Fyctia

Personne ne prononça un seul mot sur le trajet du retour jusqu'au chalet. Dawn gardait les yeux rivés devant elle. L'autre type nous suivait, gardant quelques mètres de distance.

Je sentais que j'allais avoir droit à un sermon comme je n'en avais encore jamais eu de la part de Dawn. J'avais bien vu qu'elle ne réagissait pas comme d'habitude. Quand elle m'avait regardé tout à l'heure, dans le bureau, j'avais sentis que j'étais sans doute allé un peu trop loin, cette fois-ci.

Arrivé au chalet, j'allai m'installer à la table de la salle à manger. Inutile d'essayer de prendre la fuite, je savais que je ne m'en sortirai pas si facilement. Dawn resta debout, appuyée contre le plan de travail, les bras croisés et le regard braqué sur moi. Quant à l'autre type, il alla se mettre dans un coin et fit semblant de regarder ailleurs.

-Il est obligé de rester là, lui ? demandai-je.

-Ne t'occupe pas de Greyson. Je crois qu'il y a des choses plus importantes dont on doit discuter.

-Ah ouais, donc vous en êtes vraiment à vous appeler par vos prénoms.

Je vis Dawn se raidir un peu plus.

-N'essaie pas de détourner la conversation, me dit-elle. J'aimerais que tu me dises ce qui t'a pris de te battre avec Derek tout à l'heure.

-Ça changerait quelque-chose si je te le disais ?

-Quoi, il t'a mal parlé, lui aussi ? C'est pour ça que tu l'as frappé ?

-Je te signale qu'il m'a pas loupé non plus.

-Arrête de jouer au plus malin ! Ce qui s'est passé est très grave. La mère de Derek pourrait très bien décider de porter plainte, et vue ta situation ce ne serait pas jouer en ta faveur. Sans parler du fait que Marshall et Eva aurait très bien pu nous demander de quitter les lieux sans plus tarder. Ils sont bien gentils de ne pas avoir fait d'esclandre.

-C'est sur que ça t'aurais pas arranger, hein ? Vue que toi et l'autre vous passez votre temps à vous rouler des pèles.

Je vis l'autre type se tourner légèrement vers nous. Il avait les sourcils froncés et semblait à deux doigts d'intervenir. Heureusement pour lui, il resta à sa place.

-Tu changes encore de sujet, me dit Dawn. Et puis, de toute façon, je ne vois pas en quoi ce genre de chose te regarde.

-Bah voyons...

-Justin, on parle de toi, là. De toi et de ton attitude. Je croyais que les choses allaient mieux depuis qu'on était ici. Et j'avoue que j'espérais que ça continuerait comme ça une fois qu'on serait rentrés. Est-ce que j'ai eu tort d'imaginer une seconde que tu pourrais enfin arrêter tes bêtises ?

-Alors tu le dis enfin.

-Je te demande pardon ?

-Tu avoues enfin que tu en as marre de moi, c'est ça ?

Dawn soupira et se passa une main sur le visage avant de me regarder à nouveau.

-Ne me fais pas dire ce que je n'ai pas dis, me dit-elle.

-Admets-le, t'en as assez de t'occuper de moi.

-Ce que je ne supporte plus c'est que tu te comportes de cette façon au risque de finir comme ton père!

Je la vis blêmir d'un seul coup et elle me regarda avec un regard désolé. Le miens devait être assassin. Je me levai d'un bond et m'avançai vers elle.

-Me parle pas de cet enfoiré, t'as compris, lui dis-je.

-On se calme, mon grand, intervint l'autre type en s'approchant.

-Te mêle pas de ça, toi.

-Justin, me dit Dawn. Calme-toi, ok ? Je suis désolée d'avoir parler de ton père, je...

-Tu penses que je suis comme lui, c'est ça ? Peut-être que je le suis, au fond. Peut-être que je vaux pas mieux que cette merde qu'est me géniteur.

-C'est parce que je sais que tu vaux mieux que lui que je te dis tout ça !

-Ou peut-être que c'est toi qui vaux pas mieux ! Tu joues les filles gentilles mais t'es autant une merde que lui !

-Eh, ça suffit ! dit l'autre type.

-Je t'ai dis qu'on t'avais pas sonné, connard !

Il me saisi par le col et alla me plaquer contre un mur.

-Greyson ! l'appela Dawn.

-Écoute-moi bien, espèce de petit merdeux, me dit-il sans l'écouter. Tu vas me faire le plaisir de te calmer et de présenter tes excuses à ta tante sur le champ.

-Sinon quoi ?

-Tu crois que tu m'impressionnes avec tes airs de rebelle à la noix ? J'en ai mâté des plus coriaces que toi dans ma carrière, et je peux te dire que tu fais pâle figure à côté des mecs que j'ai envoyés en prison.

-Si tu crois que j'en ai quelque-chose à foutre.

Il resserra sa prise et je sentis mes pieds décoller légèrement du sol. Je voyais dans son regard qu'il était à deux doigts de m'en coller une. Mais je tins bon. Il était hors de question que je baisse la tête devant cet abrutit.

-Greyson, lâche-le tout de suite ! dit Dawn en lui agrippant le bras.

-Pas avant qu'il ne se soit excusé.

-Des tes rêves, abrutit.

-Ça suffit !! hurla Dawn. Greyson, lâche-le !

Il la regarda puis revint à moi. C'est visiblement à contrecœur qu'il desserra sa prise et me reposa sur le sol. J'en profitai pour me faufiler entre lui et Dawn et me dirigeai vers la porte de notre salon.

-Justin ! m'appela Dawn en me courant après.

Mais je fus plus rapide. J'atteignis ma chambre avant qu'elle ne me rattrape et lui claquai la porte au nez. Je la verrouillai pour être certain qu'elle ne puisse pas entrer.

-Justin ! m'appela-t-elle en frappant contre la porte. Ouvre-moi, s'il te plaît.

-Dégage !

-Je t'en prie, laisse-moi entrer. On doit parler.

-Mais fous-moi la paix, putain !!

Je balançai le premier truc qui me tombait sous la main contre la porte, à savoir un petit vase en terre cuite qui se trouvait sur le meuble devant moi. Il explosa en morceaux et laissa une trace sur le bois de la porte. Mais je n'en avais rien à faire. Je me fichais pas mal que Dawn doive payer pour le vase cassé ou pour la peinture à refaire. Et je me fichais pas mal aussi de ce qu'elle avait à me dire.

J'étais en colère. Non. J'avais la rage.

Je me mis à tout balancer dans la chambre. J'attrapai les draps et les oreillers pour les balancer dans la pièce. Puis ce fut au tour de mes affaires et de ma valise. Je jetai tout ce qui pouvait se jeter. Si je m'étais écouté, j'aurais même retourné le lit et les meubles. Mais je finis par me laisser tomber par terre, me prenant la tête entre les mains et me bouchant les oreilles pour ne plus entendre Dawn qui m'appelait de l'autre côté de la porte.

J'en avais assez. J'en avais plus qu'assez de tout ça.