Sandra MALMERA 24 jours, un chocolat 4. Un soupçon 1/4

4. Un soupçon 1/4

Mardi 27 novembreCASSIE


Plantée droite comme un piquet alors que l’ascenseur poursuit sa montée, je me sens nerveuse. Quelle idée, j’ai eu. Vraiment, je ne sais pas encore dans quoi je m’embarque, ni même si c’est une bonne chose. D’après Cole, je vais trop loin, alors que du point de vue d’Eliott, c’est l’entourloupe parfaite. Mais maintenant que je suis là, presque arrivée à l’étage qui m’accueille, je crains le pire.

Pourtant quand on en a discuté hier soir au départ d’Ash et son groupe, cette folie m’a semblé être la meilleure des solutions pour introduire Noël incognito. Enfin… Merde ! El ne rigole pas quand il dit qu’il a ce qui convient pour ce genre d’action ridicule. Me voilà donc ornée d’un magnifique pull en laine. Un haut avec lequel rien ne va. Un vêtement que j’ai retiré deux fois avant d’oser le garder sur moi.


Le fameux : PULL de NOËL !

Ridicule, grotesque et le clou du spectacle… MUSICAL !

J’ai honte et en même temps quand je repense à ma réaction en le voyant, je me marre seule. Les autres passagers de l’ascenseur me jetant des regards accusateurs qui en disent suffisamment pour faire paniquer mon cœur. Dans quoi je mets les pieds ? Au début, je devais juste me faire discrète. Avec le temps, je me serais habituée à la présence de Crève-Cœur. Mais non, il faut en plus que je m’amuse à le provoquer.

En beauté, certes.

Avec un fabuleux renne au nez rouge. Pompon en laine qui lorsqu’on lui presse dessus lance une douce et force mélodie sous le son des clochettes. Mais Rodolf en plus de chanter Vive le vent, claironne pas moins de CINQ chansons différentes, de quoi en ravir plus d’un et en énerver bien d’autres. Eliott a frappé fort avec ce haut, et je suis heureuse qu’il me l’ait donné aujourd’hui. Hors de question que je porte ce machin le soir de Noël !


— Tu casses ma blague, Cassis ! m’a-t-il hurlé alors que je cherchais un moyen subtil d’introduire les fêtes dans l’entreprise.


Je le connais, il trouvera un autre cadeau. En espérant qu’il ait une meilleure idée que celle-ci. Même si je dois me préparer au pire. C’est le doux privilège d’El que de faire les cadeaux les plus farfelus qu’on puisse trouver. Sa blague annuelle, et bien entendu, c’est moi qui en fait les frais. Merci ! Le tintement de l’ascenseur me ramène à l’instant présent. Huit heures moins cinq, j’ai encore quelques minutes avant le début de cette journée.

Respire.


Après tout, qu’est-ce que je risque ? Des cris ? Un avertissement ? Pourquoi ? Un vulgaire pull ? Non, je ne pense pas. Ash n’est pas de ce genre-là. OK, il hait les fêtes. Mais pas au point de sanctionner ses employés pour avoir amener un peu de gaieté entre ses murs. Un frisson me prend quand j’observe les murs nus et froids de cette espace de travail qui est maintenant le mien.


— L’horreur… grogné-je entre mes dents.


Puis baissant la tête, je fonce droit sur mon bureau. Deux dossiers m’y attendent déjà accompagnés d’un post-it. Je prends le temps de déposer mon écharpe sur mon fauteuil, d’allumer l’ordinateur, répondre au premier appel de la journée. C’est le groupe de marketing qui demande si la réunion de cette après-midi est toujours inscrite sur le planning. Évidemment ! Mais j’avais oublié un détail…


— Oui, le graphiste sera là. Non, il ne va pas discuter vos décisions. Sa présence est requise pour la validation des visuels. Oui. Bon. A cette après-midi. Bien. Je passe le message.


Mince ! Je ne m’attendais pas à autant de tension dès le matin. Sérieux, je pensais que les querelles entre le marketing et le design étaient une légende mais apparemment, je me trompais. Il y a de l’électricité dans l’air, rien qu’avec un coup de téléphone. Je n’aimerais pas être à la place d’Ash quand les deux équipes sont réunies dans la même pièce. Le post-it ? Il dit quoi déjà ? Je ne l’ai pas lu tout de suite, et bien sûr c’était le plus important.


« Apportez-moi le dossier FABRE en arrivant.

Il y a eu une erreur dans la facturation.

C’est URGENT ! »


Crotte ! Le dossier Fabre ? Il est où ? Les F, je les ai classés hier en plus. Fuchsia ! Je me retourne, fouille à toute vitesse dans les papiers rose fluo avant de trouver le bon. La chemise contient un grand nombre de feuilles déjà. Assemblées parfois par un trombone. Mais c’est celui-ci. En haut à gauche, je retrouve le nom du client et satisfaite de mon rangement efficace, je hoche la tête avant de quitter mon bureau pour foncer vers celui de mon chef.


Je toque, une fois, deux fois. Aucune réponse, pourtant je le vois. Il est concentré sur son écran. Il a toujours ce toc que je lui connais. Celui de mordre et tirer sur la peau de sa lèvre inférieure quand un élément le contrarie ou qu’il n’y trouve pas la solution. Quand il est perdu dans ses réflexions comme maintenant, il n’entend rien ni personne. A moins d’attirer son attention avec…


— Merde ! Merde ! Merde ! Non, chut ! Mais tais-toi à la fin…

— Mademoiselle Bellarke ?


Trop tard… Sa voix est tranchante, glacial. Et son regard. Il fait froid dans le dos. Ses yeux me parcourent. Il examine avec une moue dégoûtée mon haut, le gros nez rouge qui en dépasse, planté au centre de mes seins. Et finit son chemin sur mon visage gêné de la situation. Belle entrée, Cassie ! En profitant de sa concentration, je me suis penchée en avant, m’appuyant sur sa porte et activant sans le vouloir le chant du renne. Merci, petit papa Noël pour ton intervention, je suis ravie.


M’agitant d’un pied sur l’autre, je pousse la porte déjà entrouverte et m’avance vers le bureau de Crève-Cœur. Super… Il est furieux. Et plus je m’approche de lui, plus j’ai l’impression de voir de la fumée sortir de ses narines. Il croise les bras sur sa poitrine et lâche un grondement sonore quand je lui tends enfin le dossier qu’il m’a demandé. Je suis prête à passer à la casserole… Je vais pouvoir dire adieu à mes chances de survie.

Super idée ! Merci El !


— Qu’est-ce que c’est que ça ? m’interroge Ash d’un air renfrogné.

— Le dossier Fabre que vous m’avez demandé.


J’essaie la carte de l’innocence. Parfois, elle fonctionne. En l’occurrence, ce n’est pas le cas. Loin de là ! Il claque ses mains sur le dessus de son bureau. Le bois craque sous son geste. Mon sursaut, et le pas de recul que j’effectue agissent comme un électrochoc sur mon chef. Il souffle, soupire, se passe la main dans les cheveux avant de les tirer en arrière. Contrarié. Moi aussi, alors ça tombe bien.


— Je vous parlais de cette chose ridicule.

— Quoi ? Ça ?


En lui posant la question, j’ose dans une pulsion suicidaire presser de mon plein gré sur le pompon carmin. Le renne ne tarde pas à produire le célèbre : ho ho ho ! Son qui me tire un rire moqueur au moment où je hausse les épaules et lève les mains dans un geste qui se veut presque fataliste. C’est la période après tout. Alors autant en profiter au maximum. Puis, le ridicule ne tue pas. Si ?


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12 commentaires

Luna_Dagird

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Il y a 4 ans

Désolée, fallait que je rajoute un autre commentaire pour que ça fasse 10. Sinon j'adore ton histoire et je suis tellement impatiente de lire la suite ! La bise !

Sandra MALMERA

-

Il y a 4 ans

Et moi, j'adore tes commentaires. Ils sont géniaux. :)
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