Sandra MALMERA 24 jours, un chocolat 10. Réunion de crise 3/4

10. Réunion de crise 3/4

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CASSIE


Depuis que nous sommes installés à cette table, je ne peux m’empêcher de surveiller la porte d’entrée du bar. Je sais qu’ils vont venir. Il ne peut pas en être autrement. Enfin… je crois. Sinon, pourquoi Éric se serait précipité dans son bureau ce matin, et pourquoi Vince m’aurait demandé à libérer la soirée d’Ash autant que possible ? Oui, il n’y avait pas d’autre raison que celle d’une soirée au Loch Ness. J’ai bien noté qu’ils ont pour habitude de s’y retrouver en fin de journée.


Et puis… au fond, j’espérais aussi qu’Ash soit assez perturbé par notre journée pour avoir besoin d’une réunion de crise avec ces potes. En tout cas, moi, je n’y coupe pas, assise en face de mon frère et Eliott, aux côtés de Léa qui tente tant bien que mal d’attirer mon attention sur leur conversation. Mais je n’attends qu’un élément, ma provocation quant à ce qui se cache sous ma robe ou plutôt sous le sapin.


Plus les minutes filent et plus j’appréhende son arrivée, sa réaction face à un pauvre sapin de Noël en papier. Je frotte mes mains sur mes genoux, de plus en plus anxieuse au fur et à mesure que l’aiguille de l’horloge de l’autre côté de la pièce avance. Merde, je deviens obsédée-là ! Je m’agite même, mettant maintenant une mèche de mes cheveux autour de mon index. Toc qui retient tout de suite les regards de mes deux mousquetaires ainsi que celui de mon amie.


— Les gars, nous avons un problème. Cassis tripote ses cheveux ! Je répète, elle entortille ses cheveux autour de son fichu doigt ! Alerte générale ! Besoin d’une intervention immédiate, ricane Eliott.

— C’est bon. Tout va bien, ronchonné-je.

— Non poulette, clairement, tu ne vas pas bien. Regarde-toi ! J’ai l’impression d’observer une bombe à retardement. Vous pensez qu’elle va exploser quand ?

— Maintenant ?


L’intervention de Cole me surprend, je relève la tête vers lui et quand il me fait un clin d’œil, je comprends ce qu’il sous-entend par « maintenant ». Je n’ai d’ailleurs pas besoin de me retourner vers l’entrée pour sentir le courant d’air frais de cette fin de novembre qui s'engouffre dans le bar. Un frisson parcourt ma colonne vertébrale et j’ignore totalement si c’est dû au froid ou à la présence d’Ashley. Parce que c’est bien lui et ses compères qui viennent enfin de pénétrer dans l’établissement.


Bien, à présent, attendons de voir comment il accueille mon gentil cadeau. Un mélange de souvenir et de vengeance. Une maigre récompense quand je pense à mon cœur encore en mille morceaux. Merde, ça fait mal ! Dans l’attente, je retiens ma respiration, lâche ma boucle brune et avale un peu trop rapidement plusieurs gorgées de mon verre. Même boisson que ce cher Ashley. Un cocktail que je ne quitte plus depuis notre rencontre. Savant mélange de saveurs dont je me délecte.


— Oh putain, Cassis ! Tu as frappé fort ! hurle Eliott en me donnant un coup de pied sous la table.

— Attends, ce n’est pas fini. Le barman cherche le papier sur lequel tu as gribouillé toute à l’heure. Sérieux, qu’est-ce qu’il te prend de provoquer ce mec ? Tu n’en as pas eu assez la première fois ? Eh sœurette ?

— Cass ?


Mes mains tremblent. Un doute monte en moi. Cole a raison, pourquoi je m’amuse à le provoquer ? Pourquoi je m’obstine avec Noël ? En quoi, le fait qu’il déteste cette période me dérange autant ? Peut-être… En fait, je sais pourquoi. A cause de ce que représente véritablement les fêtes. Un message d’espoir, de magie, d'amour. Surtout de l’amour. Un sentiment, une attention dont Ash a été privé.


Mince… Mon cœur palpite, retrace les lignes de notre histoire pour me guider vers le lendemain de notre séparation. J’avais ce besoin vital de comprendre. Ash ne pouvait pas renoncer à nous, pas sans une bonne raison. Et j’ai très vite eu les réponses à mes questions. Le réveillon d’Ash s’est transformé en cauchemar cette année-là et il a pris la seule décision qu’il croyait être la bonne. Fuir. Couper tout lien avant qu’ils ne disparaissent noircis par ses ténèbres. Ces ombres qu’une seule personne a plantées et alimentées tout au long de son enfance, de son adolescent, et j’en suis certaine encore aujourd’hui au quotidien, sa mère.

Jeanne De Cœur.


Ironique non, comme le monde est mal fait parfois. Un peu comme la reine de cœur dans Alice aux pays des merveilles, si elle le pouvait cette femme couperait des têtes. A l’époque, c’est la mienne qu’elle a voulu arracher. Et dans un sens, elle y est parvenue, sa marionnette de fils m’ayant rayé du jour au lendemain de sa vie. M’effaçant sans me laisser une chance de le soutenir alors que tous autour de lui l’abandonnaient. Volontairement ou pas…

Cassie, reprends-toi !


J’essaie mais une larme m’échappe. Ses souvenirs sont douloureux, vibrant avec puissance dans ma mémoire. Du coin de l’œil, je capte les regards qu’échangent Cole et Léa. Au fond, ils s’en doutaient tous les deux, retrouver Ash alors que je ne l’ai jamais oublié aller ouvrir des brèches à peine refermées. Et tandis que les éclats de rire fusent de part et d’autre de mon corps, mon âme se recroqueville dans un coin. Elle est fatiguée, transie de froid et surtout elle se sent seule. Perdue, sans celui qu’elle attend depuis trop longtemps. Merde ! Je divague totalement…


— Cass ? m’interroge Léa.


Sauf que je ne réponds pas, je n’en ai pas le temps mes prunelles aimantées contre ma volonté vers celles perçantes de Crève-Cœur. Il balance la décoration de papier sur le barman, et alors qu’une seconde avant ses émeraudes étaient voilées d’un sentiment de colère, à présent j’y lis de la confusion et… de l’inquiétude ? Impossible. Et pourtant, comme si un fil nous attirait l’un vers l’autre, j’observe sans rien dire ses pieds s’avancer vers notre table.


Mais c’est sans compter sur Éric. D’une humeur de dingue, il saute sur mon meilleur ami, attirant l’attention de toute la tablée sur lui. Il hurle de rire accompagné par Eliott. Tandis que Cole les observe d’un air perplexe avant de lâcher prise et de les rejoindre. Super ! Je suis gâtée avec eux. Heureusement que je peux m’appuyer sur Léa. A moins que…


— Non mais je rêve ! Toi aussi ! Non, s’il te plaît, Léa, pas toi, soufflé-je en tirant sur son bras.

— Désolée poulette mais tu avoueras que l’air surpris et le visage renfrogné de ton Crève-cœur étaient à mourir de rire.

Oh non

— Crève-cœur ? Elle l’a appelé Crève-cœur ? Mais c’est génial ! s’égosille Éric en se redressant. Putain ! Il le sait ?

— Oui, il sait.


Mon intervention attire tous les visages vers moi et mes joues se teintent immédiatement de rouge. Elles me donnent chaud et si je le pouvais je me glisserais dans un trou de souris sans jamais plus en sortir. Au lieu de cela, Éric se redresse et fonce sur moi pour faire claquer un baiser sur ma pommette brûlante, tout en m’adressant un large sourire. Son air espiègle me dit sans détour : bien joué ! Mais n’est-ce vraiment qu’un jeu ?

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