Fyctia

Jared

Le bruit de l’impact me déchire les tympans. La voiture bascule, entame plusieurs tonneaux, les cris envahissent l’habitacle et mes doigts se crispent sur le volant. J’attends. J’attends que ça s’arrête. Parce que c’est ce qui va arriver pas vrai ? Un choc comme celui-là, ça ne pardonne pas. Les hurlements cessent un à un et je lutte. Pour ne pas perdre connaissance, pour voir si mes amis vont bien. Ma tête cogne violemment contre la vitre, il me semble sentir quelques-uns de mes os se briser. La voiture s’immobilise.

Si je pensais que l’accident en lui-même serait le pire, je me suis trompé. La douleur qui submerge mon corps tout entier est insupportable. Les râles plaintifs de mes amis me parviennent et j’entrouvre mes lèvres pour les appeler. Aucun son ne sort. Le goût du sang envahit ma bouche, mes paupières se ferment malgré moi et leur voix ne deviennent plus que des murmures.

Inconscient, j’ai l’impression de flotter. Dans mon esprit, il fait sombre. Il me semble entendre des sirènes, puis des voix s’élever, complètement affolées autour de nous. Je tente d’ouvrir les yeux, sans succès.

J’ai froid. Aidez-moi, je suis là.

Le bruit d’une machine résonne et des phrases, dont je ne perçois que des bribes se mélangent. Des voix d’hommes, de femmes.

— Celui-là est en vie ! Pour les autres, il n’y a plus rien à faire.

Non, sauvez-les ! Ce sont eux qui doivent vivre ! C’est moi qui conduisais !

— Il faut faire vite ! On va le perdre !

Le silence retombe, des bips irréguliers retentissent et la souffrance s’éloigne. Je hurle, mais personne ne m'écoute. Il faut qu’ils sachent que je suis toujours présent.

— Salle trois !

Où je suis ? Qu’est-ce qui m’arrive ? Pourquoi, je les entends et pourquoi eux, ne m’entendent pas ?

— Il est en train de nous lâcher. Chargez à cent cinquante !

— Prêt.

— Dégagez !

La douleur est vive. J’ai l’impression de me consumer de l’intérieur. Au loin, la voix de ma mère se distingue des autres. Elle m’appelle.

— Jared ! Sauvez-le, c’est mon fils.

— Nous faisons tout notre possible, madame. Veuillez vous écarter s’il vous plait.

Non, reviens.

— Le cœur ne repart pas. Chargez à deux cents !

— Prêt.

— Dégagez !

Une seconde décharge. Plus vive, plus insoutenable. Arrêtez ! J'ai mal.

— Asystolie.

— Heure du décès : 23 h 46.

Non ! Je suis encore là ! Ramenez-moi !

La voix de ma mère me parvient de nouveau. Elle crie mon prénom. Ses pleurs me déchirent.

— Je suis désolée, monsieur et madame Lewis, nous n’avons rien pu faire. La violence du choc a été terrible.

Les sanglots de ma mère se rapprochent et je hurle de toutes mes forces.

Maman ! Papa ! Je suis encore là ! Je suis pas parti !

Il paraît que notre cerveau continue de fonctionner jusqu’à quelques minutes après notre mort. J’aurais préféré que ce ne soit pas le cas.

Pardon maman, pardon papa.

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