Sandra MALMERA 24 jours, un chocolat 9. Sous le sapin 4/4

9. Sous le sapin 4/4

Non. Pourquoi ? Pourquoi utilise-t-il mon prénom ? Pourquoi se lève-t-il et amorce-t-il les cent pas ? Pourquoi d’un coup une tension presque palpable envahit chaque centimètre de mon corps ? Il n’a jamais utilisé mon prénom, pas une seule fois en deux ans. Alors je le sens au fond de moi, cette discussion est loin de celle à laquelle je m’attendais. Pourtant… Tout allait bien.


Mon corps tout entier est pris de tremblements, de secousses que je ne contrôle pas. Et sans que je ne sache comment, mes fesses atterrissent sur les lattes en bois de notre banc. Sous la peau de mes doigts, je gratte la peinture qui s’écaille. Nerveuse, j’enroule une mèche de mes longs cheveux bruns autour de l’index de ma main encore libre. Cette fois, c’est clair, je panique. Cherchant à occuper chacun de mes membres autant que je le peux.

Et alors que j’essaie de calmer mes mouvements, Ash prononce la sentence :

— On ne peut plus continuer.

— Quoi ?


Ma voix s’étrangle dans ma gorge. Elle s’écorche presque. Tu as mal entendu, Cassie, ça ne peut pas être vrai. Je m’arme de courage et dans un énième tremblement, je lève le menton vers son corps musclé. Ash est face à moi, les mains dans les poches, les épaules basses et surtout les yeux brillants. Comme si… Il a pleuré ? Pourquoi il semble si triste ? Qu’est-ce qu’il se passe ?


— Ash, tu vas bien ? tenté-je en me redressant et ramenant mes mains autour de son visage.

— Non. Merde, c’est trop dur ! Putain, Stella, est-ce que pour une fois tu pourrais garder ta lumière pour toi ? Crois-moi, cette étincelle dans ton océan, elle ne m’aide pas. Je… je ne peux pas continuer.

— Dis-moi ce qu’il y a ? S’il te plaît. Tu me fais peur.


Peur, oui.

Une terreur folle même de savoir ce qu’il a tant de mal à me dire. Dans un mouvement sec, il vient détacher mes paumes de son épiderme. Le froid qui m’engloutit à cet instant est immense, glacial. Jamais encore, il ne m’avait repoussé, jamais encore je n’avais lu autant de fêlures sur ses traits. A présent, j’ai besoin de savoir. Il le faut même si ses paroles me font mal, je dois les entendre.


Mais il se contente de marmonner, de mâcher ses mots. Il reprend même sa ronde de cent pas. Ses poings se crispent, s’ouvrent puis se referment jusqu’à ce que ses jointures rougies par le froid deviennent blanches. Et plus il devient nerveux, plus mes nerfs se tendent. Plus, je me demande ce qui a pu l’amener à cet état-là. Sa mère ? Aucun doute là-dessus mais… C’est plus profond. Tout m’apparaît comme dix fois plus intense que les fois précédentes.

Et je finis par perdre patience :

— Ashley ! Parle !

— Écoute, Cassie… On… On ne peut plus être ensemble. Nous deux, c’est… fini.


Il l’a dit. Mais alors pourquoi ses vibrations dans sa voix ? Mon âme me crie qu’il a tort, qu’il dit n’importe quoi. Que nous deux, c’est pour la vie. Que c’est une évidence, notre évidence. Comme la nuit et le jour, lui ténèbres moi lumière. Je suis son étoile, non ? Une lueur qui éloigne les ombres. Alors ce qu’il annonce n'a aucun sens. Encore moins le jour de Noël alors que nous avions prévu de passer la soirée ensemble, tous les deux. Au sous-sol que nous avons décoré en riant et en nous chamaillant, comme à notre habitude.


Alors pourquoi ce changement d’humeur si soudain ? Je ne comprends pas. Hier encore, il m’envoyé des gifs mignons de couples qui s’enlacent. Bien que… Quand j’y pense, je n’ai pas eu de ses nouvelles depuis le début du réveillon. Depuis la veille à dix-neuf heures. Juste avant qu’il n’ait pas d’autre choix que de rejoindre ses parents pour leur repas de fêtes à trois. Merde ! C’est ça ! Il y a eu une crise chez lui… le soir du réveillon. Le soir de son anniversaire !


— Qu’est-ce qu’elle t’a fait ?

— Ce n’est pas qu’elle.

— Alors explique-moi ! Mais ne crois-pas que je vais te laisser. Tu te souviens : je serais l’étoile qui éloigne tes ombres. Toujours.

— Merde ! Stella ! Tu ne comprends pas ! Personne ne peut m’arracher des ténèbres ! Personne ! Pas même une étoile aussi belle que toi ! Pas après hier soir. Je suis voué à l’enfer, Cassie ! Un putain d’enfer, sombre et ardent, un néant immense qui vient de m’engloutir tout entier… Alors laisse-moi. Non, ne m’approche pas ! Ne me touche pas ! Crois-moi, mes démons ne feraient que t’anéantir. Alors lâche-moi ! Bordel ! Crois-moi… Pars. Va-t’en tant qu’il en est encore temps ! Oublie-moi avant que je ne te brise autant que je le suis ! Casse-toi !


Il hurle de toutes ses forces. Ses paroles sont blessantes et en même temps, je le sens, c’est lui qu’il détruit avec ses mots. Ses tremblements ont disparu, son corps est figé dans une position rigide. Telle une statue, il ne bouge plus. Ses yeux sont embués de… De larmes ? Et même s’il me crie de partir, je le sais, il ne le veut pas. Sinon, pourquoi resterait-il debout, devant moi ? Ses émeraudes plantées dans mon océan sont suppliantes.

Il est perdu.

Alors…


— Pourquoi ? Pourquoi tu nous fais ça ? Ce n’est pas ce que tu souhaites. Je le sais. Je le vois. Ashley ! S’il te plait… Ne fais pas ça.

— Parce que. Merde ! Je. Merde, Cass ! Je ne t’aime pas. Tu ne représentes rien pour moi. RIEN ! C’est plus clair dit de cette façon ! JE. NE. T’AIME. PAS. »


— Connard, grogné-je entre mes dents. Souvenirs merdiques.

Après cette douche froide, il m’a tourné le dos et est parti sans se retourner. Sans même un regard. Mais moi, je les ai vu, les larmes qui roulaient sur ses joues. Cette pluie de tristesse qui faisait écho à la mienne. Pendant que mon cœur, lui, éclatait en mille éclats. S’éparpillant et se transformant en poussière d’étoiles. Une étoile tombée du ciel. Sans lumière. Mince, non… Pas maintenant !


D’une main rageuse, je viens essuyer le chemin humide qui se dessine sur ma pommette. Tu vois Cassie, il t’avait pourtant prévenu. Mais non, je n’ai rien voulu savoir et il a utilisé les mots, ses seules phrases qui pouvaient me faire sombrer. Merde ! Et dire que Cole et Eliott ont appelé Léa à la rescousse… Je suis foutue. Surtout si mon cœur s’amuse à se recoller et à exploser à nouveau la seconde qui suit.


— Petite sirène ? Tout va bien ?

— Éric ! Non. Oui. Je veux dire, ça va, surprise j’enchaîne les mots de manière saccadée.

— Alors c’est vrai, hein ? Tu es Stella ?

— Oh, je vois. Oui. Mais je ne suis plus cette fille. Je veux juste… qu’il laisse entrer Noël.

— Ouais, c’est ça. Tu crois aux miracles. Il n’a peut-être pas tort au fond. Tu sais, j’ignore si c’est une bonne idée mais… tu devrais savoir qu’il ne t’a jamais oublié. Quand il parle de toi, c’est toujours avec nostalgie. Il…


Éric n’a pas le temps de terminé sa phrase. Nous sommes interrompus par la sonnerie du téléphone. Et la porte de verre du bureau d’Ash qui s’ouvre sur ce fait. Il nous observe, nous analyse puis fronce les sourcils quand il remarque la mèche enroulée autour de mon index. Il se racle la gorge, Éric lui emboite le pas tout en me lançant un clin d’œil. Le message est clair, j’ai un allié de plus dans cette entreprise.


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