Fyctia
Chap 1.4 Décembre (Eden)
J’exécute une moue, de façade, puis recoiffe machinalement mes cheveux blonds qui finissent par encadrer mon visage. Je ne rate pas à quel point Cam m’observe, et à quel point il semble subjugué par ce qu’il voit.
Je n’ai été qu’une expérience !
— Tu as raison, commencé-je.
Sa voix se fait grave, son ton sec, son comportement digne du pire des salauds.
— Contente que tu sois passé à autre chose. Moi, aussi. Je suis venu ici pour Roxane, ma meilleure amie. La seule femme qui compte dans ma vie, avec ma mère, celle pour qui je dévalerai les montagnes les plus difficiles à franchir si besoin.
Le silence me frappe une nouvelle fois, tandis que j’absorbe mes paroles, essayant de capter le sens de ses mots. Il me blesse, mais je sais qu’il n’en est pas conscient.
— D’accord, en gros, tu refuses notre amitié,
Il me coupe.
— Exact. Ce sera plus facile, pour ta nouvelle vie. Et la mienne. De toute façon, je repars en France après les concerts de Roxane. Rien ne peut exister entre nous.
Il fait référence à notre brève conversation à l’aéroport en septembre. Celle où je lui ai fait croire que j’allais renouer avec un étudiant en Californie, qui n’a jamais existé ? Puis à son célèbre adage : les relations à distance ne fonctionnent pas. Mais, mon cœur saigne tellement, que j’ai pensé qu’il revenait à New York prêt à sauver notre lien amical.
— Tu n’es qu’un sale con, Camille. Parce que notre amitié n’a pas à pâtir de mon erreur.
Attends, il a dit que même s’il acceptait d’être ami avec moi, ou plus, ce serait inutile ? ça signifie quoi exactement ?
Aucune importance.
— Tu n’as pas raison Eden. Personne n’a fait d'erreur. Et je suis bien pire que ce que tu penses de moi.
Sa phrase pénètre mon esprit, pour détruire toute lueur d’espoir que nous pouvions encore avoir, en ce jour de paix. Malheureusement, pour trouver la paix, je vais devoir affronter son rejet. Total.
Il n’est juste… pas amoureux de moi. Il ne veut plus de moi, entant qu’amie. C’est pire, et plus dur à avaler. Mais, si c’est ce qu’il souhaite. Pas de problème pour moi.
Un sentiment étrange m’envahit. Ma gorge se noue, ma respiration va devenir difficile, très bientôt. Mes yeux s’embuent. Il ne mérite pas de me voir ainsi. Non.
Jamais plus quelqu’un ne me verra démunie.
Je suis forte. Bien plus que mes émotions veulent me le faire croire.
D’un revers de main rageur, j’essuie une larme qui coule de mes yeux. Quand je le regarde, il semble attristé par ce que je lui montre : une fille faible.
La vie est injuste.
Mais, comme me l’a dit mon daron, l'existence est un mystère qui peut tout apporter. Peut-être que j’avais besoin de ça, toucher le fond, pour remonter à la surface, d’une manière plus puissante.
Et c’est aussi valable pour l’histoire Camille.
Mes lèvres s’étirent, quand de loin, elles rencontrent celles de mon père. Il est si bienveillant, si protecteur, si, avec moi. Il me donne la force de me reprendre, de montrer à ce garçon aux yeux noisette et à la mèche sexy qui lui barre le front que je m’en sors.
J’avais besoin du soutien de Camille, mais tant pis.
Je n’existe pour personne. C’est triste, mais c’est la vérité.
— Je voulais te dire que mes relations avec mon père se sont améliorées. J’ai réaménagé chez lui, et nous faisons des efforts pour bâtir un lien papa-fille. Ma mère est heureuse à Paris. Elle a trouvé un nouveau mec. Et, on se parle souvent en FaceTime. C’est étrange, n’est-ce pas ? Normalement, les relations à distance, selon la théorie Camille, ne fonctionnent jamais. Eh bien, pour ma mère, ça marche. Je me sens plus proche d’elle que jamais. En revanche, pour le cas de mon père, je dois être présent, sinon, on s’éloigne.
Mon ton devient ironique. Je crois qu’il assimile la réf tout de suite.
L’adage de Camille : les relations à distance ne fonctionnent pas. Encore une excuse pour me rejeter en douceur.
— Tout dépend de la personne, sans doute, concède-t-il.
Sa bouche remue et m’hypnotise. Alors, que je ne le devrais pas.
Je hoche la tête, puis replace un cheveu égaré derrière mon oreille. J’ai envie de toucher les siens qui semblent avoir grandi un peu, j’ai envie de caresser sa mèche qui lui barre le front. J’adore respirer son parfum musqué mélangé à l’odeur inexplicablement enivrante de sa peau. Alors, que je ne le dois pas.
— Tu as raison. Au fait, sache que j’étudie à l’université de New York à partir de ce printemps. Mais, que ce n’est pas parce que tu y seras, je n’en savais rien, jusqu’à ce soir. C’est pour mon père. Il a besoin de moi et moi de lui.
Je marque un silence et reprends.
— Je me suis rendu compte que je me suis éloignée de lui parce que je ne supportais plus sa façon d’être. Enfin, en partie. La Californie était bien plus accueillante pour résoudre tous mes problèmes. À présent, je m’en approche, parce qu’il a changé. Que j’ai changé.
Et c’est vrai, en partie. Jamais il ne doit connaître la raison de mon départ pour la Californie.
Plutôt mourir que de le lui dire.
— Et ton Californien, tu l’as quitté ? Pourquoi tu reviens ici ?
Je bats des cils, tandis qu’il me scrute avec intensité.
— Nous ne sommes plus amis Camille. Ma vie ne te regarde en rien. J’ai décidé de revenir, d’être heureuse, et j’étudierai ici. Que ça te plaise ou non.
Sa bouche s’entrouvre. Je sens presque son cœur cogner comme un fou contre sa cage thoracique. Je pourrais penser que c’est parce qu’il est content de cette nouvelle ? Parce qu’il réalise qu’il sera dans le même campus que moi ?
En réalité, non. Il se rend compte qu’il devra me voir tous les jours et ça l’emmerde.
Le moment est venu de lui parler de Noah.
Mes pulsations cardiaques résonnent un peu partout dans mon cœur, et je suis à deux doigts de l’évanouissement. Pourtant, je le regarde droit dans les yeux.
— En réalité, j’ai un nouveau mec. Un sportif de haut niveau. Un homme comme je les aime. Attentionné, protecteur, et qui m’apporte tout le soutien dont j’ai besoin. Une épaule sur qui me lâcher si j’en ai besoin.
Je marque un silence, pendant lequel, le regard de Camille s’assombrit. Puis, je boucle la boucle.
— J’ai ma vie et toi, la tienne. Tu as complètement raison.
Ma réplique claque comme un volet sous le vent, signalant la fin de notre discussion.
Le pire, c’est qu’il reste de marbre, comme si ma révélation ne le touchait pas.
Je n’ai plus rien à lui dire. Et je l’éviterai le plus possible que je le pourrai.
Sur ce, je pivote pour rejoindre les autres à la cuisine. Perturbée par ce que je viens de lui avouer.
Je devrais être heureuse de lui avoir lâché ça, pour qu’il comprenne que je passe à autre chose, définitivement. Pourtant, je m’enfonce encore plus dans les méandres de ma peine.
Parce que c’est loin d’être le cas.
Seulement, personne ne peut forcer quelqu’un à l’aimer, ni à être son ami.
Et je ne suis pas de celles qui supplient ou qui forcent.
Mais, une chose est certaine : je suis de celles qui ne subiront plus jamais.
Chacun sa vie Cam. Tu as raison.
6 commentaires
D. Verton
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Il y a un an
Josepina(Jojo)
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Il y a un an
Solann
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Il y a un an
Marie Andree
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Il y a un an
Lulu_K
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Il y a un an