Fyctia
Dawn
J'avais dû mal entendre. Ce n'était pas possible autrement, Greyson ne pouvait pas...
Il ne me regardait pas, le regard rivé sur sa tasse comme s'il s'agissait de la chose la plus intéressante qu'il ait jamais vue. En ce qui me concerne, je n'arrivais pas à regarder autre-chose que lui.
-Vous vous êtes fait larguer le soir de Noël ? demandai-je.
Dites-moi que c'est une blague. Dites-moi que le Greyson sérieux et un tantinet bougon était subitement devenu drôle.
Mais au lieu de se mettre à rire et de se moquer de moi parce que j'avais marcher à l'une des farce les plus farfelues que j'avais entendu, il soupira.
-Oui, dit-il.
-J'y crois pas. Votre petite-amie vous a laissé tomber le soir du réveillon ?!
-Pour être plus précis, il s'agissait de ma fiancée.
-Votre fiancée ?!!
Pincez-moi, je rêve ! Je ne savais même plus quoi dire tellement cette histoire me semblait improbable.
J'aurais sans doute dû en rester là et changer de sujet, mais c'était tellement incroyable que je n'arrivais pas à me sortir cette histoire de la tête.
-Mais...comment ? Pourquoi ? On ne rompt pas ses fiançailles le soir de Noël !
-Je ne crois pas qu'il existe de bon ou de mauvais moment pour ça. Toutefois, c'est vrai que ce n'était peut-être pas le mieux choisit.
-C'est vraiment incroyable !
Il releva la tête vers moi et je retrouvai cet air mélancolique qu'il avait l'autre soir. Je me sentis soudain honteuse de lui poser toutes ces questions alors que, clairement, ce n'était pas un sujet qu'il aimait aborder. D'autant plus avec moi, j'imagine.
-Pardon, dis-je. Je ne voulais pas paraître intrusive. Je...ça ne me regarde pas. Désolé.
-Vous vous excusez souvent.
-Quoi ?
-Vous demandez souvent pardon aux gens, même quand vous n'êtes pas sensée le faire. J'ai remarqué ça, chez vous.
Vraiment ? Je n'y avais jamais fait attention.
-Vous n'avez pas à vous excuser, me dit-il. C'est moi qui ai abordé le sujet.
-Mais c'est quand même moi qui vous ai mis sur la voie.
-Vous ne m'avez forcé à rien. Je vous ai dis ça sans réfléchir. Ça m'ait venu comme ça.
Il bu une nouvelle gorgée de son chocolat puis resta silencieux un moment. Je me sentais tellement mal à l'aise que je ne savais pas quoi faire. Je n'osais même pas me lever pour le laisser tranquille.
-Posez vos questions, Dawn, me dit-il.
Je tournai la tête vers lui.
-Au point où nous en sommes, je vous en ai déjà dit suffisamment, me dit-il.
J'hésitai un instant mais, puisqu'il m'autorisait à me montrer curieuse... Non pas que je sois du genre à aimer les ragots, mais je voulais comprendre pourquoi sa fiancée l'avait largué un soir de réveillon.
-Vous saviez qu'elle allait rompre ? lui demandai-je.
Il ricana.
-Si j'avais eu des doutes, je n'aurais pas attendu qu'elle me l'annonce en plein repas de famille.
-Oui, bien sûr, je suis bête.
-Non, vous n'êtes pas bête.
Il se laissa aller un peu en arrière.
-Eva et Marshall nous avaient invités chez eux. C'était quelques temps avant qu'ils ne déménagent ici pour ouvrir le centre. Les travaux étaient presque terminés et ils voulaient passer les fêtes avec nous avant de s'en aller, sachant que ce serait plus difficile à l'avenir, à cause de la distance. C'était aussi la première fois depuis la mort de nos parents que j'allais passer un repas en famille.
-J'en déduis que cet épisode ne date pas de très longtemps.
-C'était il y a trois ans. J'étais heureux de passer Noël avec ma sœur, mon beau-frère et ma fiancée. D'ailleurs, on devait leur annoncer la bonne nouvelle ce soir-là. Je l'avais demandé en mariage une semaine avant.
Oh, bon sang...
-Bref... En nous rendant chez eux, j'avais bien vu qu'elle se comportait différemment. Elle restait étrangement silencieuse par rapport à d'habitude. Je m'étais dit que c'était parce qu'elle était nerveuse de leur annoncer la bonne nouvelle. Et puis, au moment où j'ai voulu le faire, juste avant le dessert, elle a demandé à me parler seule à seul. On s'est isolé et, là, elle m'a dit qu'elle pensait que c'était une erreur. Qu'elle n'était pas prête à se marier.
-Mais elle avait accepté votre demande, pourtant.
-Oui, mais elle m'a dit qu'elle avait paniqué à ce moment-là et qu'elle n'avait pas su quoi répondre d'autre. Elle m'a aussi avoué qu'elle trouvait que les choses allaient trop vites entre nous et qu'elle n'était pas prête à s'engager sur le long terme.
-Vous étiez ensemble depuis combien de temps ?
-Six ans.
Six ans de relation et elle trouvait que les choses allaient trop vite ?! Cette femme était dingue ! Mais je me gardai bien d'exprimer ma pensée à voix haute.
-J'étais tellement choqué que je n'ai pas su quoi lui répondre, continua-t-il. Elle m'a dit qu'elle était désolée et elle est partie, tout simplement. Eva et Marshall avaient entendu quelques bribes de notre conversation. Ils n'avaient pas su quoi me dire non plus. Autant vous dire que le dessert a eu un goût amer, ce soir-là.
Il termina son histoire en buvant le reste de son chocolat chaud. Le miens commençait déjà à refroidir comme je n'y avais pas touché depuis un moment. J'étais encore abasourdie par ce que je venais d'entendre.
-Eh bien..., finis-je par dire. Je comprends maintenant pourquoi vous détestez Noël.
Il eut un petit sourire triste.
-Je devrais sans doute tourner la page et ne plus me prendre la tête avec ça mais, chaque fois qu'on approche de la fin de l'année, je ne peux pas m'empêcher de repenser à cette histoire et au fait que j'ai perdu six ans de ma vie pour une relation qui n'en valait pas la peine.
Je pouvais entendre l'amertume dans sa voix. Remarque, je suppose que je serais comme lui si j'avais été à sa place.
-Ce n'est peut-être pas une consolation, lui dis-je, mais dites-vous que c'est sans doute mieux qu'elle vous l'ai dit plutôt que d'être resté avec vous plus longtemps et que, au final, vous auriez tous les deux finis par être malheureux. Même si ça n'enlève rien au fait que c'était horrible de sa part de le faire ce soir-là en particulier.
Il me regarda de nouveau et, cette fois, son sourire se fit plus chaleureux, même s'il avait toujours cet air triste dans le regard.
-Je ne sais pas comment vous faites pour voir toujours le bon côté des choses, me dit-il.
-C'est facile. Vous pensez à ce qui ne va pas, puis vous chercher à trouver ce qui fonctionne. On oublie vite les mauvaises choses avec cette méthode.
-Je devrais peut-être essayer.
Je lui souris en retour et, dans un geste purement instinctif, je posai ma main sur la sienne. Il parut surpris mais, après quelques secondes, resserra ses doigts autour des miens. Je sentis alors comme une vague de chaleur remonter le long de mon bras et se frayer un chemin jusqu'au creux de ma poitrine.
Mon cœur se mit à battre plus vite et des frissons remontèrent le long de mon dos. Je n'aurais su dire lequel de nous deux bougea le premier mais, ce que je sais, c'est que ce qui se passa ensuite resterait comme l'un des moments les plus étranges et les plus agréables de ma vie.
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