Fyctia
II. Lost
Idiote, idiote, idiote.
Ses mots résonnent en boucle dans le crâne d'Ilona. C'est la première fois que, littéralement, elle pète un cable. Oublier une pauvre carte ne suffit pas à la mettre dans un état pareil en général. Assise sur le rebord de la cuvette, la jeune femme consulte sa montre. Une heure que les épreuves ont commencé. Une heure qu'elle reste planté là.
Idiote.
Elle secoue sa tête et se décide à sortir des toilettes publiques. Ses pieds l'avaient guidé à environ un kilomètre de l'université, avant de l'échouer dans cet endroit dont l'entrée coûte un euro. L'intimité créée lui a permis de se ressaisir, un peu. Ilona s'engage sur un passage piéton, fait claquer ses talons et se dirige vers son habitation.
Tant pis pour son absence, elle se rattrapera.
Une demi-douzaine de minutes s'écoulent pendant lesquelles l'étudiante marche lentement. Antoine est à ses côtés, il semble joyeux de prendre l'air. Bien qu'il porte un revolver à son flanc, le personnage n'a pas l'air de craindre des ennemis. Ilona rêve alors que des snipers les guettent sur le toit. Puis elle se ravise car cette idée est banale : faite et refaite. La jeune femme shoote dans une canette abandonnée. Sa destination est proche, plus que quelques mètres. Elle ne s'était pas aperçue qu'elle avait tant fait de chemin. La prochaine fois, elle saura qu'elle pourra se promener et arriver avant le dîner au lieu de prendre le bus et d'ainsi polluer.
Ses yeux se portent sur la balustrade qui orne la façade de l'immeuble. Ancien mais propre, le bâtiment a tout de même souffert d'une infiltration d'eau, comme en prouvent une petite tache ineffaçable. Leur emménagement, à Ilona et ses parents, date de dix-sept ans. Au temps dire qu'avant, elle ne se souvient pas d'où elle dormait précisément.
BOUM.
Ilona vient à peine de se cogner à un inconnu qu'elle s'excuse maladroitement :
- J'étais perdue dans mes pensée ! Navrée, Monsieur !
- Il n'y a pas de mal, dédramatise l'inconnu aussitôt. Vous habitez ici ?
Déconcertée par la question assez directe, Ilona répond avec un retard :
- Oui. Vous cherchez quelqu'un ?
- Oui, je cherche quelqu'un, parut-il triste. Je crois que je me suis trompé, ... d'adresse.
- Dites-moi son nom, je peux peut-être vous aider, propose la jeune femme.
- Je ne crois pas, se ravise l'homme en adoptant un faciès enjoué.
La peine qu'avait pu capté Ilona sur son visage la pousse à relancer le dialogue :
- Vraiment ? Si vous ne croyez pas, cela ne signifie pas forcément que c'est vrai. Je connais presque tout le monde dans le quartier !
Il la regarde, perplexe. Il est évident qu'il rechigne à lui partager cette information. Ilona tripote ses mèches teintes en blonds qui virent au roux, patiente.
- Elle s'appelle Élisabeth, laisse-t-il tomber. C'est une de mes parentes.
- Vous voyez ! Je connais bien une dame de ce nom ; elle a un labrador. Je peux vous indiquer où elle habite !
L'étrange rougit étrangement, le regard baissé sur ses chaussures cirées. Ilona n'ose le pousser à parler davantage, elle-même déteste qu'on lui tire les vers du nez. Elle se rend compte qu'elle s'est montrée indiscrète et rougit à son tour. Ils sont deux.
- Je, ... murmure Ilona, je vais vous laisser.
- Certainement, répond-t-il, soulagé. Nous ne parlons pas de la même personne. Je vous agace, avec mes problèmes.
- Absolument pas, vous ne me gênez nullement.
Ilona met sa main devant sa bouche, rougit un peu plus, confuse de s'adresser de cette manière à un inconnu. Qu'il n'aille pas s'imaginer des choses ; parler des problèmes d'un autre lui permet d'extérioriser les siens.
Cependant, les yeux de l'inconnu lui confirmèrent ce qu'elle redoutait : il croit qu'elle le drague. Ilona semble alors s'apercevoir qu'ils ont environ le même âge, quoique l'homme semble un peu plus jeune. Il n'est pas déplaisant à regarder, au contraire. La jeune femme, cinq centimètres de moins que lui avec talons, a pourtant l'air fragile face à son gabarit. Elle croise ses bras, résolue.
- Je vais vous aider à retrouver la personne que vous cherchez.
- Vous n'avez rien d'autre à faire ? se moque gentiment l'étranger.
- Non. Vraiment pas, se surprit à dire Ilona.
Une voix interne lui souffle que le mensonge, c'est mal. Tant pis pour cette fois-ci, les cris de ses parents qui penseront qu'elle se fiche d'obtenir ses examens, le ménage, l'établissement scolaire, ces choses agaçantes peuvent bien attendre quelques heures.
- Élisabeth a disparu depuis deux jours, nous nous inquiétions pour elle.
Ilona, ne s'attendant pas à ce que l'inconnu, qui semblait avare d'informations, daigne lui révéler ça, hoquète. Elle n'avait jamais pensé à quitter son foyer définitivement pour la froideur de l'extérieur. Mais elle ressentit un goût étrange dans sa bouche. Cette situation n'était pas si différente de la sienne au bout du compte. Ilona s'était enfuie pour une broutille durant moins d'une journée ; quelle raison poussait Élisabeth, potentiellement une jeune fille comme elle, à délaisser sa famille deux jours ?
- Ce n'est pas très bien vu, je veux dire, de fuguer comme ça, continue l'homme.
- C'est pourquoi vous ne me l'avez pas dit plus tôt, souligne Ilona. Mais bref, revenons au principal. Pourquoi venir fouiller précisément dans cette rue ?
- Des fois, elle squatte chez son, ... Copain. Qui habite à trois pâtés de maison d'ici. Sauf qu'elle ne s'y est pas rendue, hormis il y a un mois.
- Son copain, comme vous dites, il dit la vérité ?
- Elle n'est pas dans son appartement, c'est sûr.
- Ok. Arpenter la ville au hasard, c'est ça votre plan ?
- Vous vous prenez pour une investigatrice ?
Ilona sourit malgré elle. Elle y a déjà pensé. Dans ses histoires, les utilisations de mouchards et d'espions débordent. Les sombres enquêtes l'ont toujours passionné, mais à distance. Le sang, les armes, ce domaine demeurait trop dangereux dans la "vraie" vie pour Ilona. Et pourtant, cette disparition la réjouissait.
N'importe quoi, tu débloques Ilona. Cette pauvre fille a peut-être de graves ennuis et toi, tu es heureuse de batifoler avec son frère ou son cousin.
- Vous avez pensé à contacter la police ?
Ilona s'est reprise. Son expression est sérieuse et sa voix mesurée.
- Bien sûr. C'est juste que je n'arrive pas à me tenir tranquille, quand je ne sais pas où elle est.
- Je comprends. Arpentons la ville au hasard.
- On ferait mieux de se séparer pour couvrir plus de périmètre.
Déçue, Ilona acquise puis remarque :
- Je ne sais pas à quoi elle ressemble !
L'inconnu rigole, il s'est détendu face au ton enfantin d'Ilona.
- Tiens, voilà une photo. Même si j'ai l'impression que tu prends cette fugue pour un jeu.
- Oui et si je reviens avec Élisabeth, je veux une glace.
Un rire fusa et Ilona rougit une seconde fois. Elle attrape la feuille dont le portrait de la disparue est imprimé dessus. La jeune fille qui la fixe a de grands yeux interrogateurs et marrons. Elle est aussi très belle.
- En fait, comment t'appelles-tu ?
- Ilona et toi ?
- Tom. Facile à retenir.
6 commentaires
Cindy.C_Auteure
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Il y a 8 ans
Clalys
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Il y a 8 ans
Yas P.
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Il y a 8 ans
Chase
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Il y a 8 ans
Solar
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Il y a 8 ans