Fyctia
Chapitre 39 BOULVERSEMENT
La quarantaine passée a marqué son visage, blême, de ridules et de cernes peu gracieux, sous des yeux marron emplis de vices. Mais ce qu’elle voit, elle, c’est la représentation faite femme du désir charnel. Et un important rendez-vous l’attend ce matin. D’ailleurs, peu lui importe la raison de cette entrevue, tant qu’elle se déroule avec un homme, même si l’homme en question était un jeune agent du FBI. Contre toute attente, ça ne l’effraie guère. Après tout, il ne s’agit que d’un second entretien de routine.
Vilma, sa fille aînée, est morte depuis à peine plus de deux semaines, et déjà, elle ne porte plus le deuil. Le noir n’étant pas de rigueur à ses yeux, elle lui préfère le rose et le bleu marine, dans l’ensemble au décolleté provocant qu’elle endosse. La grande rivière de larmes, versée le jour de l’enterrement, s’est rapidement tarie. Depuis quelque temps, les gens la voient changer. Cette femme a pourtant aimé Vilma, autant que ses deux autres enfants, Tawney et Chadd, mais elle l’a aussi tant détestée… Et son départ vers l’au-delà, la fait paraître plus apaisée, plus allégée.
Renatee, puisque c’est son nom, est le genre de personne à inspirer de l’antipathie au plus pieux des prêtres. Oui, cette femme et mère si aimante est des plus méprisables en ce monde. Ce qui la rend plus laide encore, c’est sa façon de faire des coups bas. Elle peut venir vous plaindre, simuler la compassion, et vous achever à feu doux en détournant tous vos gestes et propos. On se demande comment elle peut nuire autant, elle, si peu présente dans la communauté de Pinestop.
Pourtant, mal connue, Renatee a très mauvaise réputation, et si sa fille partageait avec elle le goût pour l’humiliation d’autrui, Vilma prenait au moins la peine de se trouver des raisons. Alors, quelle est la motivation de sa mère ? L’envie, probablement. En fin de compte, c’est de famille.
Si elle ne se remue pas un peu, elle va finir par être en retard, d’autant plus qu’il était inconcevable de prendre sa voiture secrète ! Comment allait-elle jouer les mères éplorées ? C’est vrai qu’elle était malheureuse depuis le décès de sa fille, sa complice et rivale de toujours, mais autre chose que la douleur la ronge.
La culpabilité...
Sa disparition la soulage tellement d’un poids qu’elle n’assumait plus ! Est-elle donc une mère ingrate ? Peut-on humainement éprouver affliction et délivrance, à la mort d’un être que l’on dit cher ?
J'entends des éclats de voix, je reconnais Lord Fandells à sa façon particulière de faire sonner ses « e », Le Shérif est avec lui. Je n'ai même pas entendu l’hélico voler et atterrir, il me semble qu'on crie mon nom, ça m'inquiète, est-ce que Lord Fandells va m'avoir encore plus dans le nez maintenant ? Oh merde c'est eux ! Ils s'approchent, par où je vais pouvoir me barrer ?
- Marshall ? Il paraît que c'est en partie de votre fait que nous en sommes là ?
- Lord Fandells, je vous assure que je n'y suis pour rien, je ne sais pas ce qui a pu arriver à Lara, je vous le jure !
- Allons, allons sans votre sacrifice, nous aurions perdu un temps précieux !
- Sacrifice ?
- Au nom de ma famille, je vous remercie pour votre générosité, nous vous sommes redevables, mon petit !
- Vous parlez de mon don de sang ! Vous savez, n'importe qui aurait fait la même chose...
Le plus drôle dans l'histoire, c'est que je pensais vraiment que Lord Fandells allait me crucifier sur place, mais c'est avec une certaine émotion que j'accepte son accolade chaleureuse. Hank pense qu'il est temps pour nous de rentrer au gîte. Et c'est vrai, j'ai extrêmement besoin, d'aller aux toilettes et de dormir.
La forme noire marche encore sur le bas-coté, mais au moins, il ne pleut plus, il y a eu un léger changement de programme, le vieux routier qui l'a chargé un peu plus tôt non loin de la petite bourgade de Chips, ne va pas à Rocker, mais à Weedville et il lui a affirmé qu'il pourra trouver un bus à Torboro pour rejoindre Rocker, alors il se dit que c'est du pareil au même pour lui, le routier l'a déposé un peu après le croisement de Restabit road. Il ne peut s’empêcher de s'en vouloir, il avait un peu mal pris la dernière discussion avec son frère :
– Putain, mais t'es fou, t'aurais pu te faire griller ! Il faut que tu déguerpisses, je suis désolé !
– Laisse-moi le champ libre cinq secondes et je m’exécute !
- Tu n’y es pour rien, hein, Frangin ?!
- Écoute, j’étais planqué dans le hall, je voulais juste un truc à grailler ! Tu penses bien que si je venais à peine de monter, on m’aurait aperçu !
- C'est trop dangereux pour nous, je ne suis pas prêt à annoncer ton existence ! Prends du fric, trouve-toi un motel à Rocker et restes-y quelques jours, quand ça se sera tassé ici, j'aviserai, mais l'une de mes plus proches amies vient de se faire poignarder, tu vois et tout ça, c'est trop à gérer, tu comprends ?
- Je ne vais pas être encore un poids pour toi, tu as besoin de temps, je comprends, je me casse !
Il fait un peu froid et les bagnoles se font rares, mais bon, il a fait une promesse, il s'y tient, et mieux vaut qu'il marche sinon il va finir congelé. Elle conduit à vitesse normale, prenant le temps, elle trouve que cet entretien avec ce stupide agent du FBI ne sert strictement à rien, mais autant ne pas prendre de risques si ça permet qu'il lui lâche la grappe. Lorsqu'elle aperçoit le jeune homme blond qui marche sur le bas-coté de la route, le pouce en l'air, elle n'en croit pas ses yeux, elle doute que ce soit lui, elle le dépasse, vérifie dans son rétro, il n'y a pas de doute, c'est bien lui ! Elle fait demi-tour, repasse et le regarde encore, il espère sans doute qu'une âme charitable va le prendre, mais non, elle ne peut pas laisser faire ça, il ne peut pas s'en aller ! Elle n'avait pas prévu ça, mais l'occasion est trop belle, pourquoi se priver d'un tel moment de joie ? Il a l'air si calme, si serein ! Il faut qu'il meure ! Et à toute vitesse, elle fonce sur le jeune homme blond, qu'elle hait autant que les autres, il ne comprend pas, ne cherche même pas éviter le choc brutal. Tant pis, elle verra Montclart un peu plus tard que prévu ! Elle prend plaisir à reculer et à repasser sur le corps inerte du jeune homme, cette fois, il n'en rechapera pas !
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