Fyctia
Fougueuse (2)
Ma tête percute le miroir, et deux grandes mains brûlantes viennent délicatement prendre mon visage en coupe. Ses yeux verts d'eau ne me quittent pas. Mes mains sont crispées à la rampe derrière moi et mon souffle se fait haletant.
Mon cerveau réagit soudainement : Léo vient d'appuyer sur le bouton d'arrêt d'urgence.
Qu'est-ce qu'il fout bordel ?
Et même si au fond je connais déjà la réponse et que tout mon corps en est tétanisé, j'arrive à ouvrir la bouche et à prononcer d'une voix rauque et agressive :
- C'est quoi ton problème ?!
C'est vrai quoi ? Soit il a décidé d'assouvir un fantasme de mâle dominant dans ce foutu ascenseur, soit il me déteste au point de m'étrangler sauvagement.
Dans les deux cas, c'est tombé sur moi.
Dans les deux cas, je suis dans une merde pas possible !
Il sourit. De ce sourire imperceptible qui brise, histoire d'une faction de seconde, la glace solide qui le définit. Mon cœur bat à cent à l'heure. Et je sens la colère monter en moi comme une fusée.
Je décide de pousser plus loin l'image de la gamine boudeuse et je me met à me débattre furieusement. C'est bien sûr sans compter sur la force physique qui nous sépare.
Même bien bâtie (on me surnommait Laure Manaudou au lycée), et mon 42 bien tassé, il faut bien avouer que je suis totalement impuissante contre son corps qui ressemble tout bonnement à une montagne de muscles.
Mes petits coups de poings effrénés ne le font même pas vaciller d'un millimètre. Et lui, ses yeux transcendants dans les miens, continu de me sourire. Je sens son souffle chaud sur mes lèvres.
Et si je criais ?
Ou pire, si je hurlais ?
Ok, je crie !
- Chhuutt....
Il pose son index bouillant sur mes lèvres entrouvertes et m'ordonne de me taire.
Et moi, Sofia Segianelli, la grande gueule au caractère loufoque et déjanté...je la boucle ! Croyez le ou non. Pourtant mon cerveau me hurle de lui dévisser les bourses à grands coups de genoux, mais mon corps ne répond plus de rien.
Allô la Terre ?
Et d'une manière plus que soudaine, il pose délicatement sa bouche sur la mienne.
Ses yeux restent ancrés aux miens comme hypnotisés. Raide comme un piquet, je reste immobile et un frisson me parcours quand il mordille légèrement ma lèvre inférieure.
Le seul muscle qui n'est pas sous l'effet d'une paralysie temporaire est mon cœur, qui tambourine inlassablement. Mon cerveau devient comme un gyrophare à la lumière rouge criarde émettant une sirène tonitruante.
Seigneur Dieu ! Sa langue cherche lentement la mienne...et la trouve. C'est léger, doux et délicat. Ses pouces caressent gentiment mes joues rebondies et je sens mon corps s'adapter au fur et à mesure à cet instant si déstabilisant.
Sofiaaa !
Je réagis enfin. Léo est en train de...M'EMBRASSER !
Oui, OK ça ne peut être que ça...ou alors je voudrais me faire étrangler tous les jours. Sa langue dans ma bouche, j'admets volontiers que c'est loin d'être un supplice. Ma paralysie s'efface et laisse place à un face à face électrique. Je ne bouge toujours pas mais lui rends son baiser brûlant de passion. Quand une de ses mains descend le long de ma colonne et agrippe ma hanche, je remercie silencieusement le ciel (et les glaces, et les muffins chocolat et les beignets Gras/Framboise) de m'avoir doté de petit poignets d'amour potelés.
Ça fait si longtemps que je n'ai pas pratiqué ce genre de bouche à bouche lingual que je le laisse prendre les devants en s'appliquant à être un professeur hors pair.
Et moi, je joue l'élève modèle. Première de la classe, les félicitations en prime même !
Tout à coup, notre étreinte chaude et rassurante, s'arrête. Brusquement, Léo se détache de moi et colle son front au mien. Ses yeux éblouissants se ferment et son souffle balaye mon visage. Quand il les rouvrent et qu'il reprend son air détaché, sérieux et glaçant, je m'étonne à ressentir un vide d'une froideur extrême. Il fait un pas en arrière, et toujours en me fixant, il appui énergiquement sur le bouton. L'ascenseur redémarre par petits soubresauts.
Je reste pantelante, les jambes tremblotantes, accrochée fermement à la rampe en bois. Je la serre si fort que mes phalanges ont blanchi et me font un mal de chien.
Quand les portes automatiques s'ouvrent enfin sur le hall de chez Write&Cie, je suis encore collée au miroir, les yeux écarquillés tel un lapin pris dans les phares d'une voiture. Léo reprend son sourire mutin et me lance froidement :
- Tu as oublié quelque chose sur la liste tout à l'heure : je dirais....fougueuse aussi.
Et il sort.
Bordel ! Il SORT et me laisse plantée là comme une pauvre andouille. Je ne bouge plus d'un iota et c'est la langue encore engourdie que je ferme les yeux pour me réveiller de ce mauvais rêve.
- Sofia ?
- ....
- Sofia ?
Je suis dans mon lit et je viens de fantasmer sur mon partenaire mutique et froid comme un congèle. J'ouvre les yeux rapidement et les cligne plusieurs fois. Non. Je suis bien dans un ascenseur, seule et de nouveau au troisième étage. Les portes sont ouvertes et Al me dévisage comme un cas à la psychose élevée.
- Oui ?
- Tu es encore là ? Tu as oublié quelque chose ?
Al monte dans l’ascenseur et se positionne face à moi en appuyant sur le bouton menant au hall d'entrée.
- Non, non. Je croyais...mais non.
Voilà que je bégaye maintenant. Je la sens me dévisager dangereusement. Je me redresse et fais mine d'arranger mes cheveux dans le miroir. Les cheveux en pagaille et les yeux rétrécis je ressemble plus à un pou en furie qu'à la Belle au Bois dormant après le passage du Prince charmant.
Misère !
Et je lui ai rendu son putain de baiser ! Mais quelle idiote je fais !
Si j'y ai pris du plaisir ? Oui.
Mes mains démêlent frénétiquement les dernières mèches de cheveux récalcitrantes.
Si je voudrais recommencer ? Je peux répondre oui ?
Je passe mes doigts sous mes yeux pour effacer le mascara dégoulinant.
Comment je me...
- Sofia ?
Rrrr...elle va me foutre la paix ! J'analyse là !
- Sofia, tu n'as vraiment pas l'air bien...Si c'est à cause de ce problème d'article de Marc VanBrussels, ne t'en fais pas. Nous allons nous serrer les coudes et gérer cette crise en professionnels avertis. Léo va te faire un article clinquant, rassure toi !
Ah oui...c'est vrai...J'ai déjà un problème d'article. Je dirais bien qu'aujourd'hui, j'en ai deux.
Je lui souris et fait une moue approbatrice. Ça a l'air de lui convenir car elle opine du chef de manière déterminée, alors que moi j'ai juste l'impression d'être complètement désaxée. Mon cerveau remet en route sa turbine.
Fougueuse.
Il joue. C'est un enfoiré joueur...et invariablement sexy.
C'est officiel, je suis dans un bourbier impossible.
Entre ma descente aux enfers médiatiques et mon rapprochement chaud bouillant avec un mec hypra démoralisant qui doit me servir de sauveur, je ne peux pas tomber plus bas.
Je déclare officiel le fiasco de ma vie.
Mais qui a dit que je n'aimais pas les hostilités ?
26 commentaires
Missperlyam
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Il y a 8 ans
Soleil Cricri Wttpd
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Il y a 8 ans
Myjanyy
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Il y a 8 ans
Jessica Charles
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Il y a 8 ans
liaflandes
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Il y a 8 ans
Myjanyy
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Il y a 8 ans
LAETITIA SHAYDEN
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Il y a 8 ans
Myjanyy
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Il y a 8 ans
Brett Fantin
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Il y a 8 ans
Myjanyy
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Il y a 8 ans