Fyctia
Chapitre 15
Jared
Une musique assourdissante emplit l’habitacle. Elle me dit quelque chose, mais je n’arrive pas à me rappeler. Pourtant, je sais que c’est important. Qu’elle est spéciale. Derrière le volant, je jette un coup d’œil dans le rétro. Deux personnes installées à l’arrière chantent à tue-tête et je les accompagne. On rit. On profite de l’instant. Qui sont-ils ?
Soudain, je suis aveuglé. Des phares m’éblouissent, un choc violent, un bruit de tôle froissée. La mélodie s’arrête brusquement et le silence la remplace. Le froid, puis le néant. Tout est si sombre tout à coup.
Je me redresse en sursaut, la respiration hachée et observe autour de moi, paniqué. Qu’est-ce que c’était ?
Dorénavant, chaque fois que je me retrouve dans cet état de veille, les mêmes images surgissent. Plus ça va, plus le film va loin. Seulement, je ne comprends pas. D’où est-ce que ça sort ? Est-ce que ma mémoire revient ? Est-ce qu’il s’agit de cet événement traumatisant qui reste bloqué dans les tréfonds de mon esprit ?
Juste après ce genre d’épisode, je ressens une douleur. Ma cage thoracique se consume, mes poumons peinent à trouver de l’air et mon cerveau, lui, livre bataille. Trempé de sueur, je baisse les yeux sur mes doigts crispés sur le drap.
Au même moment, mon radio-réveil, décide de hurler dans la pièce et la voix du chroniqueur résonne.
« Il y a trois mois maintenant, trois jeunes étudiants nous quittaient dans un dramatique accident. Aujourd’hui, nous avons une pensée toute particulière pour leur famille ainsi que pour leurs camarades qui ont organisé… »
J’abats mon poing sur le bouton destiné à éteindre cet engin de malheur. Pourquoi est-ce que je m’obstine à l'enclencher chaque soir alors que je ne dors pas et que sans comprendre pourquoi, j’ouvre les yeux constamment à la même heure ? Comme si j’étais programmé pour le faire.
Une fois sur mes pieds, comme tous les matins, j’entrouvre mes stores pour laisser filtrer la lumière du jour et jette un œil à la fenêtre de Marley. Ses rideaux sont tirés, signe qu’elle dort toujours. Encore une fois, elle va être en retard et sortir en trombe de chez elle pour démarrer sa caisse tout aussi vite. À croire que son horloge biologique, contrairement à la mienne, l’a laissé tomber.
L’abruti que je suis, sourit en pensant à elle et à cet endroit qu’elle partage avec moi depuis maintenant une semaine. Dès qu’on peut se faire la malle en douce, je l’attends en bas de chez elle. Elle saute du rebord de sa fenêtre et on s’enfuit main dans la main comme les deux ados insouciants que nous sommes. Une habitude. Une routine qui me fait du bien. Je crois qu’à elle aussi. Je ne l’avais jamais vu autant sourire que ces derniers jours. Ça me va.
Le pas trainant, je passe une main sur mon visage et file dans la salle de bain attenante. Mon boxer atterrit dans la panière de linge sale et je me faufile sous le jet de la douche. L’eau froide dévale le long de mon corps et, comme souvent, ça me permet de me recentrer sur le présent. De mettre de côté ce qui me hante. Les minutes s'écoulent, je sors de la cabine et attrape une serviette que j’enroule autour de ma taille.
De retour dans ma chambre, j’enfile des fringues propres, descends les escaliers. Dans la cuisine, mon petit déjeuner m’attend sur l’îlot central et Madie, la femme qui m’accueille chez elle, se serre une tasse de café. Lorsqu’elle se tourne vers moi, elle m’adresse le même sourire que tous les matins.
— Bonjour, Jared, comment tu te sens ?
Tous les jours, sans exception, elle me pose la même question. Comme si j’étais malade. Je sais que ce n’est pas méchant, qu’elle cherche simplement à savoir comment je vais et si mes souvenirs reviennent. Seulement, lorsqu’elle fait ça, je me sens différent. Ce n’est pas ce dont j’ai besoin. J’ai besoin de me sentir normal.
Le regard rivé sur le bacon et les œufs disposés sur mon assiette, je me pose sur le tabouret haut et hausse les épaules.
— Ça va.
Ma fourchette à la main, je lève les yeux sur elle et je sais déjà ce qu’elle va me demander ensuite.
— Bien dormi ?
J’acquiesce. Un bref mouvement de tête qui lui arrache une moue inquiète. J’aimerais lui confier que je n’ai pas la sensation de vraiment dormir, que des images me hantent quand mes paupières sont closes. J’ai essayé. Plusieurs fois. Comme pour le reste, je n’y parviens pas. Quelque chose qui me dépasse m’en empêche.
La mine soucieuse, elle s’assoit face à moi et triture l’anse de son mug d’où s’échappe le nuage fumant de son café bien chaud. Je l’examine sans la lâcher une seconde. Jusque-là, je ne lui connais pas cet air. Qu’est-ce qui lui arrive ?
— Le centre a appelé pour prendre des nouvelles. Savoir si tu t’adaptes bien, si en cours tout se passe au mieux.
Curieux, je la fixe. Est-ce que je m’en sors bien ? Oui, je pense. Enfin, je crois.
— Bien entendu, je leur ai assuré que tout allait bien. J’ai précisé que tu n’étais pas trop bavard, mais beaucoup d’adolescents sont comme toi, non ?
Je suppose, oui. Marley aussi parle peu à ses parents. Du moins, de ce qu’elle m’a dit.
Pour faire une pause, elle avale une gorgée de sa boisson et m’observe par-dessus sa tasse. Lorsqu’elle la repose, elle est nerveuse. Comme si elle ne savait pas comment aborder le sujet.
— Tu sais que si quoi que ce soit te tracasse, tu peux venir me trouver. Ou Jim. On peut t’écouter.
— Je sais, oui.
J’en suis même persuadé. Ils sont tous les deux formidables. Et je meurs d’envie de parler à quelqu’un. Si seulement j’en étais capable.
— Bien, souffle-t-elle, rassurée. J’ai essayé de les convaincre d’attendre un peu avant de t’imposer ça, mais… Le centre veux que tu rencontres un psychologue qu’ils vont envoyer ici.
Aussitôt, je me tends. J’ai pas besoin d’un putain de psy ! Enfin, je crois pas. Si ?
— Rien de régulier, ce sera juste de temps en temps, enchaine-t-elle en remarquant que je suis crispé.
— Quand ?
Voilà le seul mot que j’arrive à sortir. Ma voix est bien plus grave et froide que je le souhaite, mais c’est plus fort que moi.
— Ce week-end.
J’opine, saisis un morceau de bacon et me redresse.
— Jared, je suis désolée, j’ai essayé de les…
— Je sais que vous faites au mieux.
Et c’est vrai. Je n’en doute pas une seule seconde.
Tout en jetant mon sac de cours sur l’épaule, je trace vers la sortie. J’ai besoin d’air. Comme souvent, j’ai l’impression d’étouffer. D’être pris à la gorge. Une fois à l’extérieur, je cherche mon air sans rien laisser paraître et au même moment, la porte d’entrée de Marley claque.
Et je la vois. Ses mèches brunes qui virevoltent au rythme de ses pas alors qu’elle trottine vers sa voiture. Son sourire au moment où elle adresse un signe à son petit frère qui la regarde à travers le carreau du salon. Puis, sa façon de lui tirer la langue pour le voir rire juste avant de monter dans sa caisse.
Et je respire. En une fraction de seconde, je vais mieux.
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25 commentaires
Leana Jel
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Il y a 3 ans
Idylyne.B
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Il y a 3 ans
Claryssy
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Il y a 3 ans
imagineyourreading_
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Il y a 3 ans
Idylyne.B
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Il y a 3 ans
math_et_ses_books
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Il y a 3 ans
Idylyne.B
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Il y a 3 ans
lovepassion
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Il y a 3 ans
lovepassion
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Il y a 3 ans
lovepassion
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Il y a 3 ans