Fyctia
3. Un plan 4/4
Ce que je ne lui dis pas, c’est que peu importe ce que je faisais, la vie me ramener toujours dans les bras de mecs dans son genre. Des gars sans remords, sans la moindre honte à lâcher une fille au bout de deux semaines, ou encore à coucher sans lendemain, dire des « je t’aime » et t’abandonner sans un mot, sans une explication. Détestable. Et en même temps, aucun d’eux n’auraient eu sa chance. Pas avec un cœur en mille morceaux.
— Cassis ?
— Tout va bien, El. Par contre, il y a un souci énorme là-bas. En plus de sa présence. Ou plutôt en moins.
Je glousse toute seule, mes amis ne comprenant pas de quoi il en retourne. Clairement, je fais peine à voir, sinon Eliott ne poserait pas sa main sur ma jambe, caché du regard des autres. Merde… Le retour d’Ash me ferait-il plus d’effets que ce que je n’aurais cru ? Serrant mes doigts autour de ceux de mon meilleur ami, je me sens rassurée, comme protégée par le halo de lumière qu’il dégage. Audrey et Sandy tentent depuis mon rire involontaire de me tirer les vers du nez, et elles y parviennent enfin.
— C’est le vide intersidéral au bureau. Passée les portes de l’ascenseur, on se retrouve dans un espace blanc et froid. Il n’y aucune chaleur, aucune magie. Tout est trop calme. Pas de père-noël chanteur, pas de musique d’ambiance, ni même une petite boule de Noël ou un bonnet rouge. Attendez, il n’y a pas un seul « joyeuses fêtes ». Rien ! C’est tellement…
— L’horreur !
— J’allais dire : triste. Mais oui, l’horreur est aussi un bon moyen de décrire le lieu.
Mes amis s’offusquent, s’énervent cherchant à comprendre comment une entreprise qui plus est de communication et spécialisée dans la publicité peut se permettre un tel manquement vis-à-vis des fêtes. Mais moi, je reste persuadée que la faute revient à Crève-Cœur. J’en suis presque sûre. Surtout quand je repense à sa réaction quand je lui ai demandé comment cela se faisait qu’aucune décoration n’était présente à notre étage. Et très rare aux autres.
Sa réponse : elles n’ont pas leur place ici.
Où alors ? Dehors dans les rues ? Dans les magasins ? Les vitrines ? Les marchés ? Chez nous ? Oui ! Carrément alors pourquoi nous empêcher de rêver encore un peu au travail ? Nous aurions toujours les mêmes projets, les mêmes contraintes par rapport à nos dates de rendus, nos clients et leurs attentes. Mais non ! Il faut que nous restions dans un vide glacial. A moins que… Peut-être pourrais-je apporter ma petite touche à mon espace personnel.
En quoi, une guirlande et quelques lumières pourraient être préjudiciable ?
— Cass, il en pense quoi ton chef de ça ?
— Lui ? crié-je en pointant Ash du doigt. Il semble qu’il a problème sérieux avec Noël. Ou alors il se prend trop au sérieux. Après tout, il est jeune pour occuper la place qu’il a. c’est surement un moyen pour lui d’assurer sa position.
Peut-être.
Quoique… Je me demande si la vipère ne serait pas derrière tout ça. Surtout quand on sait ce qui est arrivé à son père. Cassie, tu divagues encore. Ashley a clairement un souci avec les fêtes. D’ailleurs, au moment où je me fais cette réflexion, je vois son expression de dégoût quand une femme pulpeuse débarque à leur table et lui enfonce un serre-tête à oreilles de rennes sur le crâne. Deux secondes. C’est le temps qu’il lui faut pour arracher l’objet de sa tête. Deux secondes de plus lui suffisent à hurler sur la jeune femme.
— Lâche-moi avec ces conneries de merde ! Je t’ai déjà dit de ne pas me faire chier avec Noël !
Quel langage ! Loin de celui avec lequel je l’ai connu. Des souvenirs ternis par cet épisode. Une scène flashe dans ma tête pour s’effacer aussitôt. Sauvée ! Je ne veux pas revivre ça ce soir, pas maintenant alors que mes amis m’entourent. Reprends-toi. Cole place son bras dans mon dos tandis qu’Eliott serre d’une douce pression ma cuisse. Qu’est-ce que je ferais sans ces deux-là ? Rien. Sans eux, je n’aurais pas su remonter la pente. Mes deux colocataires sourient, et hochent la tête d’un air entendu.
— Tu devrais faire ta Cassis.
Quoi ?
Je n’ai pas le temps de poser la question au sous-entendu de mon frère qu’une voix grave me surprend. Je sursaute faisant rire mes amis qui eux ne se privent pas de m’examiner. Décidément cette soirée ne se finira jamais. Entre les regards en biais, les clins d’œil, et les airs compatissants, je ne vais pas m’en sortir indemne. Surtout quand l’objet de nos conversations se lève, enfile sa veste et suivis de ses deux compères, le troisième retournant derrière son comptoir, s’apprête à sortir du bar.
Plus que deux pas et sa présence ne fera plus palpiter mon cœur à des rythmes aléatoires. Seulement une minute, puis nous pourrons conclure nous aussi notre soirée et rentrer à l’appartement. Mais ce que je capte me laisse sans voix. Son ton est rauque, plus grave que dans mon souvenir. Bien que je l’aie déjà entendu aujourd’hui, la vibration de ses mots me percutent. Et ce qui me chamboule, c’est la discussion qui plane à côté de notre table quand ils ouvrent la porte pour la franchir.
— Ash, tu pourrais être plus aimable avec Anna. Elle a voulu être gentille. Te mettre dans l’ambiance du mois à venir. Je sais que le vingt-quatre se rapproche à grands pas et que tu ne supportes pas cette date. Mais… ce jour-là est aussi ton anniversaire, ne l’oublie pas.
— Je n’oublie rien. Justement. Puis merde, Éric, fiches-moi la paix !
— Non, mec. Ça fait quoi ? Onze ans ? Lâche prise, profite de la magie de Noël. Tu pourrais passer les fêtes avec tes amis, ta famille…
Ash ne laisse pas son ami terminé sa phrase. D’ailleurs, quand ce dernier a prononcé ces derniers mots, les poings de Crève-Cœur se sont serrés. Fermés avec une telle pression que ses jointures en sont blanches. Un râle sourd sort de sa gorge alors qu’il attrape le dénommé Éric par le col de sa chemise. Merde… On est où là ? Alors que j’amorce un mouvement deux mains fermes me maintiennent en place. Eliott chuchote à mon oreille me conseillant de rester à ma place.
Ce n’est pas mon combat.
— Quelle famille ? Putain, Éric ! Je hais ces fêtes de merde ! Je hais cette ambiance, ces chants ridicules, ces marchés, ces sourires idiots figés sur le visage des gens ! Je les hais ! Noël n’a rien de joyeux ! Il est froid et solitaire ! Merde…
Sa voix se casse et se finit sur un murmure. Puis sans un mot de plus ni un regard, Ashley relâche son ami et passe la porte. Seul son dos se grave dans ma mémoire, ce dos qui hante encore mes cauchemars parfois la nuit. Sauf que ce soir, je remarque un détail auquel je n’avais encore jamais prêté attention. Il est voûté, les épaules archées et la tête baissée vers ses pieds. Vulnérable.
C’est décidé…
— Je vais tout faire pour qu’il aime à nouveau Noël !
22 commentaires
kleo
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Il y a 4 ans
Sandra MALMERA
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Il y a 4 ans
Aby Mery
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Il y a 4 ans
Sandra MALMERA
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Il y a 4 ans
Azalyne Margot (miss Ninn)
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Il y a 4 ans
Sandra MALMERA
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Il y a 4 ans