il se permet de rire sans honte. Il est conscient que j’ai dû prendre sur moi pour ne pas envoyer sa mère balader ? Bien sûr que oui ! Sinon pourquoi il se calmerait en posant sur moi un regard compatissant, presque désolé ? Merde ! Ses yeux, je m’y perdrais pendant des heures s’il me l’accordait.
Cassie ! Pense à Noël, seulement Noël…
Pas à ses lèvres charnues qui s’étirent, pas à son odeur musquée, ni à ses cheveux dans lesquels il passe la main. Non ! Surtout pas ! Mais c’est trop tard, mon esprit s’embarque dans des pensées sensuelles, bien trop charnelles alors que la situation actuelle ne s’y prête pas. Bordel, il me rend dingue ! Mais je me dois de résister, pour mon cœur encore en miettes, pour… Cole ? Mon frère n’a rien à voir là-dedans ! Ou alors si ? Sinon, comment expliquer que j’ai à la fois envie de succomber à mes désirs et les fuir comme s’ils allaient me brûler les ailes ?
— Stella ?
— Crève-cœur, grogné-je alors qu’il s’entête à m’appeler par mon surnom.
— C’est le signal pour moi de me barrer !
Éric ! Je l’avais oublié. Pourtant c’est lui qui vient de me sauver la mise avec cette vieille vipère. J’ai juste le temps de lui dire, merci, que déjà Ashley l’attrape par le bras pour le tirer à sa suite dans son bureau. OK. Et moi ? Comme une idiote, je suis pantoise quant à la scène à laquelle j’assiste impuissante, ne trouvant pas le courage d’énoncer le moindre mot.
Alors que le son d’un message me surprend, Ash se retourne vers moi et annonce d’une voix solennelle :
— Tu me feras un point de la situation à midi. Si ma mère tente à nouveau d’appeler transfère-la moi. Je ne veux pas qu’elle débarque ici sans prévenir. C’est compris ?
— Ou… oui ! Compris, articulé-je hésitante.
D’un signe de tête, il acquiesce, se retourne et s’enferme avec Éric. Décidément cette situation est déconcertante. Son regard est passé de coléreux à inquiet avant que je n’y décèle de la détermination. Ses mots ont été clairs, précis, sans appel. Tremblante, j’attrape mon portable et envoie un message au groupe. J’ai besoin de savoir qu’ils sont là, que malgré notre altercation de la veille mon frère me soutient toujours.
Mais il ne répond pas. Seul, Eliott prend la peine de le faire. Lui et son éternelle bonne humeur. Il me rassure, m’assure que la vipère ne peut plus rien contre moi. Pourtant, il ne peut pas en être certain. Elle a déjà réussi à me faire rayer de la liste de toutes les écoles d’arts du Pays… Alors pourquoi ne pourrait-elle pas me jeter hors de cette entreprise qui appartenait avant à son mari ? Merde ! Dans quoi je me suis fourrée cette fois ? Une impasse. Et alors que mes épaules se baissent sous cette évidence, un message d’Eliott me ramène vers ma première mission, celle qui rythme mes journées depuis mardi.
- ***
- Les trois mousquetaires
- ***
L’intervention de Cole m’étonne et me rassure en même temps. Après tout, la devise des trois mousquetaires, c’est : tous pour un et un pour tous. Alors au final, je le savais, il ne me laissera jamais tomber. Même quand je m’enfonce dans une histoire de sauvetage de Noël impossible et que celui à qui je veux redonner le plaisir des fêtes est l’homme qui a brisé mon cœur. Il l’avait conquis ce cœur avant de la piétiner, Cassie, tu le sais. Mais ça ne m’empêche pas de sourire bêtement en m’imaginant la tête de Crève-cœur quand je vais lui apporter ce Calendrier de l’Avent !
0 commentaire