Fyctia
8. Un cadeau 4/4
Cette fois, il aurait pu s’abstenir. Mais non, il hoche le menton comme pour me signifier que j’ai compris sa métaphore. Ma queue ne frétille pas ! Elle gonfle à chaque fois que la belle Cassie est trop proche de mon corps, que nos peaux se touchent, que nos yeux se croisent. Et je palpite d’excitation à chaque confrontation, chaque interpellation, chaque provocation de sa part. D’ailleurs, celle-ci ne déroge pas à la règle.
Mes nerfs sont tendus, mes poings serrés et tout ce que Stella trouve à faire, c’est de se ramener dans mon bureau, accompagnée de ce cher monsieur Fabre. Génial ! Il va me tenir la grappe. Ou peut-être que je peux m’en décharger en laissant Éric s’en occuper. Après tout, c’est lui qui tient le dossier entre ses mains. Un sourire malicieux s’installe alors sur mes lèvres. Et un raclement de gorge de mon Gaffeur préféré m’indique qu’il a compris le message.
Par contre ce que je n’avais pas prévu, c’est que Cassie repartirait aussi sec. Elle a lâché le client et s’est enfuie à sa place illico. Bien que cette fois, elle soit en bonne compagnie. Je les observe un instant, elle et Vince. Ils me semblent complices, presque chaleureux. Trop proches. D’une main compatissante Vince vient taper sur l’épaule de mon assistante, tout en énonçant une phrase que je ne perçois pas. Merde ! C’est quoi ça ?
Vite ! Ash trouve une échappatoire, sort de ce bureau !
— Monsieur Fabre, ravi de vous revoir.
— Moi de même. Je suis désolé de débarquer à l’improviste mais je voulais, si c’est possible m’entretenir avec votre comptable pour faire le point sur les dernières modifications de notre projet. Le budget devant être fixé pour la banque, je préfère faire le déplacement en personne. De plus, j’avais très envie de découvrir les locaux de votre fabuleuse entreprise. Pour un jeune directeur, vous semblez tenir les lieux d’une main de fer. Et je tenais absolument à vous en féliciter.
Le monologue de mon client se poursuit ainsi pendant près de deux minutes. J’avais oublié à quel point il est simple pour un commercial de remplir le vide. Si mes nerfs étaient déjà à rude épreuve à présent, ils sont prêts à céder. Mon regard s’éloigne derrière le corps grossier de ce personnage et se focalise sur le visage clair de Cassie, qui est maintenant seule. Ouf… Mon soulagement doit se lire sur mes traits puisqu’Éric profite de mon soupir pour prendre le relais avec le client.
— Ça tombe bien ! Je suis le comptable. Alors si vous le voulez bien, nous allons descendre de quelques étages et faire le point sur votre projet autour d’un café. Dans une ambiance plus douce que ce bureau de verre, conclut mon ami en me faisant un clin d’œil.
Il ne laisse d’ailleurs pas le temps à notre client de lui répondre que déjà, il le pousse vers l’extérieur, une main au milieu du dos. Merci, mon pote ! Faut le dire quand c’est nécessaire, je ne ferais rien sans eux, Vince est le plus responsable, mais Éric est celui qui me surprendra toujours. A cause de ses farces mais aussi de part son côté serviable. Et sur ce coup, il me sauve la mise. Les poings toujours serrés, j’examine la femme qui d’un air sérieux est concentrée sur son écran.
Elle me cherche, me hurle dessus, m’ignore et quoi encore ?
— Je lui ai brisé le cœur, arrachant le mien au passage. Alors… qu’est-ce qu’elle fait ici ? me murmuré-je l’air perplexe.
Mais avant que je ne me décide à bouger, Cassie capte mon attention sur elle. Elle fronce d’abord les sourcils, puis d’un mouvement d’épaule, elle semble tomber le masque. Sa lumière m’éclaire alors qu’un sourire sincère s’incruste sur son visage. Elle se lève de son fauteuil. S’avance de trois pas pour s’en dégager et sous mon regard sceptique, elle amorce un geste inattendu.
Le volant de sa robe se soulève sous le coup de sa ronde. Sa chevelure brune rebondit à mesure qu’elle tourne sur elle-même les bras écartés. Elle m’offre un spectacle enfantin qui sans que je ne le souhaite me tire un rire grave. Un son que j’avais oublié. Puis, alors qu’elle vacille légèrement, elle arrête sa danse d’enfant pour plonger son océan dans mes émeraudes. Des paillettes flottent dans ses yeux, et l’instant suivant, elle termine sa prestation d’une révérence formelle.
Elle veut ma mort, j’en suis certain.
Cette femme aura ma peau !
Surprise par le rire qui m’échappe encore, Cassie se précipite sur son fauteuil. Le ruban autour de sa taille flotte et attire mon attention. Merde alors ! Cette robe est une jolie merveille de couture. Un cache-cœur dont il suffit de défaire le nœud pour découvrir ce qu’il cache. Un fil d’or qui ici, m’appelle, me hurle de venir l’attraper pour mieux en révéler le chocolat succulant qui s’y planque.
Plus que deux jours et je pourrais goûter à ce chocolat. Mais, le pourrais-je vraiment ? Qu'elle soit qui elle est, change-t-il quoique ce soit ? Si elle me veut, je suis prêt à lui offrir mon corps. En tout cas, le mien ne demande que ça, se délecter de cette chaleur sucrée qui est la sienne. Cette douceur qui je m’en rends compte m’a manqué. Et ce n’est pas le mot gravé sur ma poitrine qui en dira le contraire.
Pris d’une pulsion, je me décide à sortir de ma cachette de verre. D’un pas certain, je fonce sur elle. Il ne me faut d’ailleurs pas longtemps pour atteindre le dos de son fauteuil. Mon désir est ardent et plus elle me provoque, comme à l’instant, plus elle attise mon envie de la redécouvrir. Comme avant… Si elle veut jouer, nous allons le faire mais selon mes règles. C’est d’ailleurs avec un rictus mesquin que je la surprends en tournant son siège vers moi.
Mes bras se tendent et se posent de part et d’autre de son corps. Mon torse est penché sur elle, et mon visage vient se placer à deux centimètres du sien. Sa respiration se coupe quand mon souffle atteint le bout de son nez. Et d’un geste presque naturel, ma langue sort de ma bouche pour venir lécher la douceur de son épiderme. Juste là, sur ce nez fin et mignon. Cassie en sursaute, percutant de son front le mien.
— Merde ! Cassie ! Tu ne peux pas faire attention ! crié-je en me redressant et me frottant le haut du visage.
— Quoi ? Non mais tu te prends pour qui ? Tu trouves ça normal, toi, de lécher la face des gens? Tu es quoi ? Un chien ! Non, mieux, un chiot en manque d’affection qui se frotte contre sa maîtresse. Ouais ! Ça te correspond plutôt bien, non ? Qu’est-ce qu’Arnaud disait toujours ? Attends que je m’en rappelle… Ah oui ! La fifille à sa maman aurait-elle besoin d’un peu d'attention ?
Cette fois, il n’y a plus aucune lumière entre nous, juste une allumette qui vient d’allumer l’explosif que Cassie gardait encore caché dans sa manche. Une putain d’explosion même ! Mon humeur passant ainsi de la naïveté à la fureur. De la colère de l’enfant torturé, à la tristesse de l’adolescent quand il a dû faire des choix et surtout à cette sensation de vide de cet homme que je suis. Cet homme qui cherche depuis ce jour fatidique à recoller les morceaux d’un cœur qui n’a que trop peu connu l’amour.
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