Fyctia
10. Réunion de crise 4/4
Au fond, cette situation me dérange. J’ai ce poids qui pèse sur mes épaules, ce boulet qui me tire sous l’eau comme une ancre qui voudrait me garder prisonnière de mon passé. Mon humeur maussade doit se lire sur mon visage car les rires puissants de mes amis s’éteignent aussi vite qu’ils sont venus. Seule une dernière réplique d’Éric parvient à me sortir de ma torpeur. Une parole que je ne pensais pas entendre dans sa bouche et qui pourtant me confirme qu’il n’est pas un simple farceur.
— Ne t’en fais pas, petite sirène. Ce soir, je m’occupe de lui.
Sa phrase est un murmure qu’il me souffle à l’oreille avant de déclarer haut et fort qu’il est heureux d’avoir rencontré mes amis. Et c’est avec un coup amical dans l’épaule d’Eliott qu’il nous quitte pour rejoindre Ash et Vince. Ces deux compères sont maintenant à leur place de l’autre côté de la salle, au même endroit que la fois précédente.
Si l’atmosphère est lourde d’un sentiment de désespoir de notre côté, celui à la table d’Ash semble pesant. Crève-cœur ayant toujours les yeux braqués sur moi et serrant les mâchoires sous l’attention de Vince. Son corps est tendu comme un arc, prêt à tirer. D’ailleurs, ma réaction face à ce spectacle est sans appel, je plisse le nez, une inquiétude grandissant de plus en plus en moi. Vince le remarque et lève les mains en l’air comme pour me signifier qu’il se sent lui aussi impuissant quant au comportement d’Ash.
— Il a quoi Crève-cœur ? m’interroge Cole au moment où mon regard revient sur mes amis.
— Je ne sais pas. Il connait mon identité, c’est tout.
— Alors pourquoi est-ce qu’il jette sur toi un regard de chien battu ? Je te jure, j’ai l’impression de voir un enfant errant mélangé à un homme en manque de sexe !
— Ah non ! C’est étrange comme comparaison. Tu es dingue ! Ne l’écoute pas, poulette ! hurle Léa à l’encontre de mon frère. Et si on parlait plutôt du fait que les garçons ont ressenti le besoin de m’appeler pour je cite : un cas d’urgence.
Cette fois mon amie à toute mon attention, et ce n’est ni Eliott ni Cole qui diront le contraire. Oh non ! Surtout pas quand leurs corps se tassent dans leur chaise comme à cet instant. Les mousquetaires ne sont plus si fiers quand il s’agit d’assumer les appels au secours. D’ailleurs, j’hésite à affirmer que tout va pour le mieux, que je gère la situation mais la main de Léa qui se pose sur la mienne m’en empêche. Ce serait mentir à mes amis, et surtout me mentir à moi-même.
— Il t’attire toujours n’est-ce pas ? me demande Léa d’une voix douce.
Bien sûr qu’il me plaît ! Qui n’aurait pas envie de retrouver les bras de son premier amour ? De retomber amoureuse de lui ? De replonger les yeux fermés dans cet amour innocent qui était le nôtre ? D’autant plus quand le mec en question est beau à se damner ! Une carrure carrée à la musculature saillante, le tout mis en valeur dans un costume deux pièces tiré à quatre épingles.
Et puis, je ne parle même pas de ses cheveux de blé sur lesquels il tire sans cesse… Si je le pouvais, j’y aurais déjà glisser mes doigts pour en sentir la douceur. Merde, Cass, tu te perds ! Totalement. Pourtant ça ne m’arrête pas et mes pensées se bloquent sur l’image de ses prunelles d’émeraude dans lesquelles j’aimerais me noyer à nouveau avant de goûter à ses lèvres charnues et sensuelles. Mais… c’est impossible. Alors une main sur la poitrine pour y comprimer la douleur, la respiration lourde, j’avoue ma vérité à mes amis.
— Oui. Et oui, j’aimerais, enfin… je veux le sauver. Lui montrer que malgré notre histoire, je suis peut-être encore son étoile. Que je me battrais pour que son cœur accepte Noël. Parce que sans les fêtes, Ash n’est que l’ombre de lui-même. Cette femme, sa mère a détruit tout le merveilleux de sa vie, le modelant tel qu’elle le voulait. Merde… il a tout perdu en une soirée, pendant ce réveillon de Noël d’y il y a onze ans. Sa joie, son espoir, … son père ! Alors je ne peux pas renoncer à ce qu’Ashley redécouvre ce qu’est le véritable esprit des fêtes ! Je déteste tellement apercevoir ces mêmes ombres que lors de notre rencontre dans son regard. Je ne le supporte pas plus aujourd’hui qu’à l’époque !
— Mais Cassis…
— Tu rigoles là, j’espère ! Cole s’invective nous surprenant Eliott, Léa et moi. Ce connard t’a brisé le cœur, un soir de Noël et toi, le seul désir que tu as, c’est de lui offrir les fêtes sur un plateau ? Ouvre les yeux, sœurette ! Crève-Cœur te piétinera une nouvelle fois, s’il le faut ! Merde ! Cassie, c’est hors de question que je te ramasse à la petite cuillère comme la dernière fois ! Tu étais une putain de loque ! Sans Eliott et moi, tu aurais sombré ! Tu as déjà eu du mal à reprendre la peinture après cet épisode alors ne t’engage pas dans cette pente dangereuse. Surtout quand tu es presque sûre d’en connaître l’issue !
— Ce n’était pas de sa faute ! crié-je hors de moi. Vous savez très bien, tous les deux, ce qu’il s’est passé ensuite !
Je ne me contrôle plus. Des trémolos dans la voix, le corps tremblant, je me lève dans un fracas. Ma chaise, basculant et heurtant le sol dans mon dos. Mes poings quant à eux sont serrés, ma mâchoire est contractée. Au fond, je sais que Cole a des raisons de s’inquiéter mais j’ai cette envie ardente d’apporter de la lumière à Ash. Un désir si puissant que les reproches de mon frère me fracassent le cœur. Alors je suis là, debout au milieu d’un bar attirant les quelques regards des clients présents sur moi. Et c’est blessée que je finis par tourner le dos à Cole. J’ai besoin d’air…
— Laisse-là, j’y vais, perçois-je à travers le voile qui m’étouffe quand mes pas me guident vers la sortie.
Léa.
Mes deux pieds à peine dehors un sanglot m’échappe vite remplacé par le vent glacial de l’hiver. Je suis sortie sans veste ni écharpe. Mais comme par magie ceux-ci apparaissent dans mon champ de vision quelques secondes après ma fuite du Loch Ness. Et je mentirais si je disais que je ne suis pas déçue de découvrir que la main qui me tend ce précieux paquetage appartient à mon amie. Mon esprit et mon cœur avaient encore espoir que la personne qui s’est précipitée à ma suite était… Ashley.
Pauvre cloche !
— Eh, poulette. Ton frère peut être con parfois. Tu le sais, ça ? Enfile-moi ta veste et ton truc en laine avant d’attraper froid. Bon, dis-moi, ce bellâtre qui te sert de Crève-cœur, tu veux vraiment l’aider, hein ? Oui, bien sûr. Je le vois dans ton regard. Mais Cassie ne t’oublies pas pour autant. Cet homme là-dedans ce n’est plus l’adolescent que tu as aimé. La vie l’a trainé dans la boue, roué de coups et pourtant il est encore debout. Alors promet-moi une chose, et une seule : ne le laisse pas te briser. Ok. Et puis, décembre est presque là alors si tu veux lui faire aimer Noël, il va te rester vingt-quatre jours.
— Oui. Vingt-quatre jours, un Noël.
4 commentaires
Aby Mery
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Il y a 4 ans
Sandra MALMERA
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Il y a 4 ans