Fyctia
Alléluia !
J' enroule mes doigts autour de la barre en bois, qui soit dit en passant, s'effrite passablement.
Il ne manquerait plus que mon fessier comprimé dans l'étoffe soyeuse de ma robe se retrouve à l'eau, barbotant en pleine vase. Imaginez le calvaire !
Alors, j'ordonne à mes jambes de me donner le temps de reprendre mon souffle, et de me tenir encore quelques minutes debout sans trembler. Et je vous jure que ce n'est pas chose facile, alors que Léo s'avance pas à pas vers moi, dans l'obscurité. Seule la lune, met en valeur ses yeux clairs. Il est beau comme un Dieu.
C'est peu dire, croyez moi !
En grand perspicace, il a bien compris que mon anonymat le plus total, ici, face à ceux qui m'ont vu grandir, m'a totalement retournée.
Il veut jouer. Je vais miser sur la franchise. On verra ce qu'il répondra.
Mes yeux fixent le regard translucide du bel étalon qui avance en ma direction. Je papillonne des cils telle une biche énamourée, et mon cerveau, qui ne baigne pas encore totalement dans l'eau de vie à 50 °c de Papy Dédé, me hurle de mettre fin à ces mimiques ridicules.
Heureusement, la pénombre dissimule mes pauvres signaux de charmeuse débutante. Et j'arrive tant bien que mal à articuler :
- Je suis sûre que tu es ravi de voir à quel point je suis transparente ici.
Encore vexée comme un pou, je reprends ces propres attaques. J'ajoute, plus bas :
- En effet, rien n'est acquis...
Ma voix se perd dans un murmure presque imperceptible.
Je suis étonnée quand il avance encore d'un pas tout en me répondant, sans flancher :
- Tu n'as toujours pas compris n'est-ce pas ?
Quoi ? Qu'il déteste les romans sentimentaux ? Qu'il m'a embrassé pour me déstabiliser et se rendre compte à quel point la gentille Sofia ne sait pas dire non, même au plus con des garçons ? Qu'il me prend pour une écervelée sans talent littéraire ?
Mon silence remplace la réponse. Il continue, toujours en avançant progressivement dans ma direction.
- Tu n'as jamais pensé que tu avais mal interprété mes paroles ?
Laissez moi rire ! Je ne suis pas dupe. Ni naïve. Gentille d'accord, mais pas conne. Je laisse échapper un rire plein de sous entendus.
Un pas. Un aveux. J'hallucine.
Je le laisse mener sa barque. Mais je sais que je ne le laisserai pas faire comme bon lui semble cette fois ci.
Il m'attire, et l'alcool me pousserait bien à me jeter sur lui et à enrouler mes jambes autour de sa taille musclée comme un koala sur sa branche. Mais une petite lueur de lucidité me pousse à le laisser parler et à voir où il veut en venir avant de me ridiculiser comme une adolescente.
- Transparente. C'est ce que j'ai dit, oui.
Il ne me laisse pas le choix que de l'interrompre.
- En effet, et ça m'a blessée.
C'est sorti. J'ai l'impression de me confesser.
- Non pas que tu sois invisible...
Ah ?
- Juste que tu laisses tout transparaître.
Oh non ! C'est trop facile. Bizarrement, j'attends la suite.
- On lit en toi comme dans un livre ouvert.
Encore un pas. Il s'arrête à une distance plus que respectable et même si j'ai l'envie irrépressible de continuer là où notre étreinte imprévisible s'est arrêtée quelques jours plus tôt, je meurs d’impatience d'en savoir plus. Et comme s'il lisait dans mes pensées, il continue sur sa lancée.
- J'ai dit prévisible aussi. Je suis journaliste Sofia. Je cerne les gens. J'apprends à détecter la moindre émotion qui passe. Chez toi, c'est si facile. Tu as lu mes ébauches ?
Euh ? Merde. Je mens ?
Non, ce soir c'est la soirée où je veux lever le voile sur le mystère qui plane au dessus du mystérieux Léo. Alors je décide d'être franche. S'il me cerne aussi bien qu'il le dit, il doit savoir que c'est dans mes habitudes.
- Non.
Il sourit. Si timidement, que ça m'en fout la chair de poule.
- Alors, tu ne sais pas encore que je t'ai décrite comme une personne sensible et attachante. Une charmante auteure à succès sentimentaux qui laisse parler son cœur et qui se laisse guider par une myriades d'émotions. Dans ton roman, tu dépeins l'innocence comme une arme et c'est la force de ton héroïne, comme c'est la tienne aussi. Tu es franche, décomplexée et tu assumes tes choix et ta vision de la vie facile. Celle que tu cherches à possédée. Tu t’affranchis de toutes ces règles de l'apparence et des lois de la vraisemblance. Ton visage en dit long sur les sensations que tu ressens. Ton sourire laisse apparaître tous les petits bonheurs qui t'entourent.
Il reprend son souffle et moi je me liquéfie sur place. Heureusement que ma robe fourreau me compresse, car je ne sens déjà plus mes jambes.
Il secoue la tête et se masse légèrement la nuque. Je le surprends à être...gêné ? Léonard Joret gêné ! C'est une grande première, et je me félicite de le tourmenter. Mon silence le pousse à reprendre son monologue.
- Je déteste les romans à l'eau de rose. Je suis un homme et le sentimentalisme m'oppresse. Mais tu es différente. Ton bouquin ne l'est pas. C'est juste toi. Ta personnalité, ton attitude et ta joie de vivre. Quand tu m'a parlé de tes inspirations, tout s'est éclairci. J'ai su que j'avais raison.
Un pas de plus.
- Je suis désolé de t'avoir blessée. Sincèrement. Tu as du talent. Un vrai talent. Celui de fuir les mauvais regards et de leur démontrer qu'ils ont tord. Je t'ai poussée à le faire. Et j'avoue que tu as réussi. Avec brio.
Le dernier pas le place à quelques centimètres de moi. Mes mains se resserrent sur cette fichue barre en bois et je prie pour qu'elle ne cède pas sous le poids immense de l'émotion qui jaillit en moi à ce moment là. Il penche légèrement la tête, et je sens son souffle dans le creux de mon cou juste en dessous de mon oreille. Les frissons s'emparent de moi.
- Il y a juste une chose que je n'ai pas mentionné...
Ma poitrine va exploser, mon cœur fait des sauts périlleux et les papillons qui virevoltent au creux de mon estomac battent des ailes si fort que j'ai peur qu'ils ne s'envolent trop vite.
Tout doux ! Léo joue. Il vient de l'avouer.
-...tu as le don de rendre passionné tous ceux qui t'approchent. Moi même, tu m'a envoûté...
Oh my God ! Même s'il joue, il est fort parce que mon cœur d’artichaut est archi-cuit.
Juste une chose me tracasse. Une chose sur laquelle mon cerveau engourdi par cette déclaration inattendue n'arrive pas à démêler.
- Pourquoi tu m'as embrassée ?
Quoi c'est vrai ! Maintenant qu'on passe aux aveux inavouables, je veux savoir. C'était un bonus ?
Là, je ne souhaite qu'une chose, qu'il ne botte pas en touche. Sa réponse va tout changer.
Il s'écarte de moi, légèrement, et je retiens ma respiration.
- Dans Innocence, tu livres tout. L'émotion, la tendresse, l'envie, la franchise, l'amour...mais pas la fougue et la colère. Je veux seulement faire ressortir le meilleur de toi même.
Bonne réponse.
Mes lèvres se posent sur les siennes avec vigueur. Il a laissé tombé le masque.
C'est doux, c'est chaud, et plus que mes verres de Ratafia, ça m’enivre.
Alléluia !
Ce soir, enfin, on est ex-æquo.
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Soleil Cricri Wttpd
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