Fyctia

Dès qu'il reprend ses esprits, le roi voit sa fille qui est tombée à la renverse sous le choc.

— Xia, veux-tu me dire pourquoi tu cours ainsi !?

— P.. Père ! J'allais justement vous rejoindre en bas. Vou... vous êtes au courant pour l’entraînement ?

— Plus ou moins… Je n'ai pas tout compris avec ta mère et Melchior qui ne cessent de se couper la parole…

Ellias voit bien les tremblements de Xia à la mention des événements. Il sait qu’elle n'aime pas beaucoup Melchior, mais il est clair qu'aujourd'hui les choses sont bien pires.

— Père, je veux juste vous demander de ne pas disputer Kiel. Elle n'a pas fait exprès et elle ne savait pas pour le poison.

D’abord surpris que Xia pense d’abord à sa cousine dans cette histoire, la mention du poison réveille la colère déclenchée un peu plus tôt lors de sa discussion avec la reine.

— Alors toi aussi tu crois à cette histoire de poison ! Je suppose que ta mère t'a mis cette idée dans la tête ?

— Je suis restée endormie plusieurs heures, ce n’est quand même pas normal !

— Viens avec moi, nous allons tous en discuter en bas.

Prenant la main de sa fille, il l'aide à se relever et à reprendre son équilibre avant de partir d'un pas rapide vers la chambre de sa nièce. Il cogne d’abord à la porte, puis en absence de réponse, il l’ouvre sans cérémonie. Troublé de voir la chambre vide, Ellias doit réprimer la frustration grandissante qui le ronge.

— Tu sais où Kiel est allée ?

— J'étais endormie Père…

— Je vais envoyer les gardes la chercher. Décendons l'attendre avec les autres.

Rendue au bas de l'escalier, Xia entend au loin un tintement métallique. Reconnaissant le son d'une épée frappant un objet dur, elle se concentre sur sa source. Quand un second, puis un troisième, sons similaires se font entendre, elle sait d’emblée où Kiel se trouve.

— Père, Kiel est à la salle d'entraînement je crois.

Tendant l'oreille à son tour, Ellias reconnaît que Xia a probablement bien deviné et tous les deux se rendent au lieu indiqué. Dès leur arrivée, ils voient Kiel, en sueurs, en train de passer sa frustration sur un poteau qui affiche un nombre incroyable de profondes entailles laissées par une épée beaucoup plus lourde que celle utilisée lors des entraînements. N'ayant même pas remarqué la présence de sa cousine et de son oncle, Kiel se relance dans une série de coups violents faisant partir des éclats du poteau constitué d'un bois très massif devant résister aux attaques des lames elfiques.

— Kiel… Kiel ! lance le roi d’une voix forte.

Réalisant que quelqu'un vient de dire son nom, l’intéressée se retourne et, en voyant son oncle à l'entrée de la salle, elle tombe à genoux en laissant tomber la lourde lame.

— Sire, je… je suis désolée ! Je n'ai pas voulu mettre la vie de Xia en danger…

— Kiel, ressaisis-toi ! Xia m'a tout raconté, tu n’as fait que suivre les directives du général…

— Mais… le poison…

— Quoi !? Toi aussi tu crois à cette histoire ?

— La reine en est certaine et j'ai vu Xia perdre connaissance pour une blessure qui, bien que sérieuse, ne le justifie pas.

— Je vois… Suis-nous à la salle commune s’il-te-plaît.

— A… avec tous les autres ?

— Oui… Toi, Xia, moi, la reine et Melchior.

— Êtes-vous certain que…

— Ne discute pas et suis-moi !

En revenant dans la salle commune, Ellias s'assoit aux côtés de Zefiel à une extrémité de la table. La chaise à sa gauche, habituellement occupée par Melchior lors des réunions officielles, est à présent vide, car ce dernier choisit plutôt de s'asseoir à l'autre extrémité de la table. Xia et Kiel prennent position sur le côté droit, côte-à-côte. Posée au centre de la table, l'épée de Kiel brille faiblement à la lueur des lampes éclairant la salle.

— Que fait cette épée sur la table ? demande Ellias.

— Je l'avais déjà mise sur la table avant de venir vous rejoindre à l'entrée du château.

— Pourquoi ?

— Car je veux que vous sachiez que c'est exactement cette épée que Kiel utilise à chaque entraînement et que seuls Melchior, Kiel et peut-être Xia en sont au courant. Je veux aussi que vous sachiez que je me suis volontairement blessée avec cette lame peu après l'empoisonnement de Xia et que j'ai identifié le poison, un narcotique visant à faire perdre conscience à sa victime pour qu'elle se retrouve à l'infirmerie où un complice devait la prendre en charge.

Tout en parlant, Zefiel remonte la manche de sa robe et montre à tous la longue coupure sur son bras. Ellias la regarde incrédule.

— Pourquoi vous être blessée ainsi ?

— Car un guérisseur a tenté d'éliminer la présence du poison sur cette lame. Un poison qui, comme par hasard, se dissipe rapidement pour ne pas être détecté facilement…

— Vous faites de graves accusations…

— Je n'accuse personne pour le moment, je vous présente les faits. Cette lame, utilisée contre notre fille, a bien été enduite d’un narcotique et quelqu'un a voulu en effacer les traces !

— Qu'avez-vous à dire face à ces affirmations Melchior ?

Étonnamment calme tout au long de la tirade de la reine au sujet de l'épée, Melchior prend même quelques secondes de silence avant de répondre.

— Sire, je dois vous avouer mes torts… C'est vrai, j'ai moi-même enduit l'épée d'un narcotique et j'espérais en effet que Kiel blesse légèrement Xia lors de leur combat. Je voulais ensuite tester sa résistance en lui donnant un défi au tir à l'arc. Je sais que vous m'avez dit de ne pas utiliser ces techniques avec votre fille mais je me disais qu'un narcotique de ce genre ne constitue pas un grand risque. Depuis quelque temps, Xia s'est beaucoup améliorée et je voulais voir jusqu'où elle pouvait aller… Quand la reine est intervenue et a réagi avec autant d'agressivité, j'ai eu peur et j'ai voulu cacher les preuves pour éviter votre colère…

— Et vous avez demandé au guérisseur d'effacer les preuves ?

— En effet Sire, j'en suis profondément désolé…

— Sachez que je suis grandement déçu de votre comportement. Je suis très fatigué ce soir et je préfère réfléchir avant de décider des conséquences de vos actes. Je vous demande de nous laisser et de retourner dans vos quartiers. J'annule les entraînements pour le reste de la semaine en attendant de décider de la suite des choses. Laissez-nous à présent !

— Merci Sire.

Ellias voit bien la contrariété, non seulement sur le visage de Melchior qui s’en tire pourtant bien, mais aussi sur celui de Zefiel à qui il fait discrètement signe de rester assise alors que le général quitte la salle. Une fois Melchior suffisamment loin, le roi reprend la parole d'une voix basse.

— La situation n’est pas aussi grave finalement. Je note pourtant une grande contrariété sur votre visage.

— Avec tout le respect que j'ai pour vous, je ne crois pas un mot de ce qu’il a dit. Il y a autre chose dont je souhaite discuter en privé. Venez me rejoindre, seul, dans ma chambre dans une heure.

— Pourquoi pas dès maintenant ?

— Je dois d'abord aller régler quelque chose de crucial.

— D’accord.