Fyctia
Chapitre 6
Marley
Plantée au milieu du salon, sur les nerfs et jette un coup d’œil sur mon téléphone pour vérifier l’heure. La seconde qui suit, je me remets à tourner en rond.
— Tu me donnes le tournis.
Je glisse un regard sur ma mère assise dans le canapé, le nez dans sa revue de cuisine favorite et soupire.
— Il sera là dans cinq minutes.
— Logique puisqu’il y a cinq minutes, tu m’as dit qu’il serait là dans dix.
Elle ricane, amusée et je lève les yeux au ciel.
— Tu pourrais au moins faire semblant d’être compatissante.
Elle quitte son bouquin et me fixe.
— Il vient seulement te donner des cours.
— Rectification. Le mec que j’ai espionné par ma fenêtre va se pointer chez moi. Le même mec qui m’a aussi mis un stop quand je lui ai proposé de l’accompagner. Celui-là même à qui j’ai fait coucou comme une gamine devant la porte, avant de filer comme si j’avais le feu aux fesses. C’est une catastrophe.
Elle glousse et j’inspire profondément. Elle compte m’achever.
— Tu devrais voir le bon côté des choses.
— Ho, et je peux savoir quel bon côté il y a à ce désastre ?
Elle esquisse une moue amusée et hausse les épaules.
— Tu pourras l’espionner de plus près.
Je lâche un rire nerveux.
— Il me déteste.
— Je suis sûre que non. Vous ne vous comprenez juste pas très bien.
— Pour ça, faudrait déjà qu’on dialogue.
— Ça va venir !
— Ou pas.
— Si ça se trouve, il t’accompagnera au bal de promo, souffle-t-elle rêveuse.
Et voilà, c’est reparti, elle délire.
Au même moment, mon père traverse la pièce. Les bras chargés de ses dossiers qu’il ramène parfois à la maison, il remonte ses lunettes sur son nez, se fige et m’observe.
— Tu as trouvé un cavalier ?
— Non, papa, juste le voisin qui vient me donner des cours.
Il en fait tomber ses pochettes cartonnées et lâche un juron en se baissant pour les ramasser. Je crois qu’en fait, je suis un excellent mix de mes deux parents. Survoltée comme ma mère, maladroite comme mon père.
— Tu veux dire qu’un garçon va venir ici ?
J’acquiesce et il se racle la gorge pour prendre un air plus grave.
— Et comment il est ? Sérieux ? Des tatouages ? Des piercings ? Il se drogue ? Fume le pétard ?
Si ma mère est assez cool, mon père lui est l’exemple même du papa poule surprotecteur.
Bouche bée, je les observe tour à tour. Ils attendent de connaître mon jugement personnel concernant celui qui ne devrait pas tarder et alors que je m’apprête à leur répondre, la sonnette retentit.
Je sais pas ce que je préfère. Faire face à cet interrogatoire, ou bien à mon voisin et accessoirement obsession du moment.
Le pas traînant, je rejoins l’entrée et devine sa silhouette derrière le vitrage opaque de la porte. J’inspire, expire et la main sur la poignée, j’ouvre. Mon cœur rate un battement. D’un parce que plus je le vois, plus je le trouve beau, de deux parce que je suis pas sûre de pouvoir assumer. La miss catastrophe que je suis est à deux doigts de claquer la porte et de se tirer. Loin. Très loin.
Il esquisse un sourire et me dévisage à moitié.
— Salut, lance-t-il.
Sans avoir le temps de répondre, je me retrouve légèrement expulsée sur le côté et mon paternel se faufile.
— Bonjour jeune homme. Gary, le père de Marley.
— Papa !
Il lui tend la main, déterminé à faire comme si je n’étais pas là et Jared la lui serre sans hésiter. La honte. C’est la honte. Comme si, jusque-là, je n’en avais déjà pas fait assez.
— Tu viens pour les cours, c’est bien ça ?
— Oui, monsieur.
— Seulement pour ça, on est d’accord ?
Jared ricane et mon père plisse les paupières, pas certain de ce qu’il doit déduire de cet affront.
— Oui, juste pour le soutien en mathématiques, se rattrape-t-il.
— Mon cœur, laisse-les tranquille, intervient ma mère en le tirant par le bras pour l’entrainer avec elle.
Je les suis du regard jusqu’à ce qu’ils disparaissent et lève le nez sur mon voisin. Ses iris de la couleur des ténèbres entrent en collision avec les miens et mon souffle se coupe. Respire ma vieille, il va deviner que t’es sur le point de faire une crise de panique.
— Entre, marmonné-je en me décalant pour qu’il puisse passer.
Il s’exécute, puis sans un mot, je lui fais signe de me suivre.
La montée des escaliers me semble interminable et une fois dans la chambre, ce n’est pas mieux. Comme s’il se sentait chez lui, il se lance dans une inspection minutieuse de ma bibliothèque, où trônent des dizaines de romances. Il saisit un livre, parcours le résumé à une vitesse folle, lève un sourcil et le repose. Pas à sa place. Il ne l’a pas remis à sa place.
Je réussis à me contrôler quelques secondes, mais c’est plus fort que moi. Je file vers l’étagère et le replace à l’endroit exact où il était. Surpris, il me regarde faire et ses lèvres s’étirent. C’est mal barré. On va se prendre la tête, c’est obligé.
— On s’y met ? propose-t-il.
J’opine, attrape mon manuel pendant qu’il écarte le rideau et observe par la fenêtre, amusé. Il me nargue.
Allongée sur le ventre à même la moquette de ma chambre, je l’écoute m’expliquer le fonctionnement de certaines formules tout en le suivant des yeux alors qu’il fait les cent pas. Il ne reste jamais en place ou quoi ?
Comme s’il lisait dans mes pensées, ce qui est assez flippant, il ramasse le rubik’s cub sur mon bureau et s’assoit en tailleur à côté de moi. Avec agilité et à toute vitesse, les faces du cube pivotent et me voilà hypnotisée. En à peine cinq secondes, il termine le casse-tête et je bugue.
— Respire voisine, tu vas faire une syncope.
Je retiens un rire rageur. Deux mois que je suis sur ce machin et lui résout ça en moins de deux. Je reporte mon attention sur les calculs qu’il a posés sur ma feuille, son bras frôle le mien lorsqu’il me désigne l’un d’eux et je frissonne.
— Essaye au moins celui-là, c’est le plus simple.
Je louche sur les signes qui ressemblent plus à des hiéroglyphes et hausse les épaules.
— C’est du chinois.
Son rire s’élève dans la pièce et avec patience, le voilà parti dans une énième explication. J’entends sa voix. Rauque et douce à la fois. Il est sûr de lui, doué, sexy, et moi, je suis une vraie quiche. À moitié en train de baver au lieu de l’écouter.
— Tu piges le truc ?
— Pas du tout.
Il tourne la tête vers moi, son visage à quelques centimètres du mien et une moue hyper craquante tord ses lèvres. Un poil dépassé, il me donne une pichenette sur le front, je me plains pour la forme et il se fend la poire.
— T’es une vraie calamité. Mais c’est un défi que je relève.
Me voilà bien.
— Qu’est-ce que ça veut dire ?
— Que tant que t’auras pas compris, je continuerai de venir te donner des cours. C’est le deal.
— J’ai rien dealé du tout moi.
Il agite ses sourcils, malicieux et sonde mon regard. Partagée entre agacement et admiration, je ne me démonte pas. Mes pupilles plantées dans les siennes, je ne le lâche pas. C’est un duel.
— Fait pas cette tête, t’es pas un monstre, se marre-t-il.
Ho, crois-moi, si je veux, je peux être un vrai démon. Encore faudrait-il en avoir envie. Surtout avec lui.
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Leana Jel
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Il y a 3 ans
Idylyne.B
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Il y a 3 ans
Siana Tulnamn
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Il y a 3 ans
Idylyne.B
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math_et_ses_books
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Idylyne.B
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Laeloo
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Mira Perry
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Idylyne.B
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Il y a 3 ans