Fyctia
Aiden
« Sans commentaires » annoncé-je, tranchant, en m'installant sur le siège passager de la Audi.
Comme à son habitude, Tyler joue la carte de l'innocence. Une mécanique bien rodée chez lui qui provoque une réaction épidermique dans ma main droite. J'ai très envie de lui en coller une.
Je me détend un peu en le voyant démarrer.
Sans quitter la route sur laquelle il s’insère du regard, il se permet malgré tout un commentaire :
- C'est jaune quand même…
Je baisse les yeux sur l'écharpe. Je n'y avais même pas prêté attention avant. Sûrement parce que j'étais trop concentré sur elle tout du long. Je me suis retrouvé comme hypnotisé par ses foutus yeux couleur émeraude. Dire que je me suis donné en spectacle devant ce type. Encore heureux qu'il n'avait pas le son avec les images.
En voyant que je ne réponds rien, il poursuit :
- Ton ange a de drôles de goûts parfois…
« Ange »
Depuis qu'il a commencé ses recherches il l'a surnommé comme ça. Donner des surnoms à tout va, c'est quelque chose qu’ils ont en commun. A la différence que ce sale type rapporte tout au sexe. C'est pour ça que celui-ci m'a marqué. S'il y a une référence douteuse derrière, je ne la trouve pas.
-Laisse moi deviner… Tu ne comprends pas pourquoi je l'appelle comme ça ?
Et merde.
-Encore une référence aux anges de Victoria quelque chose ? hasardé-je sans grande conviction.
-Hum… Non rien à voir. Cela dit la voir défiler en lingerie, je dis pas non. Je suis tombé sur de ces photos de vacances prises par son frère… C'est presque criminelle de les cacher…
Contrairement à ce à quoi je m'attendais, il ne s'extasie pas plus que ça sur les fameuses photos. Tant pis pour le surnom, je préfère réorienter la conversation avant que les choses ne dérapent :
- Tes recherches ont donné quoi finalement ?
- Hum...
Il marque une pause en faisant mine de réfléchir.
- Je sais pas si c'est une bonne idée de t'en parler maintenant...
C'est une blague?
- Je t'en parle après le boulot.
Je me contente d'acquiescer. Ce n'est pas comme si j'avais vraiment le choix. Est-ce qu'il a trouvé quelque chose ou est ce que cet idiot me fait marcher ? Ce serait tout à fait son genre.
- Au fait, commence-t-il en s'arrêtant à un feu, il y a quelque chose qui m'intrigue depuis tout à l'heure.
Il se dégage de sa ceinture et s'approche de l'écharpe.
- C'est bien ce que je pensais, dit-il en se réinstallant correctement sur son siège. Je connais ce parfum. Et va savoir pourquoi juste le sentir me tape sur le système. Tu ne sens rien toi ?
Je signe un "non" de la tête. J'ai beau aller mieux, j'ai toujours des restes de ma grippe. Ça, ça en fait parti.
- T'es sûr que ça va le faire pour ce soir ? Tu peux toujours te faire remplacer...
- Un soir d'enchères ? Tu penses sérieusement qu'il va laisser passer ça ?
- On peut toujours...
- C'est non, le coupé- je d'un ton sans appel. Je vais mieux de toutes façons et puis... Je ne compte pas non plus m'éterniser.
- Si tu le dis.
Le reste du trajet se fait en silence.
Au Red, le cerbère de la sécurité nous reconnaît et nous laisse rentrer sans même vérifier que nos noms soient sur la liste.
En arrivant dans la salle principale, Tyler m'abandonne pour se rendre du côté du bar. De mon côté, je vais m'installer dans un coin salon. Ici, tous le monde me connaît et je ne vais tarder à me faire assaillir par des habitués. Autant être bien installé.
- Aiden, m'interpelle un homme d'un certain âge aussitôt suivit par sa femme.
Qu'est-ce que je disais ?
Je tiens la conversation comme à mon habitude mais mon esprit lui est ailleurs. En regardant la décoration récemment refaite, je n'ai pas pu m'empêcher de penser que le style baroque blanc et dorée de la pièce s'accorde avec la chambre de "Nina". Depuis, "Est-ce qu'elle est liée à ma famille ou non?" Tourne en boucle dans ma tête.
Honnêtement, je suis incapable de dire ce que je préférerais. Si elle est là à cause d'un membre de ma famille, ça m'embêterait mais au moins, c'est quelque chose que je connais. Tout ce que j'aurais à faire, c'est de me comporter normalement et tout devrait bien se passer. Mais, et si elle n'a rien avoir avec eux? Je commence à regretter le pacte passé avec l'autre andouille.
Qu'est-ce que je suis sensé faire dans ce cas de figure là ?
Après plusieurs heures de discutions futiles, un jeune avec un ruban rouge autour du poignet vient me transmettre un message de Tyler. Un bref "C'est bientôt l'heure" avant qu'il ne reparte tenir compagnie à un client. Je reconnais sans mal un sportif en vogue ces dernières années. Dire qu'en dehors de ces quatre murs il a une réputation de tombeurs de ces dames. Il vient presque tous les jours voir le blondinet. Je pense ne pas me tromper en disant qu'il a l'air de bien l'apprécier. Vu la façon dont ils se regardent tous les deux, je dirais que c'est réciproque. Si c'est vraiment le cas, il devrait arrêter de bosser ici. Sans quoi, leur histoire est voué a l'échec.
Je prends congés des habitués. Pour certains, je sais que je les retrouverais dans quelques instants à peine. Je traverse la salle direction le sous sol. Ici aussi, on me laisse passer sans contrôler mon identité.
Red pour Red Paradise. Un nom tout aussi ridicule que l'histoire qu'il y a derrière. D'apparence, c'est un club privé tout ce qu'il y a de plus banal. Mais il suffit de descendre quelques marches pour se rendre compte que ça ne l'est pas.
Je traverse un premier couloir dont les murs sont couverts de velours rouges. Passer là, d'habitude j'évite mais c'est la façon la plus rapide de gagner l'arrière de la salle des enchères. Par la même occasion, de réussir à mettre la main sur Tyler. Certaines portes sont ouvertes et des bruits plutôt significatifs sortent de ces chambres. J'en fais abstraction. Le voyeurisme, ça ne m'a jamais intéressé.
En me voyant arriver, l'idiot aux yeux bleus me tend mon masque habituelle. Je le mets sans attendre. Ça, c'est une lubie de mon père. Je n'ai jamais compris sa passion pour le carnaval de Venise. D'ailleurs, c'est loin d'être la seule chose que je ne comprends pas à son sujet. En fait, je crois que je ne le comprends pas tout court.
Jusqu'à l'heure de début, je surveille avec Tyler l'intérieur de la salle qui se remplit de plus en plus. Il se passe de plus en plus fréquemment une main dans ses cheveux chatains.
Nerveux.
- T'es sûr que tu veux le faire mec? me demande-t-il une énième fois. Je peux toujours te remplacer.
Je soupire mais je ne peux pas retenir un sourire. Entre un parano et un type qui s'inquiète beaucoup trop. On forme un drôle de duo...
- Tu me comprends si je te dis que je préfère leurs éviter ton humour foireux ?
Je pose une main sur son épaule avant de rejoindre la scène et comme à chaque fois je rejoue le même numéro jusqu'à en avoir la nausée :
- Messieurs, mesdames quel plaisir de vous retrouver comme chaque dernier mercredi du mois...
Je déteste être là.
Je déteste tout ça.
5 commentaires
Anna montale
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Il y a 7 ans
Remy Salander
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Il y a 7 ans
Aurélia Vernet
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Il y a 7 ans
Aurélia Vernet
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Il y a 7 ans
Remy Salander
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Il y a 7 ans