Fyctia

Benjamin

Je suis Chloé en gardant mes distances, depuis que nous avons passés le hall d'entrée. Son amie, la blonde que j'avais entraperçue dans son appartement, nous attends devant l'accueil. Bien évidemment elle me toise un instant, comme si elle venait de voir un fantôme, avant de se reconcentrer sur la raison de notre présence dans cet hôpital. Dieux merci! Elles échangent des amabilités du genre "tu en a mis du temps, morue". Ce à quoi Chloé répond par un "Désolée. On a croisé tes copines beuglantes et ruminantes sur la route. Sur le coup, j'ai cru que tu étais de sortie".

Le grand amour, quoi.

Je ne suis pas expert en relations sociales, loin de là, cependant j'imagine que c'est la façon qu'à trouvé son amie pour signifier à Chloé que tout va bien. C'est donc le cœur un peu plus léger que nous suivons la blonde jusqu'à une des chambres du deuxième étage. Je tique devant la double-porte de l'ascenseur et leur annonce que je vais prendre les escaliers. Encore.

Cependant je ne fais qu'échanger un calvaire contre un autre. Je croise pas moins de cinq infirmières avant de retrouver les filles. Évidemment elles me reconnaissent toutes, et bloquent en me voyant; quoi de plus normal, puisque d'après les magazines spécialisés, je suis un comédien pour midinettes. Pas un "acteur"; un "comédien". Certains m'ont même comparé aux Boys-Band des années 90; des chanteurs de seconde-zone, sans réel talent, tout juste bon a exposer leur corps de rêve et leur belle gueule.

C'est la raison pour laquelle Caroline a trouvé judicieux d'orchestrer mes fausses fiançailles avec Djina: Me donner une image plus mature, tout en boostant la carrière de ma fausse "fiancée".

La chambre est bondée à notre arrivée. Deux jeunes hommes font face a un lit occupé par un troisième. Un barbu d'environ vingt-trois ans, au crâne rasé sur les côtés. Le sommet de sa tête arbore une tignasse sombre sous un bandage blanc. Le blond à notre gauche, se détourne dans notre direction alors que Chloé et son amie franchissent le seuil. Il offre un sourire à Miss Chemises à carreaux, avant de se raviser en remarquant ma présence, bien que je me tienne prudemment dans le couloir, le cœur serré par l'angoisse. La blonde lui adresse un geste du doigt, comme pour lui dire "no comment", auquel il répond par un hochement de tête. À son côté, un grand brun athlétique n'a pas la même retenue; il me dévisage longuement en serrant la mâchoire. Le front plissé. Je sens que nous n'allons pas être ami, mais qu'importe. J'ai l'habitude.

De toutes façon, je n'ai pas besoin d'amis.

—Il s'en sort avec quelques bosses et une migraine, annonce une jeune femme qui nous a rejoint.

Je constate immédiatement qu'elle porte une blouse d'infirmière, néanmoins elle semble proche de Chloé et ses camarades. Ce qui se confirme lorsque cette dernière la prend dans ses longs bras maigres.

—Cet abruti s'est cru dans G.T.A, baragouine le brun alors que Chloé, libérée de l'étreinte, se dirige vers le jeune homme, allongé sur le lit. Heureusement il n'y a que de la taule froissée et quelques bleus.

Il écarquille de grands yeux chocolat qui s'illuminent en présence de Chloé. Avant de se ternir en se posant sur moi.

—Qu'est-ce qui t'a pris de nous faire une frayeur pareille? le gronde-t-elle.

—Je peux savoir depuis quand ça t'intéresse? grogne le barbu façon hipster.

—T'es juste con, ou tu le fais exprès? s'emporte Chloé, les bras croisés sur sa poitrine. Tu es mon ami, grogne-t-elle à son tour.

Automatiquement, le visage du jeune homme se ferme à l'évocation du mot "ami". Il en pince pour la petite brune, totalement barjo. C'est aussi évident que sa barbe est longue.

Il n'y a que Chloé qui ne semble pas le voir.

Chloé

Je m'inquiète pour Mikado. Il est grognon, froid et mis à part à mon entrée, il ne m'a pas adressé le moindre regard depuis que je suis arrivée. Ce n'est pas dans ses habitudes.

Sév contourne le lit pour vérifier les mesures des appareils qui entourent Mika et pour prendre sa tension. Ce dernier rouspète dans sa barbe.

—Bon, tu vas me laisser sortir, maintenant?

—Certainement pas. Tu vas devoir rester en observation, le temps que l'on puisse te faire une I.R.M.

Mika râle. Il ne comprends pas pourquoi Sév ne lui fait pas tout les examens, maintenant. Mais elle argumente et fini par le calmer.

—Je vois pas pourquoi tu es si pressé de partir, ricane Dylan. Mec! tu es entouré d'infirmières sexy!

Sév le fusille du regard.

—Bravo, gars! Très subtil, s'esclaffe Dim.

—Depuis quand tu es expert en subtilité? le reprend Dylan, reportant malicieusement la conversation sur Dim, espérant certainement que Sév oublie ce qu'il vient de dire.

—Je... t'en... merde, souffle Dim.

—Waouh! une vraie leçon de "subtilité"!

*

* *

Les garçons poursuivent leur "petit débat", tandis que Steph ne peut s'empêcher de mettre son grain de sel. J'ai l'opportunité de me retrouver seule à seule avec Sév, lorsque Benjamin m'annonce d'un signe de la main qu'il va se chercher un café. Sév suit son départ des yeux, les autres, trop préoccupés par leur échange, ne le voient pas partir. Puis elle se tourne vers moi.

Je sais déjà ce que Sév va me dire et la coupe avant même qu'elle n'ait ouvert la bouche; j'ai plus important à gérer, là, tout de suite.

—Tu... demandés-je en me raclant la gorge. Tu penses que tu pourrais m'avoir une pilule du lendemain?