Inès Heck Wallon & Wolf Chapitre 3.1

Chapitre 3.1

— Tu as changé de bord, chérie ?


Une moue lubrique peinte sur mon visage, je calai mon bras sur l'épaule de mon amie. Les hommes, surpris, s'éloignèrent comme si nous avions la peste.


Abbey souffla, une main posée sur son cœur. Encore une fichue habitude humaine.


— Je vais finir par haïr les loups comme toi. Ils ne voulaient pas me laisser tranquille.


Je pouffai face à la grimace de mon amie. Sa lèvre tombante la faisait ressembler à un bébé chiot contrarié.


— Demande à une professionnelle. Tu tues l'un des leurs et ils te fuient à tout jamais.


— Je ne suis pas une meurtrière, grimaça-t-elle.


— Tu bois du sang, je te signale.


— Mais à la banque de sang ! Pas à la gorge d'un humain


Ce fut à mon tour de faire la moue. Cette mode des banques de sang était bien pratique, je devais l'avouer, mais rien n'équivalait à de la bonne hémoglobine fraiche. Faire taire notre instinct de chasseur était tout aussi insupportable que la torture. Pour dire.


Finalement blasées quant à la musique que le club diffusait, nous récupérâmes nos affaires et sortîmes de la boîte en jouant des coudes. Même si la rencontre fortuite avec Lloyd m'avait quelque peu minée, j'étais bien contente de ne pas être partie comme j'en avais eu envie. Cette danse avec le magnifique démon avait réussi à me changer les idées et à m'affamer, par la même occasion.


— Je te raccompagne ? demandai-je quand nous atteignîmes le parking.


— C'est bon. Je vais me dégourdir les jambes un peu.


Après s'être fait la bise - j'avais vécu pas mal de temps en France -, je laissai Abbey et rejoignis ma voiture flambant neuve.


J'arrivai rapidement à mon immeuble, me garai prestement à ma place attitrée et montai à mon étage, l'estomac serré par la faim.


C'était toujours lorsque nous avions une envie pressante que l'ascenseur paraissait être le plus lent possible. Lorsque j'arrivai enfin chez moi, je me déshabillai sur la route jusqu'au frigo et grimaçai lorsque j'y découvris le vide à l'intérieur.


Merde. Une journée pourrie jusqu'au bout.


Tout en lançant des insultes à tout va, j'enfilai un horrible sweat ainsi qu'un legging que je piochai dans l'armoire coulissante du couloir.


Voilà pourquoi la banque de sang n'était pas l'idéal : parce que quand on était tête en l'air comme moi et qu'on oubliait de faire le stock, on se retrouvait comme une idiote déshydratée. D'un geste rageur, je claquai la porte derrière moi et me rendis au rez-de-chaussée. Si le gardien qui surveillait l'entrée fut étonné, celui-ci n'en montra rien.


Une fois dehors, l'air frais de la nuit balaya ma chevelure à la teinte polaire. J'inspirai goulûment la brise automnale et utilisai alors tous mes sens pour trouver ma proie. Les minutes passèrent. Ma brûlure stomacale augmenta. Je me concentrai et la trouvai enfin : ma proie.


Son odeur sanguine me caressa les narines et me retourna le cerveau. Mes crocs sortirent et mes ongles poussèrent. A négatif. Un délice. Mes réflexes de chasseuse prirent le contrôle de mon corps avant que je ne me rue à la trace de ce succulent et alléchant fumet.


Il n'était pas bien loin. Promptement, je me tournai sur la droite et commençai à courir suffisamment vite pour paraître invisible à l’œil humain. Plus je m'approchais, plus la faim me tenaillait les tripes. Sa voix me parvint enfin lorsque quelques mètres nous séparèrent. Celui-ci marchait dans un quartier résidentiel, au téléphone avec son père.


Je sautai sur un toit et continuai ma chasse en dévalant les toitures des maisons. Cette euphorie propre au pistage valait vraiment toutes les banques de sang. Je ne réalisai qu'à ce moment-là à quel point cela me plaisait, que cela faisait parti de moi.


Lorsque je fus à son niveau et que je le surplombai d'en haut d'une maison, je courus encore quelques secondes pour prendre de l'avance et me jetai sur le trottoir. Mes réflexes me permirent d’atterrir sur mes pieds comme un chat agile.


Je marchai dans sa direction, sereine. Le jeune homme venait de terminer sa conversation avec son paternel et tapotait à grande vitesse sur son appareil. Parfait.


Comme alerté par son instinct, le garçon lâcha du regard son écran et me fixa. Le soulagement que je lus alors dans ses yeux manqua de me faire rire. S'il savait...


Je comblai les derniers mètres et déployai mon aura surnaturelle.


— Bonsoir. Je peux vous aider ?


Même si j'appréciais énormément la chasse, jouer avec la nourriture me débectait. J'abhorrai les vampires qui torturaient les humains dans le seul but de s'amuser. Il m'était impossible d'oublier d'où je venais, bien que cela remontait à très longtemps.


Je me calai contre son torse, sentis son cœur battre contre ma poitrine dénuée d'organe vivant. Mon nez se glissa dans son cou pour humer ouvertement sa délicieuse odeur. Le jeune homme se figea tandis que son pouls s'affolait. Je me décalai alors pour le fixer et user de mes pouvoirs. Automatiquement, celui-ci se calma et m'observa d'un air béat. Mes crocs sortirent de leur plein gré, comme réveillé par une force incontrôlable. Je retournai au creux de sa nuque avant de me mettre à lécher sa peau. Une montée de frissons dévala ma colonne vertébrale et un soupire d'extase s'extirpa de ma bouche entre-ouverte. Enfin, je plantai mes canines.


Le sang imbiba ma bouche, m'arrachant un nouveau gémissement de plaisir. C'était aphrodisiaque. Jouissif.


Je cessai de m'abreuver lorsque son corps se fit mou entre mes bras et passai ma langue sur les deux petits trous pour aider à la cicatrisation. Immobile au milieu du quartier, je le laissai et pris le chemin vers chez moi aussi vite qu'à l'aller. Je ne rompis le charme dont j'avais usé seulement lorsque je me trouvai devant mon immeuble.


Ce fut repue et légère que je retournai dans mon humble demeure.

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