Fyctia
Chapitre 15
Vendredi soir, après une énième nuit passée la tête enfouit sous l'oreiller, pour atténuer les bruits provenant de la chambre de Séverine. En vain. Et une très, très longue journée studieuse durant laquelle j'ai bien dû avaler vingt tasses de café bien fort, je suis une véritable pile électrique!
Il y a ça, et la remarque de Steph —concernant mon cul et une sordide histoire de licorne . Depuis deux jours, j'ai l'impression que mon postérieur prend du volume chaque fois que j'y jette un œil. J'ai des envies de meurtres! Pour bien arranger mon état, Steph ne cesse de brandir un "Voici", qu'elle fait passer à chacun de nos amis. Le "sujet Benjamin Gaven" est de retour sur toutes les lèvres, posant fièrement lors de-je-ne-sais-quelle soirée mondaine.
Les garçons ne s'attardent pas trop sur le bel étalon et préfèrent focaliser leur attention sur une grande rousse aux allures de mannequin de lingerie fine, mettant en avant son physique plus qu'avantageux. Seul Dylan est sur la retenue. J'imagine qu'il ne veut pas mettre à mal sa relation avec Sév en vantant les mérites d'une autre, juste sous ses yeux. Les filles, elles, ne tarissent pas d'éloges concernant l'Adonis. Tous oublient le plus important:
—Il y a une de mes chemises en une de "Voici", tentés-je de leur faire constater. Évidemment, c'est la cadet de leurs soucis!
—Arrêtez de baver, les mecs! Se moque Steph. Elle est beauuuucoup trop bien pour vous!
Dim la toise, automatiquement. La mâchoire plus serrée que jamais.
—Parce que tu penses avoir une chance avec ce type, peut-être!
— Évidemment! rétorque-t-elle. C'est un mec, il suffit d'être une fille pour avoir une chance. Et tu oublies que je l'ai déjà rencontré, moa! Techniquement, ça me donne un avantage!
Le front de Dim se fronce. Je décide de venir à son secours. Pas pour le défendre, hein! juste parce que j'ai une occasion de clouer le bec de Steph et ainsi venger l'affront sur mes fesses!
—Oui! Je te rappel que tu n'as rien su dire, ce jour-là! Tu as à peine pu ouvrir la bouche!
Et Bam! Je pense l'avoir mouchée, mais c'est sans compter sur son sens de la répartie et son côté lubrique.
—Et alors? je ne vois pas où est le problème, assure-t-elle. Il suffit que j'ouvre la bouche! Et je sais très bien le faire! ajoute-t-elle en mimant un geste du poing vers sa bouche.
J'abandonne. Steph est bien trop forte à ce jeu-là. Cependant, il est hors de question que je m'attarde davantage dans le salon, à les écouter parler de Benjamin Gaven et de sa fiancée. Il faut que je pense à autre chose, que je l'oublie et que je profite de cette veille de week-end pour retrouver mes pinceaux.
Retournant dans ma chambre, je referme la porte sur un nouveau débat lancé par mes colocs. À savoir: Quel film regarder ce soir. Avec un peu de chance, Dylan et Sév feront une pause côté sexe et je pourrais enfin fermer l'œil. "Ouais, crois-y!" me susurre ma petite voix intérieure.
Enfin un peu de tranquillité! écouteurs aux oreilles, j'entreprends de terminer le tableau que j'ai commencé le week-end dernier, lorsque, au bout de deux heures, Steph apparaît derrière moi. Je sursaute, laissant échapper mon pinceau qui déraper sur la toile. Une semaine de travail foutue en l'air en une fraction de seconde!
—Quoi? fais je en me tournant vers mon amie.
—On voulait savoir si tu préfère Thaï, ou mexicain ce soir, bredouille Steph, l'air sincèrement désolé.
Je bougonne un "faites comme vous voulez", et elle retourne au salon en répétant ses excuses. Finalement, ce sera Thaï.
Comme je m'y attendais, le tableau est tout juste bon pour partir à la poubelle. Je ramasse mes affaires et les ranges, frustrée, avant de revenir vers le chevet et aller bazarder la toile dans la benne à ordures. J'en oublie que la peinture est encore fraîche. Je m'en fous partout. "Parfait, il ne manquait plus que ça!", me dis-je après avoir flingué ma chemise du vendredi. Il ne me reste plus qu'à l'imbiber d'ammoniac et croiser les doigts pour que ça parte!
Je saisi la bouteille dans la commode attitrée à mon matériel de peinture, lorsque mon téléphone sonne. Bordel de merde! Le nom de Caroline Thillier s'affiche sur mon écran et renvers l'ammoniac sur le tapis!
—Allô! bredouillés-je en me réfugiant sur le lit, afin d'éviter de m'en mettre plein les chaussettes.
—Bonsoir Mlle Carrio. Caroline Thillier, déclare-t-elle.
Je réponds timidement en regardant la flaque se propager à mes pieds.
Caroline m'explique qu'elle a discuté de mon scénario avec Benjamin et mon cœur s'arrête de battre, attendant le verdict. Il y a du travail. Beaucoup de travail, assure-t-elle. Néanmoins Benjamin et elle pensent que j'ai du potentiel. Elle me propose de retourner la voir, demain à son bureau, pour en parler. J'accepte, bien sûr. Une telle proposition ne se refuse pas!
Je retourne au salon comme une furie, évitant de justesse de glisser sur la flaque d'ammoniac qui recouvre à présent le sol de la chambre:
—Oubliez le Thaï de ce soir. Soyons fous, commandons Chinois !
3 commentaires
Patricia Eckert Eschenbrenner
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Il y a 2 ans
AnnaK
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Il y a 2 ans