Fyctia
Chapitre 1: L’ultimatum
Glory
― De la volupté dans vos gestes ! Voilà, suivez le rythme de la musique.
Deux heures d’entraînement intensif. Perchée sur des talons hauts. Je ne sens plus mes genoux et ma cheville fait des siennes. Je rêve de jeter au feu mes bottines à lacets. Je me laisse glisser sur le sol, pour la millième fois. D’un mouvement gracieux, tout en érotisme, je soulève mes jambes, pointant mes pieds vers le plafond. Cambrant mon dos, basculant ma tête en arrière. Mon cœur bat fort, s’accordant à la vitesse de la mélodie. Lorsque je danse, je ne pense à rien. Mes problèmes s’envolent, la liberté me tend les bras. L’excitation monte, car le clou du spectacle approche. Mon moment préféré, un instant magique qui sublime le tableau.
Magdalena, notre chorégraphe, donne le signal. Celui qui nous ordonne de nous lever, pour prendre place sur une des chaises vintages. D’un mouvement suave, je m’y installe, prenant une pose lascive, puis de l’eau jaillit du plafond. Le rideau d’eau est coloré par les divers projecteurs, donnant une allure surnaturelle à nos silhouettes. À bout de souffle, la chanson s’évanouit. Magdalena passe devant nous, nous contemplant de manière chirurgicale.
― On s’approche enfin du résultat souhaité. Ne vous enthousiasmez pas trop vite mes demoiselles, il reste encore quelques petites choses à peaufiner. Je vous libère, à demain.
Je m’apprête à rejoindre ma loge, mais Magdalena me retient.
― Glory tu peux venir avec moi, je dois te parler.
Un poids tombe brutalement sur mes épaules. L’angoisse et la nervosité s'emparent de moi. J’enfile mon peignoir pour éviter de mettre de l’eau partout. D’un pas chancelant, je suis Magda jusqu’à son bureau. Seul le bruit de mes talons qui claquent contre le sol se fait entendre. J’ai un mal fou à respirer, quand je m’assois sur la chaise. Magda prend place derrière son bureau. Ma chorégraphe est la meilleure des danseuses burlesques de sa génération. Une tortionnaire dont les objectifs sont si hauts, que l’on met des années à trouver grâce à ses yeux et arriver à atteindre son niveau.
― Je voulais savoir si ta cheville allait mieux ?
Son accent germanique est audible, quand elle se lance dans une conversation sérieuse. La pression monte d’un cran, ma cheville est prise d’une crampe. Signe qu’elle n’est pas totalement rétablie.
― Oui beaucoup mieux, la preuve, la kiné m’a autorisée à reprendre les entraînements.
Elle me sonde du regard, cherchant la vérité que je peine en enfouir.
― Et toi, comment tu te sens ?
La question piège, la petite alarme « panique » s’allume dans ma tête.
― En pleine forme.
Elle se laisse aller contre le dossier de son fauteuil.
― Je peux te donner mon avis ?
Je serre mes poings dans les poches de mon déshabillé.
― Tu me le donneras de toute manière.
― C’est vrai, affirme-t-elle.
Patiemment, j’attends qu’elle me dévoile son verdict.
― Tu as bien récupéré, je te l’accord. Mais j’ai remarqué que tu avais quelques difficultés pour certains enchaînements. Ta cheville semble fragile.
Elle tourne autour du pot et ce n’est pas dans ses habitudes. Je perds patience.
― Parle-moi avec franchise ! je m’exclame agacée.
― Je veux que tu prennes un congé, de plusieurs semaines, pour que tu puisses te remettre totalement de ta blessure.
Le couperet tombe. J’encaisse difficilement sa réponse.
― Et si je refuse ?
― Tu auras le droit de participer aux entraînements, mais tu seras interdite de représentation.
Deuxième coup-de-poing dans le ventre.
― Tu me vires ?
La culpabilité teint ses traits.
― Non, tu auras toujours ta place au Sin.
― Permets-moi de douter.
― Je veux ton bien, tu fais partie de mes meilleures danseuses. Ton duo avec Honey est salué par le public. Vous êtes des icônes du cabaret. Et je ne souhaite pas voir ta carrière se briser dans deux semaines, parce que ta cheville n’aura pas tenu le rythme des représentations.
La nausée me brûle la gorge, elle a raison.
― D’accord, tu me donnes combien de temps pour me remettre sur pied ?
Aucune réponse à part le silence. Je prends les devants.
― Deux semaines ?
Silence.
― Trois semaines ? je renchéris.
Elle reste mutique, je deviens folle.
― S’il te plaît Magdalena ton mutisme est un véritable supplice.
― Deux mois, me coupe-t-elle.
Je peux entendre mon rêve se briser comme du verre. Mes doigts agrippent le tissue de mon legging.
― Tu vas prendre un congé juillet et août. Le 1er septembre tu reviens pour faire des essais, s’ils sont concluants, tu reviens parmi nous.
― Et si je ne réussis pas à te convaincre ?
― Depuis quand tu doutes de toi ?
― Depuis que tu me mets sur la touche et presque à la porte.
― Glory ne le prend pas comme ça…
La tête haute, je m’apprête à prendre congé.
― Tu veux que je le prenne de quelle manière, ton ultimatum Magdalena ? Tu connais mon histoire, j’ai dû me battre plus que les autres pour me faire un mon nom de scène, pour créer Diva.
― Je sais Glory, mais c’est un mal pour un bien, tu me remercieras au moment venu.
― Tu as d’autres choses à me dire ?
― Non.
― Très bien, on se voit en septembre.
― Glory…
Je referme la porte derrière moi, étouffant au passage la voix de ma chorégraphe. J’arpente les couloirs du Sin. Le luxueux cabaret va me manquer, tout comme ma loge, dont je passe le pas de la porte. Ma meilleure amie est assise dans son fauteuil couleur citron, digne d’un trône de reine. Habillée de son déshabillé jaune, dans le dos une abeille y est brodé. La sulfureuse blonde m’adresse un sourire pétillant, mais il est vite remplacé par un froncement de sourcils.
― Qu’est-ce qui t’arrive Glory ?
Je me laisse choir à mon tour, dans mon fauteuil bleu identique au sien.
― Magdalena m’a mise au repos forcé.
― Quoi ?! Mais pourquoi ?
― Elle a décrété que ma cheville n’était pas opérationnelle, que je n’étais pas au top de mon niveau habituel. Une danseuse qui oscille ce n’est pas sexy, je raille avec amertume.
Honey pose sa main sur mon genou, le serrant doucement.
― Combien de temps ?
― Deux mois. En septembre, je dois passer un test pour savoir si je suis apte à reprendre ma place.
Mon moral est au plus bas, j’ai l’impression que les quatre dernières années de ma vie, partent en fumée.
― Tu vas réussir, tu es une battante Glory, tu n’as jamais baissé les bras, ne commence pas à le faire maintenant.
Un petit moment de flottement s’installe, vite brisé par Honey.
― Qu’est-ce que tu vas faire pendant tes deux mois de vacances ?
― Je vais rentrer à Austin.
Son regard se met à pétiller de malice.
― Tu vas retrouver ton sombre cowboy.
Je ricane en levant les yeux au ciel.
― Hudson va être ravie de me voir débarquer, dis-je sur un ton moqueur.
Six mois que je n’ai pas remis les pieds au Texas. Je me dis que le destin a décidé d’y remédier, mes racines m’appellent. Il est temps de retrouver le calme du ranch familial et la tornade qu’il renferme.
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Merci pour votre lecture, j'espère que vous avez apprécié.
29 commentaires
Eva Boh
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Il y a 2 ans
Arielle Rock
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Il y a 2 ans
Eva Boh
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Il y a 2 ans
LouiseLysambre
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Elena Harcray
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Arca Lewis
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LouiseLysambre
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