Fyctia
Chapitre 35 OMBRES
Alors qu’Harvey achève le compte, je viens à peine de me glisser derrière des rideaux du séjour. Il passe à côté de moi sans deviner ma présence. Je perçois ses béquilles, et j’ai pitié pour ses efforts à satisfaire un gamin capricieux. Mais très vite, il trouve Lara, coincée derrière le frigo. Mauvaise joueuse, elle maugrée et tout le monde sort de sa cachette, sans la révéler bien sûr. Lara finit par choisir le gage. Harvey, plonge son regard dans le sien, et je la trouve embarrassée, mais séduite. Il lui souffle doucement quelque chose qui m’intrigue.
– Très bien, Lara ! J’aimerais que tu me laisses faire quelque chose !
– Si ça fait mal, sûrement pas ! … »
Lara n’a pas le temps d’objecter, car Harvey s’approche d’elle. Prostrée, elle ne recule pas. Que va-t-il donc faire ? Je le vois alors se pencher sur elle et… Putain, il l’a osé ! Ses lèvres se posent sur celles de Lara qui reste figée sur place, avant de totalement s’abandonner entre les bras de mon cousin et savourer ce long baiser ! Bizarrement, je ne ressens que de l’envie. Tout le monde les siffle, dans des applaudissements, et moi j’observe Sissi qui semble loin dans ses pensées. Après cet émouvant exercice, je fais un coup de coude à Harvey, en le félicitant. J’aurais voulu l’imiter avec ma Sissi, mais sans raison apparente, il y avait un blocage. Comme si je craignais sa réaction. On enchaîne avec deux autres parties, durant lesquelles Marlon échoue à son gage consistant à épeler trois fois l’alphabet à l’envers, et où j'ai dû exécuter un poirier, en essuyant des railleries quant à ma peur (raisonnée, d’abord !) de me faire le coup du lapin.
Je deviens donc le chasseur et, lassé du jeu, propose d’en finir en prétextant l’heure tardive. Pendant cette dernière partie, le cœur n’y est plus. Je suis obsédé par le baiser d’Harvey, et l’insupportable froideur de Sissi à mon égard. M’aime-t-elle encore au moins ?… Cette pensée me fait monter les larmes aux yeux. Je continue à compter, tandis que les autres de la bande s’activent à se cacher au mieux. Sans beaucoup d'entrain, je fais mine de chercher derrière les rideaux du couloir. Je sens quelque chose me frôler, mais je ne peux déterminer la direction prise. Décidé à prendre un peu mon temps, je me rends à la cuisine me servir mon remontant habituel, un verre de lait chocolaté froid. Des bruits suspects se font entendre non loin de moi. Le placard à balais ! J’ouvre brusquement la porte, désireux de surprendre, Maxine a aussi peur que moi de nous retrouver face à face.
– Bon sang, Marsh ! Lâche-t-elle dans des rires nerveux. Tu veux ma mort ou quoi ?
– Désolé, mais c’était trop comique la tronche que t’as fait !
- J’ai volontairement fait du bruit… Pour que tu me trouves.
- Hein ?
Je suis surpris. Que veut-elle dire par là ? Max me scrute en tenant un doigt sur sa bouche. Je sens que quelque chose a changé, elle semble plus volontaire. Ses yeux brillent, et cette ambiance bizarre entre nous me hérisse les poils de la nuque. D’ordinaire, je n’ai pas peur de Maxine, elle est ma meilleure amie après Sissi, mais à ce moment-là, son regard, ses lèvres, ses mains, tout en ce bout de femme me trouble et m’apparaissent comme différents. Max me caresse la joue et chuchote.
- Tu sais, quand tu me demanderas de choisir entre chiche ou vérité ? Eh bien, je choisirai un gage. Mais j’ai une vérité à te dire, à toi seul… Elle me pèse depuis longtemps.
- Pourquoi ne pas la partager avec les autres ?
- C’est trop personnel… Et ça ne concerne que toi.
Encore une confession ! Décidément, c’est la soirée !
- Dis-le-moi maintenant, alors. Je suis prêt à entendre.
- Oui, mais moi, je ne suis pas prête à le dire tout de suite, dans une cuisine, au milieu de balais.
Ah, les filles ! Si compliquées ! Très bien, j’attendrai que tu daignes m’en parler.
Au fond, cela m’arrange. Son regard devenait trop insistant à mon goût.
Elle descend au sous-sol, sans s’apercevoir qu’une ombre la suit. Il y fait frais et sombre, mais cela ne l’effraye pas outre mesure. Rien, et surtout pas Marsh ne peut la déloger de sa formidable cachette. D’ailleurs, qui la retrouvera facilement ? Encore excitée par son surprenant baiser, elle ne voit pas la lame du couteau pointée vers elle. Et c’est avec stupéfaction qu’elle sent l’arme se frayer, dans un coup affreusement bien placé, un chemin dans sa poitrine.
La douleur est si vive, qu’elle ploie sous le choc, inconsciente. L’ombre demeure un instant à l’observer inerte à ses pieds, puis avec vigueur, elle la tire jusqu’à une grosse corbeille. Elle l’y balance négligemment, et finit de dissimuler son corps inerte sous un tas de linge sale. Ainsi s’achève son œuvre macabre.
Je mets fin à la conversation. Je ne me sens pas assez à l’aise ! Pourtant, il s’agit de Max, Rodéo Girl, peut-être celle que je peux considérer comme ma meilleure amie ! Je me détourne de ces yeux bleus luisants en hélant le retour des autres qui nous rejoignent dans le couloir, je me réjouis de la fin prochaine de la partie. On ne s’en aperçoit pas tout de suite, mais Lara manque à l’appel, aucun de nous n’a d’idée sur sa cachette, nous l’appelons encore et encore sans succès. Lara aime se faire désirer, mais là, j’ai ma dose d’enfantillages, et plus énervé qu’inquiet, je propose que l’on se divise en groupes pour la chercher.
– J’ai eu chaud ! Il a failli me toucher ce balourd ! Bon ! Me voilà bien ! Impossible de redescendre au sous-sol, il y en a deux ! Et cinq autres entre la cuisine et le salon. Pourvu que personne n’ait envie de pisser ici, sinon ça va être ma fête ! En plus je commence à avoir la dalle, à les écouter s’empiffrer de petits fours ! Faut que je trouve une sortie !
La forme noire réfugiée dans la salle de bains de l’étage reprend son souffle. Elle met quelques secondes à identifier les sons venant du rez-de-chaussée, apparemment quelqu’un ne veut pas sortir de sa cachette. Du coup, le balcon est libre, elle se dirige par le même endroit par lequel elle avait réussi à entrer quelques heures plus tôt. La forme noire n'avait à cet instant absolument aucune mauvaise intention, au contraire, mais son frère n'était pas prêt à lui ouvrir les bras, en plus ça grouillait de flics dans tous les coins, autant retourner dans le grenier au-dessus des chevaux, ça sent un peu mauvais, mais au moins personne ne pensera à venir l'y chercher.
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