Idylyne.B Your Toy Chapitre 3

Chapitre 3

Jared


Mon sac jeté sur l’épaule, je dévale les escaliers. Depuis que je suis arrivé ici, j’ai la sensation de ne pas être à ma place. Logique quand on pense que je débarque dans une famille d’accueil. Sauf que quelque chose cloche et cette impression ne me lâche pas. Avant mon réveil dans cette chambre du centre pour jeune en attente de placement, je ne me rappelle rien. Pas un souvenir.


Selon ce qu’on m’a expliqué, j’ai subi un traumatisme et pour me protéger, je refuse de me rappeler. Jim et Madie, le couple chez qui je vis depuis une semaine, s’efforce d’être attentionné et accueillant. Seulement, au fond de moi, j'ai le besoin de ne pas accepter la situation. Je suis complètement paumé. Je comprends rien.


— Bonne journée, Jared !


Sans prendre la peine de répondre, je claque la porte, rejoins le trottoir et emprunte la direction du bahut. Première journée de cours. Jim m’a bien proposé de prendre leur seconde voiture pour m’y rendre plus vite, mais j’ai fait un blocage sans savoir d’où ça sortait. Impossible d’envisager de me mettre derrière le volant. Je sais même pas si j’ai déjà conduit.


Alors que j’avance, musique à fond dans les oreilles, une berline ralentit à ma hauteur et je reconnais la voisine. Elle me fixe hésitante, puis la seconde d’après accélère comme une malade. Elle doit avoir un grain, c’est pas possible autrement.


Tous les soirs depuis que je suis là, je la vois qui m’espionne par la fenêtre de sa chambre. Mon œil bizarre l’a détecté dès la première soirée. J’ai rien laissé paraître, mais lorsque j’ai remarqué le gamin tirer le rideau la dernière fois, j’ai pas pu m’empêcher de lever la tête. Je me suis marré quand je l’ai vue en plonger carrément par terre avec son petit frère. Elle est siphonnée.


Je suis la berline du regard jusqu’à ce qu’elle tourne au coin de la rue, tout en avançant et secoue la tête. Elle était sur le point de me demander quelque chose, mais c’est comme si elle avait la trouille. Ou bien elle sait que je l’ai grillée en train de me mater et du coup, n’ose pas m’aborder.


Tout en progressant, je cogite. Le truc, c’est qu’à chaque fois que je pense trop, tente de me souvenir ou même de parler de cette vision carrément pas normale, quelque chose m’en empêche. Dans ces moments, une autre partie de moi prend le contrôle et je bloque. C’est flippant, mais au moins ça m’évite de trop réfléchir. Je vais à l’essentiel. Je suis ce qu’on attend de moi. Je suis programmé pour ça. J’en ai conscience, tout comme je sais que je suis différent, même si je ne peux pas me confier à ce sujet. Je n’ai d’ailleurs aucune idée d’à quel point je le suis. Certaines choses me sont interdites et je ne peux rien y faire. Quoi et dans quelles limites, ça, j’en sais rien.


Lorsque je passe le portail du lycée, je balaye le parc et la façade en brique rouge. Rien qui ne sorte de l’ordinaire. Un établissement classique. Sans me poser de questions, je suis la foule d’étudiants et me plante devant le panneau d’affichage pour chercher mon nom parmi les centaines d’autres.


Sans surprise, je le repère sans effort. Cette vision n’est vraiment pas si mal, elle me facilite souvent la vie. À vrai dire, même si je trouve ça louche, j’y ai vite pris goût.


Tout en me fondant dans la masse, je remonte le long couloir à la recherche de la salle où a lieu mon premier cours. Dès que je l’aperçois, je me faufile, entre dans la classe et saute à moitié sur la seule table libre qu’il reste tout au fond. Comme un vieux réflexe ancré en moi. Je sais pas d’où ça sort, mais c’est là.


Le nez plongé dans mon bouquin de maths, ma vision passe d’une équation à l’autre à une vitesse folle et elles se résolvent sans que je n’aie aucun effort à fournir. Je fronce les sourcils, mais ne m’attarde pas. Là encore, je ressens l’interdiction de me pencher sur cette part de moi loin d’être normale.


Le bruit ambiant ne m’atteint pas et je laisse les autres s’installer sans leur prêter attention, jusqu’à ce que le prof entre. C’est seulement à ce moment, que je m’autorise à quitter les pages de mon bouquin.


Le regard accroché au tableau, je fixe son nom qu’il écrit et le mémorise. Un réflexe automatique. C’est comme si chaque information se classait dans une partie de mon cerveau. Dès que j’en ai besoin, j’y accède et retrouve tout ce que j’ai souhaité enregistrer. Si je parle de ça, on va me prendre pour un allumé. De toute façon, c’est pas comme si je pouvais.


Peut-être que le traumatisme que j’ai subi est bien plus gros que je l’imagine. Ou bien, je suis complètement dingue. Aussi timbré que ma voisine. Pourquoi je pense à ça, moi ?


Au même moment, du coin de l’œil, je la repère entrer dans la pièce. Sans le vouloir, mes pupilles la suivent jusqu’à ce qu’elle me remarque et se fige. Elle me dévisage brièvement, rougit, puis comme pour le coup de la voiture trace et s’assoit. Je lève un sourcil et me demande ce qui lui prend. Je suis si flippant que ça ? Ou bien, elle a capté qu’un truc n’allait pas chez moi.


La voix de monsieur Burns me ramène sur terre lorsqu’il commence à faire l'appel et là encore, j’enregistre des noms.


— Mademoiselle Marley Hill ?


La voisine déjantée lève la main.


C’est donc comme ça qu’elle s’appelle. C’est plutôt cool. J’aime bien. Je mémorise l’info’ et elle rejoint toutes les autres choses que je trouve chouettes. Comme le basket, le skate que j’ai découvert hier, les mathématiques et j’en passe. Parfois, j’ai la sensation de découvrir des mots ou des activités pour la première fois. Il y a même des termes que je ne comprends pas et que je suis obligé de chercher dans ma base de données. Puis, il y en a d’autres qui me reviennent naturellement.


Intrigué, je me surprends à examiner un peu plus en détail ma voisine. Ses cheveux mi-longs châtain clair, son visage un brin enfantin, ses iris verts, le haut dos-nu qui laisse entrevoir son bronzage… divin. Ouais, elle est vraiment pas mal. Ses traits, comme une photo d’identité, s’imprime sur mon disque dur.


Soudain, mon esprit me rappelle à l’ordre. Je n’ai pas le droit. Songer à ce genre de chose m’est aussi interdit et je n’ai pas d’autres choix que de m’y plier. Je suis donc les instructions et abandonne l’analyse dans laquelle je venais de me lancer la concernant. À la place, je porte mon attention sur le vieux chêne à l’extérieur, qui trône au milieu de la cour.


— Monsieur Jared Wells ?


Perdu dans mes pensées à zyeuter par la fenêtre, je ne réagis pas. Mon prénom me parvient, mais le nom accroché après ne me disait rien. Comme si ce n’était pas moi. Que ça ne collait pas.


— Monsieur Wells ? répète-t-il.


Une décharge me parcourt tout à coup et je me reconnecte à la réalité.


Comme mes camarades, je lève la main et surprends Marley qui se tourne vers moi. Sans me démonter, je soutiens son regard et esquisse un sourire en coin. Elle écarquille les yeux, puis la seconde qui suit, pivote sur sa chaise, pour me fuir.


Si ça se passe comme ça tous les jours, ça risque d’être marrant.


Tu as aimé ce chapitre ?

68

68 commentaires

Leana Jel

-

Il y a 3 ans

J'aime beaucoup cette histoire ! Les personnages ont direct piqué ma curiosité, en particulier Jared : non seulement j'ai hâte de voir comment tu vas gérer l'ambivalence humain/robot, mais en plus son caractère me plaît bien ! Hâte de voir également comment Marley et lui vont officiellement se rencontrer...

Idylyne.B

-

Il y a 3 ans

Merci beaucoup, c'est gentil 🥰. Je suis ravie que ça te plaise et que les personnages aient éveillé ta curiosité ^^. J'espère que la suite te plaira et que ma façon de retranscrire ce qui se passe dans la tête de Jared et sa condition te plaira ^^

Leana Jel

-

Il y a 3 ans

Je trouve que tu as très bien su rendre l'espèce de combat mental de Jared, entre sa partie humaine et sa partie robot ; c'était d'autant plus difficile qu'il ne sait même pas qu'il est cyborg... Et qu'il ne s'en rend pas compte !! Nous, lecteurs, qui le savons, pouvons déceler les indices ; lui, qui a les mêmes que nous, ne peut même pas imaginer la vérité... C'est tellement invraisemblable ! A sa place, je n'aurais pas compris non plus ! Je trouve que tu as géré cette histoire au mieux

Siana Tulnamn

-

Il y a 3 ans

J'aime bien la façon dont est écrit ce chapitre : il y a le côté automatisme/robot dont on sait pas trop si il en a vraiment conscience. Il sait que quelque chose n'est pas normal, et ses mots sont vraiment de l'ordre de l'informatique mais en même temps il réagit comme un humain ! Il me fait penser aux Asperger que je connais, je sais pas si c'est voulu mais je pense qu'on peut faire un rapprochement 😊 En tout cas il est attachant !

Idylyne.B

-

Il y a 3 ans

Merci beaucoup pour ton commentaire ! ^^ Je suis contente que tout soit ressenti à la lecture comme je l'avais imaginé. C'est vrai, tu as raison, il a une façon de penser très "humanoïde", il analyse pas mal de chose ^^. Certaines de ses réactions peuvent faire penser aux Asperger et je ne l'ai pas fait exprès, mais en y réfléchissant, tu as raison en affet :). Je suis vraiment contente qu'il soit attachant 🥰

Line Manoury

-

Il y a 3 ans

J'adorerais le comportement de Marley xD

Line Manoury

-

Il y a 3 ans

J'adore*

Idylyne.B

-

Il y a 3 ans

Haha, merci, c'est gentil.🥰 je l'adore aussi ce personnage ^^

Janelle

-

Il y a 3 ans

Toujours étant qu'en ce qui concerne ses brefs contacts avec Marley, ça me fait bien sourire, ces deux-là ça promet 😂 mais en même temps faut les comprendre, un mi-homme mi-robot qui rame et une tomate stalkeuse 😂😉😉

Idylyne.B

-

Il y a 3 ans

Ho oui, ces deux là promettent de bon moments de rigolade, mais qui sait, ça peut mener vers quelque chose de très chouette ^^. J'aime beaucoup le surnom de tomate stalkeuse haha XD.
Vous êtes hors connexion. Certaines actions sont désactivées.

Cookies

Nous utilisons des cookies d’origine et des cookies tiers. Ces cookies sont destinés à vous offrir une navigation optimisée sur ce site web et de nous donner un aperçu de son utilisation, en vue de l’amélioration des services que nous offrons. En poursuivant votre navigation, nous considérons que vous acceptez l’usage des cookies.