Fyctia
Chapitre 12
Marley
La tête à moitié dans mon casier, je récupère le manuel pour mon prochain cours et claque la porte métallique avant de sursauter. Face à moi, Corey m’observe avec cette lueur dans le regard qui le caractérise bien. Il va remettre ça. À nouveau, il va tenter de m’inviter et je vais, une fois encore, refuser. Je ne vois pas pourquoi il fait une fixette sur moi cette année. Peut-être parce que je lui résiste. Non pas qu’il ne soit pas mignon, mais plutôt que sa façon de faire et sa personnalité ne me plaisent pas. Il pense que tout lui appartient, que tout lui est dû. Les couloirs, les coins sympas dans la cour, sans oublier les filles. Je ne suis pas un objet et il ne me possédera jamais.
— Marley, sourit-il.
— Corey.
Son ton est enjoué. Le mien tranchant. Il approche d’un pas et je recule de deux.
— T’as toujours pas changé d’avis ?
Je lève un sourcil et secoue la tête. Je ne vois pas à quel moment je n’ai pas été assez clair.
— Non et je vois pas pourquoi je le ferais.
— Peut-être parce que j’insiste et que ça prouve que je veux vraiment y aller avec toi ?
C’est plus fort que moi, je pouffe et le fixe. Est-ce qu’il est sérieux ?
— Pas avec moi, ça ne prend pas. Tu fais ça avec toutes les filles qui te disent non. Pour autant qu’il y en ait parce qu’elles n’osent pas.
— J’ai horreur des refus.
— Parce que tu n’en as pas l’habitude. Et tu sais quoi ? Il y a un début à tout et ça va commencer avec moi.
Ma réponse ne lui plait pas. Il fronce les sourcils, pendant que je tente de le contourner, mais il se place devant moi. Du coin de l’œil, je remarque Jared qui referme son casier et ses iris croisent furtivement les miens avant de revenir sur moi. Il vient de réaliser ce qu’il se passe.
L’instant qui suit, il amorce un pas dans notre direction et je secoue discrètement la tête pour lui faire comprendre que je gère la situation. Son regard sur nous est glacial. Aussitôt, ça me ramène à ces deux fois où ma peau est entrée en contact avec la sienne. La première, ici dans ce couloir, où il s’est interposé entre Corey et moi. À l’instant où j’ai posé ma main sur son bras pour tenter de calmer le jeu, sa peau m’a semblé bien plus froide que la normale. La seconde, au skate park, lorsque nos doigts, sans le vouloir, se sont frôlés. Jared a un secret, voire plusieurs, et je meurs d’envie de les découvrir malgré les barrières que je m’impose.
Corey qui ne loupe pas une miette de notre échange fronce les sourcils et me considère, plus sévère.
— Sérieux ? Tu vas me dire que le nouveau, c’est ton mec ? ricane-t-il.
Mes joues s’échauffent et j’écarquille les yeux. Merde, mais où est-ce qu’il est allé chercher ça ?
— Quoi ? Non ! Pourquoi tu… C’est n’importe quoi.
Il rit de plus belle, tandis qu’un coup d’œil derrière lui m’informe que mon voisin a mis les voiles. Je soupire, soulagée. Manquerait plus qu’il me grille à rougir comme une gamine. Je me vois mal lui avouer que je le trouve sexy. Ce mec est une bombe. Une bombe qui pourrait bien réduire à néant toutes les promesses que je me suis faites.
— C’est ça, prends-moi pour un con.
J’inspire à deux doigts de perdre mon calme et plante mes pupilles dans les siennes.
— Écoute, Corey, pense ce que tu veux, je m’en fous.
Sans lui laisser le temps de quoi que ce soit, je le contourne et file vers ma salle de cours. Il n’en a pas fini avec moi, mais pour l’instant, je vais faire comme s’il allait me lâcher la grappe.
Avant de passer la porte, je me fige. Jared se trouve à l’intérieur et je vais avoir le droit à un interrogatoire dans les règles. C’est devenu l’une de ses distractions favorites ces derniers temps. Plus ça va, plus on est proche et plus on s’entend bien. Ça me plait autant que ça me fait flipper.
Lorsque je pose mon sac au pied de la table et que je m’assois à côté de lui comme on en a pris l’habitude, il ne réagit pas. Les yeux braqués sur sa fiche de calculs, il passe d’une équation à l’autre et note les résultats plus rapidement que je ne le ferai jamais. D’ailleurs, qui résout ce genre de truc aussi vite ? Il est complètement absorbé par ce qu’il fait. Comme s’il n’était pas là. Que le monde autour de lui s’était effacé.
Sans pouvoir m’en empêcher, je l’examine sans qu’il me remarque. Ça aussi, c’est bizarre. Cette façon qu’il a parfois d’être déconnecté. Si encore ça n’arrivait pas souvent. Mais ce n’est pas le cas. Un mystère de plus que j’ai besoin d’éclaircir.
— Comment tu fais ça ?
Son stylo se fige et il se reconnecte à la réalité. Il tourne la tête vers moi, surpris, puis fronce les sourcils.
— Ça fait longtemps que t’es là ?
— Assez pour que le cours ait eu le temps de commencer sans que tu t’en aperçoives.
Il lève le nez pour vérifier le tableau et percute qu’en effet, le prof a fait son entrée.
Perdu, il baisse les yeux sur sa feuille et passe en revue ses calculs. Je ne sais même pas d’où ça sort. Ça ne fait pas partie de l’exercice d’aujourd’hui. Il semblerait qu’il les ait posés lui-même sans en être conscient.
— Désolé, j’étais ailleurs, souffle-t-il.
J’acquiesce, songeuse et je me surprends à me faire du souci pour lui. Son air paumé me serre le cœur.
— C’est rien, t’inquiète.
Il sonde mes iris plus intensément et c’en est presque gênant. Pourtant, son regard lointain redevient de plus en plus présent et je mets le reste de côté, rassurée qu’il soit de nouveau là.
— Et toi, ça va ?
Pourquoi est-ce qu’il me demande ça ?
— Pourquoi ça n’irait pas ?
Répondre à ses questions par d’autres. C’est le meilleur moyen que j’ai trouvé pour réussir à déjouer sa curiosité. Les fois où cela fonctionne sont rares. Ce mec ne perd jamais le nord. On dirait bien que lorsqu’il cible un objectif, il ne lâche jamais rien et ne se laisse jamais distraire.
— Ce gars dans le couloir.
— Ho, Corey ? Ouais, c’est rien.
Sceptique, il m’analyse et ne détourne pas ses billes des miennes.
— Il a l’air insistant.
— Il l’est, mais je gère.
— Si c’était le cas, il ne reviendrait pas à la charge. Qu’est-ce qu’il te veut ?
— La même chose que la dernière fois. Que j’accepte d’aller au bal avec lui.
Un éclair zèbre ses iris et il opine tandis qu’il fait tourbillonner son stylo sur son pouce sans même se concentrer sur son geste. Comment est-ce qu’il réussit à faire ça ?
— Tu veux que je me charge de lui ?
Je me raidis et bugue comme une idiote. Est-ce qu’il est sérieux ? Est-ce que j’aimerais qu’il le fasse ? Est-ce que je dois le laisser faire ? Non. La réponse est non. Si je le fais, c’est accepter qu'il entre un peu plus dans le cataclysme de ma vie. C’est aussi prendre le risque qu’il ait des ennuis.
— Non, je… il finira bien par se lasser.
Un pli se dessine entre ses sourcils, mais il n’ajoute rien. Il faut croire que je ne suis pas la seule à m’inquiéter. Au plus profond de moi, mon être se réchauffe. Ça me fait du bien de savoir qu’en dehors de ma famille, il est là, prêt à m’aider. Seulement, en même temps, tout me hurle qu’il ne faut pas que je ressente ça. Je n’ai pas le droit.
39 commentaires
Leana Jel
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Il y a 3 ans
Idylyne.B
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Il y a 3 ans
Leana Jel
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Il y a 3 ans
imagineyourreading_
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Il y a 3 ans
Idylyne.B
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Il y a 3 ans
Merixel
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Il y a 3 ans
Idylyne.B
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Il y a 3 ans
Janelle
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Idylyne.B
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Il y a 3 ans
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Il y a 3 ans