Fyctia
Chapitre 5 - Tillie
Pendant les deux heures suivantes, le cours se poursuit sans autres interruptions que les questions posées çà et là par les étudiants. Pour ma part, je garde la bouche fermée et les yeux baissés sur le carnet dans lequel je note scrupuleusement chaque parole prononcée par Griffin. À aucun moment il ne mentionne son livre, ce qui me rassure car je me suis endormie avant de l’avoir entièrement lu et je n’ai aucune envie de me faire spoiler la fin.
Quand je pense que j’ai cru qu’il s’agissait d’une romance nian-nian… Pour ma défense, la couverture était assez évocatrice, mais dès le prologue, j’ai compris que j’allais embarquer pour une histoire de vie aussi touchante que captivante. On y suit un joueur de basket forcé de renoncer à son rêve, qui tombe amoureux d’une journaliste ambitieuse. J’en suis aux deux tiers et ils commencent tout juste à se rapprocher, mais cela n’a pas empêché Griffin de faire monter la tension durant les deux-cents pages précédentes.
Lorsque la sonnerie retentit, je suis parmi les premières à quitter la pièce, et ce n’est qu’une fois revenue au rez-de-chaussée que je m’autorise un soupir de soulagement. Quelques instants plus tard, Cléo me rejoint et nous nous dirigeons vers la terrasse de la cafétéria pour débriefer avant notre prochain cours qui n’a lieu que dans une heure.
- C’était incroyable, s’extasie-t-elle. Je n’aurais jamais cru pouvoir apprendre autant de choses en seulement deux heures.
Cléo a toujours eu tendance à l’exagération, mais aujourd’hui je dois bien reconnaître qu’elle a raison ; c’est de loin le meilleur cours auquel j’ai assisté depuis que j’ai quitté le lycée. Comme à notre habitude, nous nous échangeons nos carnets afin de comparer nos notes. Cléo a consigné une phase à propos de la structure narrative qui m’a échappé. Tandis que je la recopie, mon amie enchaine :
- Je n’en reviens pas que Griffin t’ait laissée assister au cours. Quand tu es arrivée, j’ai cru qu’il allait t’arracher les yeux.
- J’ai pensé la même chose. Il est terrifiant !
- Terrifiant, mais séduisant… Constate-t-elle d’un air rêveur.
- J’en conclus que ça ne s’est pas arrangé avec Lucas ?
À la mention de son copain, son sourire se transforme en une moue contrariée.
- Monsieur n’est pas content parce que j’ai prévu de passer Noël chez mes parents. Je ne sais pas pourquoi il s’était figuré que j’allais forcément venir passer les fêtes avec lui, et maintenant il en fait tout un drame comme si ma décision remettait en question tout notre couple. C’est ridicule, ce n’est pas parce que j’ai envie de voir mes parents que je n’ai pas envie de le voir lui.
- Tu ne lui as pas proposé de venir avec toi ?
Elle pince les lèvres d’un air pensif puis, telle Archimède sortant du bain, se penche brusquement pour extraire son téléphone de son sac.
- Ça t’ennuie si…
- Pas du tout, je vais en profiter pour aller me chercher un café. Tu en veux un ?
Dans la queue qui mène au comptoir, j’en profite pour vérifier mon propre téléphone. J’ai un message de Nate m’informant que ma voiture est au garage Rolling, à quelques kilomètres du campus. Il a pris soin de me joindre le numéro du garagiste et, comme il reste une demi-douzaine de personnes devant moi, je leur téléphone.
Après six sonneries, un homme finit par décrocher. En quelques mots, je me présente et lui demande des nouvelles de ma Golf.
- Elle est quasiment morte votre bagnole. J’peux pas y faire grand-chose. Le mieux c’est encore que vous en trouviez une autre, parce que celle-ci…
- Vous ne pouvez vraiment rien faire ? demandé-je en triturant nerveusement mes mèches raccourcies.
- Faut que vois avec mes gars, mais ça va vous coûter bonbon.
- C’est pas un problème. Dites-moi seulement combien, et quand est-ce que je pourrais passer la reprendre.
Quand je raccroche, je suis excédée. Entre le temps nécessaire au diagnostic, le délai d’envoi des pièces et les réparations en elles-mêmes, je ne reverrais pas ma voiture avant au moins deux semaines, si ce n’est trois. Ce type a peut-être raison après tout, j’aurais plus vite fait de trouver un vendeur d’occasions, mais j’ai du mal à m’y résoudre. Malgré son caractère épouvantable, je suis attachée à ma Golf. On a vécu tellement de choses toutes les deux que je ne m’imagine pas l’abandonner maintenant. Cette pensée me provoque le même dégout que l’idée d’abandonner un chien sur une aire d’autoroute simplement parce qu’il a vieilli. C’est hors de question.
Quand vient mon tour de commander, je prends un Mocha blanc pour moi et un thé à la cannelle pour Cléo. À son sourire quand je me rassois face à elle, je devine que sa conversation avec Lucas s’est bien déroulée.
- Il va venir chez mes parents, me confirme-t-elle avec bonne humeur. Et l’an prochain c’est moi qui irais chez lui !
Pendant l’heure suivante, elle s’évertue à retaper ses notes à l’ordinateur tandis que, armée d’un surligneur, j’entreprends de dégager les grandes lignes des miennes. Mais j’ai du mal à faire le tri parmi les informations tant tout me semble fascinant. J’ai vraiment hâte d’être à vendredi pour voir découvrir à quoi va ressembler la mise en pratique. Et, en même temps, je redoute de me retrouver de nouveau face à Griffin.
Il a beau être terriblement jeune, il a une présence qui me déstabilise complètement. Maintenant que j’ai assisté à son cours, je comprends mieux pourquoi les garçons parlent de lui avec autant d’admiration, et de crainte aussi.
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cedemro
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