Sandra MALMERA 24 jours, un chocolat 7. Juste une boule 3/4

7. Juste une boule 3/4

Ma voix ne poursuit pas ma question sentant la mâchoire de la rebelle sous mes doigts se crisper. Du coin de l’œil alors que mon attention reste concentrée sur l’arrière de son oreille, je remarque son regard suspect sur moi. Elle semble prendre conscience que mon esprit s’échappe loin d’ici. Dans un souvenir sombre et surtout plein de colère. Le matin s’efface pour laisser place au soir, mes seize ans s’installant avec violence dans mon cerveau.


« Cette femme a recommencé ! Non mais sérieux, j’ai suivi toutes ses directives. Depuis toujours, je fais tout ce qu’elle veut, passant des cours d’étiquette aux leçons de piano. Et quoi ? Il faudrait en plus que je lâche le dessin ? Le dessin ! Merde ! Ce sont les seuls cours que j’apprécie et cette vieille vipère voudrait que j’arrête ? Pourquoi ? En fait, je sais. Jeanne De Cœur ne supporte pas que mon père porte de l’intérêt à sa marionnette.


Je rage, grogne et marmonne alors que Vince, mon cher ami m’offre une bouteille de bière. Bravo la jeunesse ! Mon échappatoire en cette fin de semaine, mes quartiers libres à la maison. Et surtout les soirées que mes parents m’autorisent à organiser. Pourquoi ? Selon eux, même les gens aisés ont le droit à un peu de folies. Ma génitrice, elle, pense simplement que c’est un bon défouloir. Tout ce qui se passe au sous-sol reste au sous-sol. Drôle de manière de voir les choses.


D’ailleurs, elle ne comprend pas mon amitié avec Vince, le garçon qui vit deux rues plus loin dans une barraque qui fait la moitié de la taille de la nôtre. Moi, je m’en contrefous d’où il vient ! Nous deux, c’était une évidence. Une amitié née comme on dit. Mais là ce soir, même lui ne pourra rien changer à ma mauvaise humeur.

Bordel ! Elle m’a sorti ça comment déjà ?


— Au placard les gribouillages, Ashley. Tes feutres, tes crayons, tes peintures, tout aura disparu demain, Ashley. J’ai chargé Malory de monter ton bazar au grenier, Ashley. Ashley, Ashley, Ashley ! Putain de bordel de cul ! Elle ne peut pas me lâcher les couilles pour une fois ?

— La vipère a craché son venin, comprend Vince en fixant son regard sur moi.


Mais merde ! Oui ! Et pire encore, je me sens étranglé sous ses ordres. Un vrai pantin de cire ! Une putain de poupée qu’elle modèle selon ses envies. Et ce prénom ! Elle le répète encore et encore, à tort et à travers alors qu’elle sait que je le déteste. Je ne le supporte pas, et surtout pas quand elle le prononce sous un ton de dédain absolu. Un serpent froid et vicieux. Et purée, pourquoi je porte encore ce foutu nœud papillon ?


J’attrape ce machin tout miteux et tire dessus jusqu’à ce qu’il se dégage de mon cou. Merde ! J’ai besoin de boire, d’évacuer la pression. Mes poings se serrent autour du tissu avant de le jeter à travers la pièce. Des gens dont j’ignore le nom l’évite avant qu’il ne s’écrase sur le sol. Piétinez-moi ça les gars ! Je ricane, rejoins très vite par Vince qui me pousse vers le canapé au milieu de la salle.


Une fois assieds, toujours sur les nerfs, ma jambe bat sur un rythme effréné alors que j’observe les va-et-vient des adolescents du quartier. Super, Stella n’est pas là. Au moins une qui évitera les dégâts. Sentant que je perds pieds, Vince cogne dans ma bouteille pour m’aider à me reconnecter à la réalité. Un sourire en coin m’indique qu’il compatit mais je m’en balance, j’aimerais juste pouvoir pour une fois couper mes fils et partir.


— C’est quoi ? La journée avec ton père qui l’a contrarié ? Ou le fait que Stella occupe ta chambre et le sous-sol aussi souvent qu’elle le veut, sous son nez ? Tu te rebelles surement trop au goût de Madame.

— Ne te fous pas de moi, Vince. Bordel ! Fini les arts pour moi. Ma mère pense qu’ils m’attendrissent et que c’est pour cette raison que Stella est encore là. Mais merde ! Elle le fait exprès de me pourrir la vie ! C’est de ma faute à moi, si j’ai une bite ? mon ton monte crescendo au-fur-et-à-mesure que j’explique ma situation à mon meilleur ami.


Il n’a pas encore rencontré Stella. Pas en face à face et pourtant il a déjà saisie ce qu’elle représente. Une vraie lumière au milieu de mon brouillard quotidien. Même Malory, ma nourrice de toujours, a ouvert grand les bras pour mon étoile. Alors pourquoi je me sens aussi merdique ? Pourquoi ma génitrice s’amuse-t-elle ainsi avec ma vie ? Ressassant encore les paroles de ma mère, mes doigts blanchissent autour de ma bouteille.


Une gorgée plus tard, je ferme les yeux et souffle un bon coup. Mais alors que ça aurait dû m’apaiser un minimum, ça ne fait qu’accentuer ma rage. Je bous de l’intérieur ! Ma jambe frappe toujours le sol dans un rythme cadencé et la main que Vince pose sur mon épaule me hérisse les poils. Une sensation d’impuissance m’englobe de part en part. Mon regard se braque sur lui d’un air menaçant le faisant levait les mains vers le ciel pour me prouver qu’il est de mon côté.


Mais c’était sans compter sur… Arnaud ! Ce petit con de fils de bourge qui vit en face. Un monsieur PARFAIT que ma chère MAMAN rêverait d’avoir pour fils, faute de pouvoir en faire son gendre. Il ne manquait plus que lui et son éternel costume taillé sur mesure. Putain, mais on a seize ans, mec ! Et je le sais, même avec ce truc tiré à quatre épingles, ce type adore faire la fête. Un avantage pour moi en tant normal, mais pas aujourd’hui. Surtout quand il affiche ce fichu air satisfait sur sa face.


— J’ai entendu dire que tu arrêtes le dessin, fillette ! Quoi ? La petite fille à sa maman n’est pas contente ?

— Ferme-là, Arnaud ! grogné-je entre mes dents.

— Oh non, ma pauvre chérie, je n’en ai pas l’intention. C’est trop beau pour être vrai ! La petite marionnette qui exécute les ordres. Toujours sans rien dire, hein ? Tu râles mais tu n’agis pas beaucoup. Elle est au courant la petite brunette qui t’accompagne ses derniers temps ? Attends, attends, ne me dis rien. Oh putain ! Pire qu’une poule mouillée ! Elle ne sait rien ! Elle ne t’a encore jamais vu après une discussion avec ta petite mamounette ! Elle est là ? Comment tu l’appelles déjà, laisse-moi réfléchir… Stella ? Oui, c’est ça ! STELLA ! Youhou, tu es là ? Non ? Eh l’étoile, tu es tombée du ciel, c’est bon ? Amène ton joli petit cul par…


Le long monologue d’Arnaud n’a pas le temps de s’achever. Ma bouteille sur la table basse, mes mains à présent autour du cou de ce connard. Putain, mais c’est qu’il me cherche ce bâtard ! Ses dents blanches s’offrent à moi dans un sourire satisfait. Non mais je rêve, c’est qu’il apprécie le spectacle en plus ! Je le secoue, sauf que je n’ai pas le temps de faire un geste de plus. Impossible alors que son poing fonce et rebondit contre ma pommette.

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