Fyctia
Soupirs et soupirants
Mécaniquement, je frotte sans discontinuer sur le cuir vernis de mes chaussures. Ma colère ne désemplie pas, même en m'acharnant comme une lionne sur la pointe de mes escarpins.
Comment a-t-elle pu ?
Mais c'est vrai ! Rendez-vous compte : ma mère a, sans aucune gêne et sans me consulter, invité Mister Freeze à sa soirée choucroute déguisée en gala de charité !
Et ma seule réaction a été de lâcher mon trésor de mignardises. Imaginez le désastre ! Eclair au chocolat, mini baba au rhum et chouquettes au sucre venant lamentablement s'écraser sur le seul reste de ma dignité : mes superbes stilettos à 150 euros.
Là, tout de suite, je vois mal comment je peux encore parler de positivité !
- Oui, voilà.
Le téléphone coincé entre mon épaule et l'oreille, ma Spontex à la main, j'écoute Alix et ses conseils bien avisés.
- Pas de panique Soso. Justement, ta mère a raison, peut être qu'en te découvrant dans ton environnement familial, Léonard pourra étayer son article et redorer ton image d'auteure en vogue...
- Alix...Il ne peut pas me piffer, je te rappelle ! Il n'est payé qu'à me suivre et à trouver de quoi s'empocher la confiance du boss de chez Write&Cie !
Je crie presque. Mais Alix, sereine, reprend :
- Ok Sofia...mais il y a eu ce baiser, et souviens-toi que ça t'a chamboulée...
- Mais justement Alix, justement...
Je grogne en voyant mes escarpins complètement rayés par le gratte-gratte méthodique de mon éponge, je les jette dans l'entrée en un bruit assourdissant.
Je soupire et me masse les tempes.
- Justement quoi ?
Elle me tire les vers du nez là ou je rêve ?
- Justement ! Juste justement !
Elle émet un rire à peine audible au bout du fil.
- Lily avait raison l'autre soir. Tu en pinces Soso...
Harassée de cette journée mouvementée, j'abdique piteusement et m'affale dans mon fauteuil fétiche.
- Je n'en pince pas Alix. Il me déstabilise. Il joue. Malheureusement, je n'arrive plus à savoir de quel côté est la balle.
- Dis-toi qu'elle est au centre chérie !
- Mmmm....
J'ai de gros doutes. Même si Léo reste muet sur notre baiser chaud bouillant de l'ascenseur, il continue de me démolir à la moindre occasion. Et même la grande et puissante caractérielle que je suis, avoue avoir pris du plomb dans l'aile. Je veux jouer, c'est sûr, et voir ce qu'il cache sous son masque mutique, mais tout ça est si décousu que j'en ai des maux de tête.
- Sexy Sasha m'appelle, je dois y aller. On se voit jeudi ?
(Sexy Sasha : boss ultra méga hypra sexy d'Alix, pour qui elle se plierait en dix chaque seconde...)
- Oui, à la Terrasse comme d'hab'.
- Ok, on en reparle. Bisous ma belle.
- Bisous. Et Alix ?
- Mmmm?
- Merci.
- Pas de quoi !
Elle raccroche aussi sec.
Je jette mon portable qui se perd immédiatement dans les coussins du canapé, en face de moi, et repose ma tête sur le dossier de mon club adoré. Et je soupire. Trois fois. Puis quatre. Je suis éreintée de cette bataille silencieuse et platonique que me mène Léo. Sans aucun doute, il me plaît. Physiquement il a tout de l'homme qui m'attire. Mentalement, il est intelligent. C'est un silencieux observateur. Et surtout, avec lui, je ne contrôle plus rien. Mes gestes sont moins vifs, mon cœur s'emballe au rythme d'un stress que je ne connais pas, ma grande gueule savoure les délices d'une Sofia aphone face à des répliques tranchantes et mes poils se hérissent à chaque sentiment que je traverse en sa présence.
En bref, je suis complètement dans la merde, car Alix n'a pas forcément tord. J'en pince peut-être.
Oulà ! Je vous vois venir... J'ai dis peut-être hein !
Cinquième soupire.
Puis soudain, j'ai une illumination.
Ma mère a dit samedi 14 ?
Mon moment larmoyant et esseulé mis de côté, je plante mes pieds au sol et cherche mon agenda du regard. OK. Pas de panique, il est forcément parmi tout ce fatras. Je me mets frénétiquement à soulever les amas de fringues qui traînent sur les tabourets de bar et sur mon canapé pour enfin trouver mon précieux carnet.
Rose. Oui et alors ? Je suis une princesse. Avec un popotin taillé dans du 42 mais une princesse quand même.
Samedi 14...
Voilà ! Je le savais !
C'est JUSTE dans trois jours.
Je n'avais pas vraiment percuté, mais maintenant les pièces du puzzle commencent à s'assembler comme dans un bon vieux Tetris. Ma mère (cette insolente de mère plutôt) connaissant ma faculté nullissime à me situer dans les dates et encore plus depuis que je n'ai plus aucune contrainte horaire ni journalière, a décidé de me mettre devant le fait accompli.
Et moi, l'imbécile que je suis, j'ai sauté dedans à pieds joints. Elle à même réussi, en prime, à me coller Mister Freeze dans les pattes, sans savoir qu'il demeure, à l'heure actuelle, la plus grande énigme de ma vie des mecs à conquérir !
Vite, un remède à tout ça !
Une vodka ?
Je suis à bout d'une journée fatigante et abusive en terme de fiasco, mais je n'ai pas encore la tête d'une alcoolique notoire qui boit seule dans son salon.
Non. Pour ma part, ce n'est pas mon foie que je dois contenter pour gérer mon stress mais plutôt mes doigts qui commencent à picoter.
J'ouvre mon Mac et mon fichier nommé "Inintitulé", et je m'affale une fois de plus, mon ordinateur sur les genoux.
Sixième soupire. Mais cette fois de pur bonheur.
Et mes doigts se mettent à valser, à danser et à parcourir le clavier tels des automates. Comme s'ils étaient connectés à jamais, je ne retiens plus rien et mes idées fusent. Les touches de plastiques résonnent en un bruit de cliquetis parfait, une ode à l'écriture si connue de tous mes sens. Je souris à cette détente presque jouissive.
" Julia passe et repasse en boucle cette chanson des années trentes qui l'a rend complètement dingue. Dingue de lui, de son rire et de sa douceur de vivre "
" Julia pense à lui. Chaque jour et chaque seconde. Il est son filet, son point d'encrage dans sa vie démesurée : elle voudrait juste lui dire merci "
J'entame la dernière partie de mon chapitre quand un coup assourdissant résonne à ma porte. Je lève les yeux, étonnée de ne pas entendre celle de mon voisin s'ouvrir avec fracas, comme chaque soir lorsqu’il rentre de son boulot de serveur. Luis est un mexicain pure souche qui s'éclate à Paris. Et moi, j'ai appris à dormir avec des boules Quies quand mon héros d'à côté rentre accompagné.
Un second coup.
Je frissonne et me lève laissant à regret ma Julia sentimentale.
Je me dirige vers la porte. La pénombre de mon appartement n'indique en rien ma présence et je consulte l'heure.
23h42
Mince alors, qui peut bien faire ce boucan à cette heure ?
Par le judas, j'essaye tant bien que mal de savoir d'où provient ce bruit.
Septième soupire. J'ouvre ma porte et un poids mort s'écrase à mes pieds.
Huitième, neuvième et dernier soupire.
Qu'est-ce qui pourrait être pire qu'un Jonas rond comme une queue de pelle bavant sur mes chaussettes en pilou ?
Ma journée se termine en beauté on dirait...
18 commentaires
Missperlyam
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Il y a 8 ans
Soleil Cricri Wttpd
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Il y a 8 ans
Myjanyy
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Il y a 8 ans
SFANS
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Il y a 8 ans
Myjanyy
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Il y a 8 ans
LAETITIA SHAYDEN
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Il y a 8 ans
Myjanyy
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Il y a 8 ans
watermelonsteal
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Il y a 8 ans
Myjanyy
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Il y a 8 ans
Jessica Charles
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Il y a 8 ans